Intime & Réflexions

ailleurs

« Je vais mieux ». Je l’ai écrit sur mon Facebook la semaine dernière, mais je vais le réécrire ici à nouveau, parce que, c’est important.

Je vais mieux, comme on revient d’un long voyage, comme un départ qu’on avait pas vraiment choisi, comme le temps de réaliser qu’on s’était perdue, ailleurs, et beaucoup trop loin pour réussir à revenir.

Je suis heureux/se de te retrouver. C’est ce que plusieurs personnes proches m’ont dit, ces derniers temps. Moi aussi, je suis heureuse de me retrouver. Moi aussi je suis heureuse d’être à nouveau moi-même. Moi aussi, je suis soulagée de revenir a la réalité, de retrouver mes réactions, mon self-control, ma patience, mon sommeil. Mon corps, mes envies, ma motivation, mon optimisme, mon caractère un peu plus facile à vivre. Je redeviens fréquentable…

Ailleurs, mais t’étais partie où ? Burn-out, dépression, anxiété généralisée, le terme m’échappe et je m’en fous. Au moment où je m’en suis rendue compte – vraiment, ce moment où je touchais violemment le fond – je crois qu’il était déjà trop tard pour prévenir. Il a fallu guérir. À la manière forte – après avoir frappé dans un mur et griffé ma peau à l’issue d’une crise d’angoisse de 4h, j’ai fini par céder. Anxiolytiques, pour asséner un dernier coup, enfin trouver de quoi redonner un peu de volonté de me relever.

Ce qui s’est passé après n’a pas vraiment d’importance, du moins je ne le comprends pas tout à fait. J’ai tenté de surnager dans l’attente en me bourrant de girl-scout-cookie et de 5-HTP, de ne pas complètement disparaître sous les coups des remarques qui blessent, celles qui disent « t’es chiante », « fais attention à la façon dont tu t’adresses aux autres », et « il va pas te supporter longtemps si tu continues comme ça », celles qui ont l’air de faire abstraction de tous les efforts que tu tentes de faire pour ne pas t’effondrer, confronter la sociabilisation avec d’autres gens, affronter la peur d’être seule – et les angoisses omniprésentes que les « ça va aller » ne suffisent plus à calmer. Mais tant pis, on demande pas aux autres de comprendre, juste de savoir se taire, parfois, juste de ne pas juger. J’ai eu assez honte de mon attitude, suffisamment envie de sauter du ponton, ou prendre un billet aller simple pour retrouver les bras de ma maman, et arrêter d’être ce poids désagréable et encombrant. Il y a eu ces jours où je ne supportais plus cette simple question, « ça va », parce que j’étais pas capable de répondre, parce que je savais plus rien, parce que non ça va pas mais à quoi bon en parler, et répondre le contraire serait mentir à la face de ceux que j’aime.

En tous cas.

La réponse est arrivée. J’avais envie de pleurer, et puis non, j’étais en plein massage, je devais me tenir, alors j’ai fait comme je fais toujours, j’ai ravalé mes émotions. J’ai pas réussi à être heureuse pour vrai, tu sais, je suis tombée sur un post sur Portraits de Montréal de cette fille qui disait qu’elle s’était tellement préparée à être déçue qu’elle a pas réussi à être heureuse quand elle a reçu un « oui ». J’en étais là, je crois, tellement loin dans mon angoisse du rejet, à me dire qu’une fois de plus je serai pas capable, que j’avais plus la force de faire face à nouveau, que j’avais oublié l’idée que ça pouvait être un oui – et me redonner le courage d’aller mieux.

Et puis, doucement, c’est allé mieux. J’ai retrouvé le goût d’être sociable, l’envie de rire, le contrôle de mes émotions. Ça a pas été instantané, loin de là, ça fait deux semaines que j’avance à petits pas, oubliant peu à peu la peur de retomber. C’est loin d’être fini : ces mois bien profonds ont fait ressortir des choses que je ne peux pas juste enterrer et ignorer – il semble à ce sujet que ma capacité d’absorber les coups n’est pas illimitée ; et puis il y a eu tellement de changements, de nouvelles expériences, de découvertes que je dois maintenant traiter, analyser, transformer, pour savoir où je m’en vais avec tout ça.

Je vais mieux. Je reviens d’un long voyage, avec un courrier d’Immigration Canada qui dit « GO » pour procéder à ma demande de résidence permanente par parrainage. Un GO qui m’ouvre finalement le chemin que j’essaye de rejoindre depuis des années. Un GO qui me dit enfin, ça y est, ce pays veut bien m’adopter, que dans quelques mois si tout va bien j’aurais ce f*cking visa, je pourrais bientôt dire chez moi, et faire des projets. Un GO pour clore enfin les peurs et les doutes, et révéler tout l’amour qu’il y a derrière ça.

