Culture

luchini lit muray

D’après Marie Drucker, ça se dit M’euw’ay, à l’américaine. D’après Fabrice Luchini,  Muray est bien français. Ce que, suite à ces lectures, je confirme. Un étranger ne pourrait pas aussi bien décrire le sourire de Ségolène Royal, les emplois jeunes « domaine de l’innovation » de Martine Aubry,  ou la parisienne, cette touriste altermondialiste bobo écolo qui lit Coelho et Pennac, et qui finit violée et décapitée par un terroriste (altermondialiste, lui aussi). Non, Philippe Muray, que je ne connaissais pas jusqu’à hier soir, est un sacré bonhomme.

Pour la bio rapide, né en 1945, décédé en 2006, romancier et essayiste (dit sa page Wikipedia), il a publié de nombreux textes que je qualifierai de sociologiques, mais qui sont loin d’Hannah Arendt et autres. Il analyse ce qu’il nomme « la mutation anthropologique en cours », d’Homo sapiens sapiens à Homo festivus, puis à Festivus festivus, via une plume extrêmement cynique (voir la touriste…), et présente sa théorie de « la Fin de l’histoire ».

Alors on s’arrête deux minutes. Qu’est ce que je fous à parler Sociologie et théories Nietzschéennes sur ce blog. Je fous que je suis fan de Luchini. Pas au point d’avoir vu tous ses films, hin, mais au contraire de ses détracteurs qui subissent ses mimiques et rôles de névrosés, j’adore le personnage. Et Luchini, s’il peut donner la réplique à Johnny dans un film à la fin « trop facile« , est aussi un intellectuel. Admirateur de Barthes (pas le footballeur), de Muray, et de Céline (nous avoue t il sur scène).

C’est donc en réalité sans aucune idée de ce que nous allions voir (ou presque) que nous nous sommes assis dans la salle du Théâtre de l’Atelier (18e) hier soir. De Muray, jamais entendu parler. Alors Luchini lit Muray… c’était un peu la surprise.

Une bonne surprise, pour ma part.

On a donc Fabrice Luchini qui vient s’installer dans un fauteuil. Face à la salle. Nous ne sommes pas complètement dans le noir. Premier texte. Muray, une réflexion sur les emplois jeunes de Martine Aubry (1998), Muray analyse ces nouveaux métiers, trace un parallèle étrange avec les héros de Balzac, aux métiers ancrés dans la réalité. Que devient lez romancier du 21e siècle avec des « agents de la coordination petite enfance » ? Muray joue avec les mots, et Luchini s’éclate. Prononciation impeccable, flux quasi ininterrompu, je suis presque larguée de la vitesse à laquelle il enchaine les phrases, sans pause, sans respiration – Luchini style. Petit à petit, on se laisse emporter dans son rythme, le rythme de Muray, l’interprétation de Luchini, passionné, qui s’installe sur scène comme s’il était à un déjeuner mondain.

Fin du premier texte, applaudissements, un spectateur en retard entre et Luchini le prend à parti, joue de ce retard. Des rires. Et il enchaine sur le deuxième texte, à ce rythme effrayant, et pourtant, on ne perd pas le fil. Luchini prend ses aises, il se permet quelques interruptions, annotations personnelles, interprétations, se lève, occupe l’espace. Rires à nouveau, l’humour est fin, au delà de sa gestuelle, et du cynisme décalé de l’auteur. Le discours est presque politique, anti socialiste, grinçant. Deux textes, trois, un rappel, sous les applaudissements et les rires.

Plus la soirée avance, et on a l’impression d’être au salon, plus au Théâtre. Luchini apostrophe le public, rebondit sur nos réactions. Au cour du texte, il marque une pause: « alors là, écoutez bien, c’est magnifique« . Et il répète la phrase, la laissant rouler jusqu’à nos oreilles. Le texte de Muray est dense, mais l’auteur fait oublier sa lourdeur via un style que la lecture de Luchini met en valeur.

En bref.Plutôt que de vous dire pourquoi y aller, on va faire l’inverse.

N’y allez pas si:

– vous êtes adhérent au PS et fan de Ségolène Royal

– vous avez du mal avec le cynisme et le troisième degré assumé (et pensé)

– vous insupportez Luchini

– vous pensez que Roland Barthes fait partie de la famille de Fabien

– vous êtes dans une période de dépression profonde – sous son humour pince sans rire, Muray est déprimant

Luchini lit Muray, Théâtre de l’Atelier – Paris 18e
Jusqu’au 9 Octobre – voir site http://www.theatre-atelier.com/spectacle-fabrice-luchini-lit-philippe-muray-54.htm
De 15 à 35 €
http://www.philippe-muray.com

5 Comments

  1. @phébus ça c’est un point de vue 😉 j’ai trouvé ça très drole pour ma part, très cynique, mais très drôle. mais pas au point d’adhérer à sa vision du monde occidental (j’ai seulement 24 ans, je vais essayer de croire encore un peu qu’on n’est pas encore à la « fin de l’histoire »)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *