Intime & Réflexions

mue

photo Jessica Boily

À force de m’occuper du corps des autres, j’en oublie parfois le mien. Je croise au détour d’un miroir, mon reflet. La peau est lisse, mais les yeux cernés, je ne me reconnais parfois plus. J’ai mal partout ce matin, mal aux muscles, aux articulations, au ventre. Mal à l’âme, certainement.

Ya rien de grave. Reste que.

 

Et il est dur ce début d’année. Long, après l’automne qui n’en finissait plus. Long, après l’année immense, folle et merveilleuse qu’on vient de traverser. J’hiberne, doucement. Dans le cocon, la mutation.

J’en ai connu des mues, et c’est à chaque fois comme une peau qu’on arrache ; je me sens nue et vulnérable jusqu’à ce que l’épiderme se désensibilise, j’espère que c’est la dernière, et puis, non. Les cycles, on a dit, les cycles et la spirale s’accélèrent, alors c’est normal qu’en plein Éveil je souffre un peu, ça fait partie du processus, c’est normal que la vie nous rapporte sans cesse des marées semblables, c’est pour être sûr qu’on a tout bien compris, réglé, nettoyé ; c’est normal qu’on change de coquille entre les transitions, ça s’appelle grandir.

Mais criss que ça fait mal. Et que je sais pas quoi faire, de toute cette délicatesse.

J’ai même pas de raison. Le vague à l’âme et l’hypersensibilité qui s’expriment, un rien m’écorche, me brusque, me déstabilise. Vata partout, Pitta nulle part, j’ai besoin du feu et de l’eau pour me nourrir, je me sens sèche, cassante, fragile, et beaucoup trop de vent qui tourbouillonne.

J’ai rien d’autre à faire que d’accueillir cette petite fille. Et la patience, qui m’est étrangère.

On m’a dit, lâche prise, accueille, attends.

Alors j’écris. J’écris les mots qui ne tournent pas rond, j’écris les peurs, les blessures, j’écris à mon corps qui ne répond plus, j’écris à mon ventre qui ne saigne plus depuis des mois, j’écris à l’Enfant qui s’exprime, j’écris à la Femme que j’ai délaissée. J’écris, j’écoute, je deviens.

 

Quelque part en mars et janvier, je suis devenue croyante. Parait que c’est la Lune. Ou un grand glissement. On change d’ère. Le Verseau, le Sacré, les louves, aussi. Je sais plus. Ya comme des étoiles qui sont apparues au bout de mes doigts et des courants d’espace dans mes mains, j’ai senti les vibrations caresser ma peau, j’ai vu des couleurs par moment, des images, des émotions qui ne m’appartenaient pas, j’ai brisé les tabous, les croyances, et j’ai plongé la tête première.

Je sais pas comment en parler, ni quoi dire. C’est là, dans ma face, et je veux l’embrasser à bras ouverts jusqu’à ce que ça me colle, sur la nouvelle peau, jusqu’à ce que ça soit confortable, si ça l’est un jour, jusqu’à ce que tout se place et que j’y trouve un sens à nouveau. J’y vais.

J’ai peur.

 

 

 

 

 

en fait.

je suis terrorisée.

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