To be continued…

lac-quebec-labelle

 

Intime & Réflexions

stand-by

aborted-beginings-jessica-boily

(c) Jessica Boily – abortedbeginnings.tumblr.com

Il y aura eu les nuits en pointillés, saccadées par les réveils au moindre bruit, les douleurs fantômes, l’engourdissement de tous mes membres, un par un. La chaleur aussi, et puis les « impatiences ». Les étirements qui ne font plus rien. Le chat qui miaule. L’autre chat. Le bruit de la rue. Le ventilateur. Un mouvement quelconque. Alors on se lève, on marche, on sort sur le balcon prendre l’air. J’étouffe. Je suis si fatiguée. Je voudrais seulement dormir. S’étendre sur le canapé, faute de se battre avec les draps humides. Se recoucher. Jusqu’au prochain réveil. Une heure après. Et ainsi de suite.

Il y aura eu les douleurs. Trapèzes, supérieur, moyen, rhomboïdes, gauche droite, longissimus, carré des lombes, et le pourtour de la crête iliaque. Deltoïde, biceps, triceps, brachio-radial, fléchisseurs, extenseurs, quelque part sur l’éminence du pouce, et ce point entre les métacarpes. Grand fessier, pour varier un peu, moyen et petit sûrement, le psoas trop tendu, quadriceps, ma préférée – la bandelette (ou : tenseur ilio-tibial) et son antagoniste couturier, le sartorius. Ça ne finit plus, tension sur le mollet, les « jumeaux » gastroc, et puis pour finir, l’illusion de tendinite sur le tendon distal du soléaire qu’on assomme à coup d’ice-pack et de Voltarène.

Je les ai nommés, tous, chacun leur tour, accompagnant mon apprentissage cinétique. J’ai senti mon petit pec se détendre sous la pression de mon kiné, mes SCOMs et mes scalènes tous pognés de ne plus savoir respirer, cette saloperie de diaphragme, aussi. Les muscles du stress, on m’a dit. ahah. Chez l’ostéo, on m’a fait craquer les vertèbres, cervicales C1-C7, dorsales D1-D12. Je les compte en autant de claquements, symphonie vertébrale. On a laissé mes lombaires tranquilles. C’était le foie, ou la vésicule biliaire – selon de quel côté du globe on prend la médecine ; et puis ces migraines, l’intolérance à l’alcool, et ces crises de larmes, et la difficulté à dormir, depuis des mois. Yoga thaï, shiastu, viscéral, cranio, fascia, suédois tous les jours, jusqu’à ne plus supporter aucun contact, aucune pression. Test de grossesse, hyperthyroïdie, intolérances alimentaires, manque de minéraux, whatever.

J’ai tenté de reprendre le contrôle. J’ai peint mes cheveux en licorne. J’ai fait beaucoup de ménage, et de rangement. J’ai eu 29 ans, et j’ai commencé à vraiment paniquer.

À un moment, quelque part entre septembre et juillet, j’ai cessé d’avoir mal. J’ai recommencé à dormir. Je reprends possession de mon corps, petit à petit – j’essaye, je dirai.

Je n’ai pas réussi à cesser de pleurer.

Il y a les crises. Les larmes, sans raison. Les colères, les sautes d’humeur, la lassitude, l’envie de ne voir personne, l’envie de mordre tout le monde, et qu’on me laisse tranquille, et qu’on ne me touche plus, je ne veux plus parler de moi, ni écouter les autres, je ne sais plus qui est mon corps, cet inconnu qui m’empêche de vivre, non je ne suis pas enceinte, merci, les up&downs, s’énerver pour un rien, pleurer, encore. Je ne suis pas triste, j’ai juste les yeux qui se mouillent quand on appuie un peu fort sur mon corps, quand la musique de relaxation n’est pas relaxante, quand la vaisselle traîne, quand je suis fatiguée, contrariée, angoissée. Je suis fatiguée tout le temps et contrariée par un rien. Coucou, l’anxiété, on se connaissait pas encore. J’ai à nouveau peur du noir.

Je ne me reconnais plus. Je ne sais plus qui je suis.

J’ai écouté le cri d’alarme de mon corps qui ne pouvait plus rien absorber, enterrer, oublier – encore, le trop plein, la somatisation de deux années, ou trois, c’est selon. La façade a explosé, plus rien ne me retient, il n’y a plus de sas de sécurité, c’est là, for real. J’attends sans aucune patience le prochain verdict. En silence. Sans bruit. Sans savoir si – ce si qui signifie refus – cette fois encore, j’aurais de quoi surmonter, relancer, trouver des solutions, repartir. Avec l’angoisse sourde et violente de ne plus avoir de garde-fou, l’angoisse de l’attente, l’angoisse de devoir – une énième fois – tout remettre en question.

