Intime & Réflexions

Avril

montreal-110°C. Ça parait pas comme ça, mais c’est comme une transition brutale. La ville transpire. Les trottoirs dégoulinent de torrents de flotte grise et chargée de calcium, les petits cailloux s’effritent sous les semelles, emportés par le flux et reflux de la fonte, coincés entre deux flaques, glissés dans les ornières du ciment détrempé.

La ville pue. C’est l’odeur de la décongélation, comme un frigo trop plein après que l’électricité ait été coupée. C’est le parfum de l’eau qui s’accumule sur les trottoirs, entre les voitures, dans les parcs. Les relents d’une ville qu’on avait perdus pendant quelques mois – essence et gaz des moteurs, poubelles, détritus, et puis ce parfum si caractéristique du béton qui réverbère la chaleur, en été.
Dans les parcs, une pelouse grise, sèche, brûlée par le gel et la neige ; les mouettes se partagent les étangs formés ça et là ; ça crie dans les ruelles pour un morceau de pain.

On avait oublié, que la ville était vivante. Presque cessé de croire que cet hiver allait finir. Qu’on allait revoir la couleur de l’herbe et délaisser un jour nos bottes et nos manteaux.
C’est pas cette chaleur lourde de Juillet, mais on s’approche de quelque chose. L’air pèse sous les nuages. Electricité dans l’atmosphère. Et cette odeur humide qui remonte du sol.

Le ciel a pété cette nuit. Des trombes d’eau pour nettoyer la neige sale, laver la ville de ces quatre mois d’hiver. On avait oublié, le bruit assourdissant des orages, on s’était perdus des mois dans le chuintement feutré des tempêtes de neige, et voilà soudain le printemps qui prend ses aises, nous balance sa saucée pour rappeler que tout hiver, si long soit-il, a une fin.

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