J’attends. Je survis, quelque part dans une zone de tri, une boite de Shrödinger, un limbo de patience – ni morte, ni vivante. Ni là, ni ailleurs. En suspend.

On a beau s’accrocher aux possibles, aux optimismes, aux ficelles invisibles qui nous ont fait tenir debout tout le long, on est toujours seul face à soi-même. On a beau rationaliser sa vie, faire des statements, ériger ses valeurs comme des mantras sur lesquels on veut s’appuyer, et RE-LA-TI-VI-SER (quel bullshit ce mot), parfois, le réel – l’émotion, le dedans, le soi – vient foutre le bordel, parce que c’est comme ça.

Je sais bien. J’y arrive plus. Si je bouge, tout s’effondre. Alors je ne bouge plus.

La seule chose que je sais, c’est que je ne sais plus rien.

Intime & Réflexions

les savants les poetes et les fous

Louis-Dumas-Veronneau

J’aimerais vous expliquer à quel point ma vie est bizarre, depuis un moment.

J’aimerais vous expliquer, ma vie, comment ça se passe, où est la frontière floue du non-conventionnel, et comment je me suis retrouvée ici. J’aimerais pouvoir tracer des limites, un profil, détailler tout ça, et me glisser dans une jolie boite avec une étiquette dessus, pour faire plaisir aux gens-qui-aiment-bien-tout-mettre-dans-des-cases-parce-que-c’est-rassurant. Le truc c’est que… j’ai jamais trouvé les choses aussi évidentes que ce qui se passe pour moi depuis quelques temps.

J’ai dit évidentes. J’ai pas dit « normales ». J’haïs ce mot. Pourtant, il faut me rendre à l’évidence, je fais un rapide tour d’horizon de la-plupart-des-gens-autour-de-moi, j’observe, je vois les réactions lorsque je présente mes choix de vie. On respecte, on approuve, ou non, on questionne parfois. On partage rarement. « Ah oui, moi, je pourrais pas ». Et puis je retourne le gant et paf, ça fait une jolie frontière, celle qu’on appelle « la norme ».

N’empêche que, de mon point de vue, le bizarre, c’est les autres.

C’est ceux qui vont au boulot de 9 à 5 (ou, mettons, 9 à 8 pour les plus Parisiens d’entre vous), du lundi au vendredi, et qui gagnent à peine de quoi payer le loyer exhorbitant de leur T2 intra-muros. Ceux qui lisent les magazines féminins pour y trouver des conseils sur comment s’habiller, où partir en vacances, les joies des smoothies verts, comment reconquérir votre mec en lui faisant la pipe de sa vie – et si vous faites pas l’amour au moins une fois par semaine, votre couple va mal. Ceux qui savent où ils seront dans 10 ans, parce que leur job propose une évolution hiérarchique naturelle, avec boni et voiture de fonction. Ceux qui partent en vacances dans des resorts tout inclus ; ceux qui se marient à l’église en robe blanche et baptisent leurs enfants « pour la tradition » ;  ceux qui s’attristent ou se félicitent des stats d’une campagne de pub ; ceux qui se séparent parce que leur conjoint a couché avec quelqu’un d’autre. Ceux qui préfèrent taire leurs idées plutôt que d’entrer en conflit. Ceux qui s’énervent pour rien, ou tout, ceux qui passent leur temps à se plaindre mais trouvent toutes les raisons possibles de ne surtout rien changer. Ceux qui ont peur de tout. Ceux qui acceptent les règles sans réfléchir à leurs fondements, qui se fondent en silence dans la foule, parce que c’est plus simple ainsi.

Louis-Dumas-Veronneau

La vérité, maintenant. J’ai été comme les autres. Pendant des années je me suis pas vraiment posé de questions. C’était normal de rester au bureau 10 heures par jour alors que j’avais rien à faire la moitié de la semaine et que je formais des stagiaires pendant les jours restants – c’est la vie d’agence, faut payer le loyer, les factures. C’était normal de payer 1400 euro pour un 50m2 pour lequel on avait dû fournir un garant alors qu’on gagnait 3 fois le loyer à deux – en fait on trouvait même qu’on était chanceux. C’était normal de me demander le matin si ma robe était pas trop courte, et qu’est ce qu’on va penser de moi si je me tatoue ; normal de me faire mettre une main au cul dans le métro – c’est le métro ; normal que mon mec soit jaloux que je fasse des câlins à un ami (garçon), puis d’ailleurs les câlins ça se fait pas, on touche pas les gens avec qui on a pas de relation intime, c’est pas bien. C’était normal de faire une job « à responsabilités » – j’ai fait des études pour ça, pas question de gâcher mon potentiel ; normal de me remettre en question constamment – parce que peut être que si mon boss/mes collègues/mon client me traitent comme une sous-merde c’est que le problème vient de moi ; de penser que c’est la suite logique des choses que de travailler pour cette entreprise super connue et que ça fera beau sur mon CV, même si elle traite ses employés comme des objets interchangeables et fait son CA sur le dos de stagiaires à durée indéterminée. Pendant des années, j’ai écrit dans mes lettres de motivation que je cherchais une job qui pourrait me permettre de m’épanouir autant professionnellement que personnellement. Et j’y croyais.

Mais ça veut dire quoi, s’épanouir, quand on rédige des posts Facebook pour mieux vendre des t-shirts? On s’épanouit comment quand on ose à peine demander un jour de vacances de peur de se le faire refuser? C’est quoi l’enrichissement personnel et notre contribution au monde, coincé dans un cubicule?

Je rejette pas tout ça, je veux dire, sur les quelques boites où j’ai bossé, il y a eu de très belles histoires, de superbes rencontres, des projets hyper enrichissants. Mais en travail comme en amour, les expériences, bonnes ou mauvaises, nous permettent de mieux savoir ce qu’il nous faut. M’ont permis de comprendre que je pouvais pas travailler dans de bonnes conditions si on me mettait des objectifs chiffrés dans la face, et une sentinelle derrière mon dos. Que peut-être ce serait pas une mauvaise chose de me mettre à bosser à mon compte – je suis suffisamment exigeante avec moi-même pour pas avoir besoin d’un boss qui me rajoute de la pression.

(petite parenthèse ici pour dire un immense merci aux dernières personnes avec qui j’ai bossé parce que c’était peut être court, mais ça m’a redonné confiance en la possible humanité d’une compagnie) (merci François, Marie-Ève, Sylvain, Audrey, Oli, Carole, Rabbi, Josée, et Maxim, et Mélanie) (bref)

Pendant des années, j’ai eu l’impression que quelque chose collait pas, dans ma vie, que j’étais trop rarement à la bonne place, au bon moment. Pendant des années, j’ai eu l’impression d’être une extraterrestre parce que je considère envisageable – et même plutôt naturel – qu’on puisse avoir du désir (sexuellement) pour une autre personne que son conjoint.e et que je crois qu’on peut apprendre à vivre avec ; parce que je pense pas que le nombre de conquêtes d’une femme ait un plafond au delà duquel on a le droit de la traiter de salope ; parce que j’ai trop souvent dit tout haut ce que je pensais.

Louis-Dumas-Veronneau

On se l’est déjà dit, ya pas un jour où tout bascule, c’est quelque chose qui évolue, chaque jour, infimement, pour un peu qu’on s’ouvre à l’in-habituel, qu’on se mette à penser un peu plus loin, qu’on arrête d’avoir peur des qu’en dira-t-on. On est pas tous égaux devant nos idéaux, on cherche pas tous les mêmes réponses, on a pas tous les mêmes attentes face à la vie, ni les mêmes certitudes, encore moins la même résilience aux coups. J’ai compris doucement qu’assumer mes valeurs et mes choix était une façon de m’affirmer en tant que personne, de gagner en confiance en moi, de me faire un peu estimer. Je passe mon temps, encore, à toujours (souvent) me remettre en question, confronter mes choix avec le point de vue des autres, accepter la différence. C’est pas toujours facile, aujourd’hui je marche à deux, et je vacille parfois entre mon besoin d’affirmer ce que je crois et la peur de blesser cette personne merveilleuse qui accompagne désormais mes pas.

J’aimerais vous expliquer à quel point ma vie est bizarre en ce moment. Parce que j’ai fait des choix de vie, dans ma carrière, dans ma vie amoureuse, dans mon rapport aux autres, qui ne sont pas nécessairement « dans la norme » – ce contexte dans lequel j’ai grandi, et qui m’a, indirectement, aussi appris la liberté de penser. Parce que j’ai choisi de croire en des trucs « insensés ». Parce qu’à un moment je suis sortie du cadre et que je veux plus y revenir. Parce que pour moi, les bizarres, c’est ceux qui se conforment les yeux fermés.

J’aimerais surtout vous raconter tous ces gens merveilleux qui sont entrés dans ma vie depuis que j’ai décidé d’assumer ce que je crois être juste, de l’exprimer, d’en faire des valeurs, des certitudes. Des gens comme moi, qui font rien d’extraordinaire, un tas de fous qui ont oublié de juger, et l’énergie de rêver encore. Je suis loin d’être savante, pas vraiment poète, alors quelque part j’assume faire partie de la troisième catégorie. J’ai l’espoir secret que ma folie déteindra sur les autres et qu’on finira tous, d’une manière ou d’une autre, à sortir de nos boites et bousculer l’établi.

photos Louis Dumas-Véronneau, 2014

Au quotidien

entre nos doigts

fatigue

J’ai pas le temps, je répète souvent, le temps passe à une vitesse folle, merde on est déjà en juin, dans un mois c’est mon anniversaire, mais dans ma tête j’ai déjà 29 ans. C’est ma manière à moi de me préparer à vieillir parce que malgré ce que dit mon certificat de naissance – celui où j’ai découvert que je m’appelle E(u)lodie et non Élodie parce qu’en France on met pas d’accent sur les majuscules et que peut être que mon papa était un peu trop ému quand il a déclaré mon arrivée – on me donne toujours quelque part entre 18 et 25 ans, je trouve ça plutôt cool finalement si l’âge des PVTs de ce monde était pas limité à 30 ans et que je commençais pas à avoir une bizarre envie d’enfant qui se réveille (oui, c’est dit, et j’assume cette phrase).

Le temps passe trop vite et j’ai tellement de choses à dire, écrire, raconter. Je prends plus le bus ou le métro, je suis sur mon vélo tout le temps pour me déplacer et à la maison j’avoue que je délaisse un peu les internets pour les rares moments où je me pose derrière un clavier (faut que je termine Tropico 4 pour acheter le 5 mais mon cher laptop en a décidé autrement, ce qui lui a valu 3 jours chez le chinois-docteur-IT sur Beaubien, et moi de perdre 50$), faque j’ai pas trop d’occasions d’écrire ici. J’ai environ 12000 brouillons de trucs que j’arrive pas à finaliser, parce que je trouve pas les mots justes, parce que j’ai déjà de nouvelles idées avant même d’avoir terminé mon billet, parce qu’il se passe tellement de choses que je n’arrive plus à suivre, à réfléchir, à me poser pour mettre tout ça à plat.

Alors c’est presque l’été, à Montréal, on se noie sous la pluie trois jours semaine et le reste du temps on se laisse bronzer. Je bois trop de bières, pas ma faute si le quartier regorge de bars de microbrasseries incroyables et que j’ai fait de l’Isle de Garde mon QG. J’ai mal à la tête, le lendemain, une vrille sur la tempe droite, c’est pas normal je sais, je travaille là-dessus, ou bien j’ai une cirrhose du foie à pas-encore-trente-ans. YOLO.

J’ai mal au dos aussi, c’est le comble quand on étudie en massothérapie mais on se fait tellement tripoter, effleurer, pétrir, percuter, frictionner, fouler, drainer qu’à un moment ça bouge là-dedans. Je vous parle même pas des cours de « communication » qui ressemblent de près à une grosse psychothérapie collective, on est beaux tous à ouvrir nos blessures et exprimer nos ressentis, ya des jours on sort de là vidés, brûlés, malmenés par les souvenirs qui remontent et les émotions lourdes des autres. C’est beau, d’un côté, cette énergie, on est tous à notre manière des marginaux de nos vies, autant de raisons d’être là que de parcours et de personnalités, et le tout se mêle en un superbe pot-pourri. Je vais le répéter une énième fois : j’aime ça, elle est magnifique cette énergie collective, cette passion qui nous unit.

J’ai pas le temps, alors je me recentre sur le présent, sur ceux qui sont là, ceux qui sont proches. C’est pas loin des yeux loin du coeur mais on est tous tellement occupés ici et là-bas. Il ya des amis à qui j’ai pas parlé depuis des mois, doucement je me détache de l’immédiateté qui a fondé notre relation, et c’est correct, j’accepte que la vie continue là-bas comme pour moi ici, j’observe le peu de leurs vies que me laisse entrevoir le prisme étrange des réseaux sociaux, en attendant qu’on se serre à nouveau dans nos bras, qu’on puisse se passer de mots pour se dire tu m’as manqué, et tu comptes toujours autant dans ma vie.

Le temps file à une vitesse folle, pourtant on dirait qu’on a encore toute une vie à vivre, ressentir, rêver. Jusqu’ici tout va bien, on est pas vraiment pressés. Il reste tellement à voir. Alors j’apprends à respirer.

(et puis Foals va sortir un nouvel album en août – et ça c’est <3 <3 <3)

Au quotidien

parmi vous

aborted-beginingsJ’ai environ trois ou quatre brouillons de cet article où j’essaye de raconter, d’expliquer, le pourquoi du comment, les derniers changements, le bordel continu qui se stabilise aussi d’une certaine façon, le où je suis, où je m’en vais, je fais quoi. J’ai tenté de faire simple, et puis ça ne s’explique pas – enfin, si, j’ai un tas de mots rationnels à poser pour justifier le chemin que j’ai pris, la vérité c’est que c’est une fois de plus un choix par « fait accompli », une issue de secours qui se transforme doucement mais sûrement en une nouvelle voie, la vérité se résume en quelques mots sans équivalent en français : life happens.
« La vie arrive ». On pourrait dire ça. J’ai évoqué tellement de fois le bordel de ma vie, les changements incessants, le flou, les décisions qui n’en sont pas vraiment – parce que si j’avais tracé ma vie il y a quelques mois je ne m’imaginais pas là – et je ne cesse de répéter cette phrase – si j’avais pensé que.

Mais voilà. Aussi étrange que cela puisse paraître, j’ai la sensation que dans tout ce flou, dans toutes ces incertitudes, cette instabilité, j’ai commencé à me trouver. J’ai eu un million de prises de conscience, d’épiphanies plus ou moins heureuses, parfois simplement en réalisant que ce truc que je vivais « par défaut », comme « solution temporaire », était peut être quelque chose qui me convenait. Et par la force des choses, l’impossibilité de continuer la route que je voulais suivre à la base, j’ai fini par prendre tout ça sous un autre angle, et au delà de l’acceptation, m’approprier ce qui se passe. Je pense qu’on passe tous par là à un moment, si on se retrouve privé d’une capacité qui jusqu’ici nous semblait normale, ou bien les choses arrivent, et on change de direction. Je pense à Laura qui a décidé de devenir prof de yoga et dont l’histoire résonne étrangement avec la mienne. Lucie et Thibault qui sont partis s’installer au fond de la Bretagne dans un moulin qui prend l’eau. Fanny qui a découvert il ya quelques mois qu’elle avait un problème à la hanche qui sera un handicap à vie. On fait quoi dans ces cas là ? On apprend à vivre différemment, je crois.

J’ai pas perdu de hanche, ni eu d’accident, je suis en santé ; mon seul « handicap » temporaire, c’est les joies des visa, c’est de ne plus pouvoir travailler. C’est d’avoir décidé de rester ici malgré tout, de m’accrocher, accepter les aléas.

Life happens. Ces derniers mois, après une énième décision arbitraire de l’immigration, j’ai donc perdu une opportunité de job, je me suis mariée, et j’ai repris des études – pour occuper ces longs mois d’attente. Une formation courte (je peux pas étudier plus de 6 mois sans permis d’études) en massothérapie, encore une décision sur un semi-coup de tête, qui mûrit quand même depuis presque un an. Je reviendrais plus en détails dans un autre post sur la massothérapie au Québec, et plus spécifiquement ma formation (c’est très différent de ce qui existe en France, et oui c’est fascinant). Le fait est que, partie à la base pour faire ça « pour m’occuper » et « pour ma culture générale », et « on verra bien ce que j’en ferais quand j’aurais ma RP », je commence doucement à me poser réellement la question d’en faire mon métier, à temps plein, ou en partageant mon temps en freelance avec ce que j’appelle encore mon « vrai » métier, le webmarketing. Il y a aussi ce cap à passer qui m’éloigne définitivement de la France, de ma vie d’avant, le lien qui s’affaiblit, la distance. Suis-je encore parmi eux… ?

masso

Je suis loin d’avoir une réponse. Là encore il y a des listes qui s’écrivent dans ma tête tous les jours, des pros et des cons, des questionnements, des doutes, des envies, des projets, et tout ça qui se mélange. J’ai toujours pensé qu’un jour je changerais de voie, reconversion, autre, mais pas là, pas à 29 ans, pas avec si peu d’expérience dans mon domaine. Je m’éclate aujourd’hui dans ma formation, mais c’est nouveau, qu’en sera-t-il si j’en fais mon métier ? De l’autre côté, je m’éloigne de plus en plus d’internet, de la comm, j’observe les opés et les événements d’un oeil blasé, qui se dit « à quoi bon ? » (et je te parle pas de ce que je pense des « tendances », des magazines féminins et du bullshit général bien pensant…). C’est pas le cas pour tout, bien sûr, il y a encore des projets qui me font vibrer comme ceux auxquels j’ai participé – trop brièvement – l’été dernier et cet hiver ; et je suis certaine que je retrouverais la « flamme » si je replongeais pour de bon dedans.

Mais.

L’année est loin d’être terminée. Les questionnements se posent, doucement. J’accepte moi aussi ce changement qui s’est fait, dans ma vie, en moi. Je cherche l’équilibre. J’ai la chance de n’avoir aucune obligation, aucune responsabilité, aucun engagement, et des gens qui me soutiennent sans me juger. J’ai l’impression d’avoir fait les choses dans le désordre, d’avoir agi en réaction à des événements, presque dans l’urgence, et maintenant que cette urgence n’est plus, je réfléchis enfin à ce que je vais faire de tout ça. Peut être que c’est ça la vie, finalement. Une succession de réactions qui finissent par s’ancrer définitivement, tout ça parce qu’un jour, on a décidé de sortir du chemin. 

La suite, au prochain épisode…

 

Au quotidien

homéostasie

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De quand datent vos dernières vacances ?

C’était écrit dans le questionnaire. J’ai répondu « Euh…« . Mes dernières vacances. Tu veux dire plus de 4 jours où je décroche complètement ? Sans compter les retours en France qui ressemblent surtout à un marathon pour voir tout le monde ? Et puis c’est quoi, des vacances, quand ça fait plus d’un qu’on travaille plus vraiment régulièrement ? Alors je sais plus. Ma vie est un sacré bordel depuis que j’ai quitté Paris il y a 3 ans – résumons le comme ça.

Elle a souri. On a continué les questions. Elle me dit « pourquoi tu ne consultes pas pour tes problèmes de sommeil ?« . Je réfléchis. Ça ne m’embête pas, de mettre du temps à m’endormir. C’est rare que je passe des nuits blanches à tourner dans mon lit, finalement. Depuis que je suis toute petite, j’ai du mal à m’endormir. C’est devenu normal.

Elle sourit encore. On parle de mes problèmes de digestion, elle dit, le ventre c’est le deuxième cerveau, et c’est pas la première fois que je l’entends dire. Et puis du chemin qui m’a amenée ici, de ces périodes de fatigue intense qui me prennent, parfois, des journées incapable de faire quoi que ce soit car mon corps ne suit plus – pourtant, je suis très rarement vraiment malade. Des vaginites, tendinites, de mes problèmes de dos. Elle demande, es-tu stressée ?

Non. Jamais. Je ne me sens pas stressée, je gère.

Mais mon corps, lui, dit le contraire. Mon corps somatise, fragilisé par le manque de sommeil, il ya ces semaines où je me sens lourde, le foie chargé comme si j’avais trop bu, ces soirs où je m’écroule, et ces tensions dans la nuque et les trapèzes qui ne se relâchent jamais. J’ai tatoué cette épaule pourtant, comme un mantra, lâcher-prise. J’apprends. J’essaye. Il y a tant de choses sur lesquelles je n’ai pas d’emprise, aucun contrôle, à quoi bon s’énerver, chercher à comprendre. Et puis il y a le reste, ces trucs du quotidien qui doivent être faits d’une certaine manière, ces matins où le moindre défaut et manquement me contrarie. Des oeufs mal cuits, un gâteau raté, un plan de travail pas nettoyé, et j’explose.

Je sais que c’est stupide, de s’accrocher sur ces détails quand il y a beaucoup plus en jeu, que la propreté d’une baignoire ne changera rien à ma vie, que cet oeuf sera aussi bon qu’un autre, qu’on a voulu me faire plaisir. Alors que je me débats à peine face à une administration qui me fait tourner en rond et bloque ma vie depuis des mois, je m’énerve pour l’insignifiant, je renvoie mon stress et ma frustration sur ce que je peux atteindre facilement.

J’aimerais expliquer, c’est pas si facile. Le lien, il n’existe pas. J’ai une maman maniaque, sûrement que ça vient un peu de là. J’ai ces sautes d’humeur, les matins où tout semble aller mal, quoiqu’on fasse, où le seul fait de sociabiliser est un effort. Je ne contrôle pas ça. Parfois, je préfère ne plus parler, parce que je sais que si j’ouvre la bouche, ce sera pour blesser, renvoyer à l’autre cette énergie négative inexplicable qui brûle en moi. Parfois, je préfère couper toute communication, parce que je ne suis pas capable de gérer les problèmes des autres – ceux qui se trouvaient habituellement en moi une oreille attentive et des conseils. Parfois, il suffit d’une étincelle, et plus rien ne tient.

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C’est dur de lâcher-prise. Dur de lâcher le contrôle, de laisser faire, laisser glisser. La vie, ses averses, ses pluies torrentielles, elles coulent sur ma peau sans que je frémisse. Le reste, ces petites choses du quotidien sur lesquelles pour une fois j’ai une emprise, je les retiens, je m’y accroche, je les chéris et les protège, exagérément, je voudrais parfois que tout soit parfait.

Mais ça l’est pas, parfait, la vie, en vrai. C’est pas possible, et ça voudrait dire que quelque part on sait ce que ce mot veut dire. C’est difficile d’accepter de lâcher-prise sur des détails insignifiants lorsque tout nous file entre les doigts et qu’on peut juste regarder aller.

J’apprends. Doucement, je cherche l’équilibre. Le juste milieu, entre ce que j’accepte avec parfois un peu trop de facilité, et ces choses mineures que j’ai tant de mal à laisser passer. La balance, entre la motivation d’avancer et ces matins vides. Apprendre à dégager ce stress que je ne ressens pas mais qui me ronge en dedans. Chaque jour un peu plus, apprendre à (m’)écouter.

Juste le temps de battre des cils

Un souffle, un éclat bleu, un instant qui dit mieux

L’équilibre est fragile…

Au quotidien

la maladresse

jean coutu

Ya des gens dans la vie, qui sont doués de leurs mains.

Spoiler : c’est pas mon cas.

Comme le disait si bien la grande philosophe Florence Foresti, « dans la vie, on peut pas être doué en tout : ya des gens qui sont doués en amour, moi je suis douée en orthographe ». Je sais pas en quoi je suis douée (je veux dire, à part pour corriger les fautes d’orthographe des autres, procrastiner, adopter des chats et avoir des emmerdes de visa), mais je sais pour sûr que je suis pas douée avec mes dix doigts (et les autres extrémités qui viennent avec mon corps) (dit comme ça, j’ai de la chance de pas être un mec…). Je suis ce qu’on appelle maladroite. Dans d’autres termes, mon père parle plutôt de ma « délicatesse légendaire », référence à ma façon (délicate, donc) de servir un plat ou de l’eau ou autre truc relativement lourd qui me donne l’air d’une une vache en train d’essayer de se servir de couverts. Je casse rien, notez, je suis plutôt bonne à ça, ma spécialité à moi, c’est les (faux) mouvements, et me blesser sans faire exprès.

Je suis le genre qui se penche pour attraper un truc de l’autre côté de la table et paf, le mug de thé et la tasse de café ont repeint la cuisine (encore une fois, pas de casse). Le genre qui essaye de changer de position dans un câlin qui a un peu dérapé et merde, l’autre se retrouve avec un oeil en moins (j’ai encore émasculé personne, mais c’est parfois pas passé loin). Le genre qui a régulièrement des bleus sortis de nulle part, des égratignures, griffures, blessures, hématomes, et autres joyeusetés dont je suis bien souvent incapable d’expliquer comment elles sont arrivées là.

Cette semaine, j’étais pas mal dans mon genre. Je sais plus exactement comment j’en suis arrivée là, mais je me suis retrouvée vendredi avec quelques bleus sur les jambes (mon vélo), des égratignures (porter des briques ça grafigne), deux pansements au pied (je me suis ouvert un orteil en me cognant contre une valise – ça coupe ces bêtes là, et j’ai marché sur un marteau – merci mon chum bricoleur), une coupure à la main (les barbecues, c’est chiant à monter), une brûlure sur le poignet (l’huile chaude, ça saute), un hématome au creux du coude (pas ma faute celui ci, je réagis mal aux prises de sang) et une belle bosse sur le front (c’est à dire que la porte du placard au dessus de la laveuse était ouverte, et ça fait mal).

bleu

Je trouvais ça drôle. Je faisais des petites jokes sur Twitter, et sur Facebook je m’amusais à faire la liste de tous les trucs qui s’étaient passés dans les jours précédents.

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Mon chum m’a dit que je m’étais jinxée moi-même, pis je crois qu’il a raison. Samedi soir, je rentre et je me mets à cuisiner (rappelez vous, j’ai un blog cuisine – quand je prends le temps d’y poster mes recettes). Un filet mignon de porc, grillé à la poêle, puis finir la cuisson au four. Je grille, j’enfourne, je ressors la poêle. Je gère. Je prépare une planche à découper, un couteau, je me retourne et j’attrape la poêle pour sortir la viande.

J’attrape la poêle. Qui sort du four. À main nue.

Voilà.

Trois minutes plus tard Dany entre dans la cuisine et me voit la main sous le robinet, comprend pas (j’ai pas crié ni rien tsé, les soirs où t’as juste envie de pleurer tellement tu te sens ridicule et nulle et pas douée), et se fait envoyer chier (le pauvre) (je suis horrible dans la douleur) (pas seulement dans la douleur, en fait, c’est un garçon courageux) (sûrement une qualité qui se développe après avoir survécu à 28 hivers québécois). Une heure trente plus tard j’ai toujours ma main dans un saladier d’eau, mon chum adorable et pas rancunier est allé jusqu’à une pharmacie d’urgence me chercher des bandes spéciales brûlures, et on improvise un bandage de fortune.

Faque. Pour la fin de semaine, j’ai gagné une main de Mickey.

main bandage

(note : le bandage sur la photo a été réalisé par une professionnelle. ne tentez pas de reproduire ça chez vous)

Ça s’arrêterait là si ça pouvait. Sauf que non. L’ironie dans l’histoire, c’est que le lundi matin, je commençais une formation. En massothérapie.

(note : si tu comprends rien c’est normal, j’ai beaucoup trop d’articles en retard, je sais.)

Bah tu sais quoi ? Je me suis pas pire débrouillée avec une seule main pendant trois jours. Mais masser avec un gant, c’est VRAIMENT pas pratique.