Chroniques

les cycles

Ça y est. On y est. Au bord de 2017, au bout, presque. On aperçoit 2018, à quelques jours de là. Mystérieux, brumeux, inconnu.

Dans ces périodes de dates « clés », que ce soit un changement d’année, un anniversaire, le mien ou celui d’un événement marquant, j’ai souvent tendance à « faire le point ». Où et qui étais-je à cette même date, il y a un an, deux ans, plus ? Qu’est-ce qui a changé ?

Parfois, l’impression de tourner en rond m’assaille. Ce sentiment désagréable de revivre les mêmes choses sous différents aspects, d’être coincée dans une boucle sans parvenir à me défaire de mes patterns, de revivre les mêmes histoires, de repasser au travers de situations similaires.

Mes relations amoureuses, par exemple, suivaient jusqu’à l’an dernier un cycle très familier. 2-3 ans de relation. Rupture. 2-3 ans de « célibat », avec une relation de quelques mois qui m’apprend énormément. À nouveau, une relation de 2-3 ans. À nouveau, rupture. Célibat. Relation de transition. Relation engagée de 2-3 ans. Etc. Jusqu’à ma rupture avec le Mari à l’automne 2016, et le début de ma relation avec le Barbu peu de temps après, qui vient bousculer cette rythmique.

 

Une prof merveilleuse m’a raconté cette année que d’après des approches du monde ancestrales comme l’Ayurvéda ou le chamanisme, nous sommes effectivement voués à revivre des patterns, des cycles. Pourtant, nous ne tournons pas en rond.

Notre vie s’apparenterait plutôt à une spirale. Vous savez, ces spirales de papier qu’on étire et qui deviennent un cône ? Voilà.

J’aime cette conception. J’aime à penser que l’Humanité a créé le temps, les années, pour concrétiser les cycles naturels. Les saisons, les Lunes, les Années, et pour pouvoir observer l’évolution de nos cycles, à nous.

J’aime à croire qu’on revit les mêmes situations, d’une vie à une autre, pour apprendre, et peut être réussir à s’en sortir au bout du compte.

Alors, d’une année à l’autre, j’observe.

Qui étais-je. Où étais-je. Qui suis-je.

Plutôt que de me laisser tromper par les apparentes similitudes, ou me concentrer sur mon échec à remplir ma « to-do list » de résolutions qui me laisseraient croire que je n’ai pas avancé, je fais un état des lieux du positif.

Qu’est-ce qui a changé ? Qu’ai-je accompli ? De quoi suis-je fière ?

Ce sont parfois de petites choses. Parfois des accomplissements si faciles et si « assumés » qu’on ne les compterait pas comme réussites. Parfois, c’est la vie qui nous a poussé hors de la zone de confort. Parfois, c’est un heureux hasard, une opportunité qu’on avait pas envisagée et qui s’est présentée.

Et ça fait du bien, d’être bienveillante envers moi-même, de reconnaître toutes ces réalisations, ces pas plus ou moins grands.

 

En 2017, …

Je suis partie seule (!) en retraite de yoga (!!) aux Bahamas (deux premières)

J’ai fait une double tendinite (ouin), et j’ai quitté le spa où je ne m’épanouissais plus pour travailler à mon compte (yeay)

Je suis en relation polyamoureuse avec le Barbu depuis un an

J’ai emménagé avec mon amiereuse

J’ai fait 3 formations en massothérapie et d’innombrables apprentissages dans mon cheminement personnel

J’ai découvert le shibari, et continué à explorer ma sexualité

Le Mari est revenu dans ma vie, par la plus douce des manières. J’ai éprouvé de la compersion

J’ai appris à exprimer mes émotions, à poser mes limites. J’ai géré plusieurs crises d’anxiété, les miennes, et celles de mes proches

J’ai fait un beau séjour en France

J’ai dansé, massé, touché, connecté de manière de plus en plus authentique et intime avec les gens. Je pense que, volontairement ou non, j’ai impacté positivement plusieurs personnes

J’ai mangé moins de viande, et consommé de manière plus responsable en achetant local, sans emballage, de manière consciente

J’ai fait un 7e tatouage

J’ai pratiqué le yoga, j’ai médité, j’ai ressenti, j’ai écouté. Je suis en plein éveil. Parfois, ça a été douloureux, mais surtout magnifique et fascinant. J’ai hâte de la suite

J’ai fait des rencontres, riches, surprenantes, merveilleuses

Je me suis aussi rencontrée moi.

 

Et toi ?

Chroniques

incendies.

(Texte écrit en juillet 2005, alors que j’étais en stage à Malte, suite aux attentats de Londres, qui vient de remonter à ma mémoire. Nice, Juillet 2016)

 

Images

Et puis une explosion.

Ca veut dire quoi Blasts ?

Several Blasts Hit London. C’est écrit là, sous les images. La voix s’entend cette fois, les regards sont vers l’écran. A plusieurs milliers de kilomètres de là, l’œil d’une caméra.

Il ne savent pas quoi dire, ils répètent, et le mot, explosions, qui revient, et cet égarement. Quelque chose de déjà vu pourtant. Même si le soleil était là. Les nuages ne changent rien. On connaît l’histoire par cœur à présent.

Les regards sont vides. Sous l’hélicoptère les tentes, les ambulances, les civières. Mais il n’y a pas de corps. Pas de sang. Pas de débris. Les gens ne courent pas. Ne crient pas. Ne pleurent pas. On sait. L’histoire se répète, à présent, l’acceptation, la résignation.

Une minute de silence.

On pense, étrangement, je connaissais peut être quelqu’un… On a tous des amis, de la famille, des amis d’amis… On pense pas et si c’était nous, parce qu’on y est pas. Parce que c’est pas possible et pourtant on peut compter les rediffusions de ce même scénario catastrophe.

Pas de corps. Pas de sang. Pas de débris. Cette fois l’ombra a avalé l’horreur. Le cœur de Londres a étouffé en son sein la panique.

On ne panique plus à présent. On y croit. On sait. Il n’y a pas d’accident, ni de hasard. Il y a des hommes, seulement des hommes, et à présent des âmes muettes enfermées au fond d’un Tube…

La ville semble morte, tu dis. Elle l’est, peut être, c’est la guerre regarde. Et tout le monde se tait car il n’y a rien à dire. L’ennemi est invisible, la cible impersonnelle. Comment répondre à un aveugle qui frappe sans voir celui qu’il a choisit comme origine de son malheur ? Comment se battre contre l’invisible ? L’inconnu ? Il n’y a pas à prendre les armes. Les visages se ferment. La guerre est dans nos villes, la Mort s’y exprime en autant de noms sur des dalles sombres, et bientôt les grandes villes de l’Occident scintilleront chacune des cierges à la mémoire de leurs innocents…

Le silence. L’œil de la caméra, qui tourne. Le silence. Ces hommes en blanc, croix sang, et rien ne bouge.

La première fois, voilà l’action, des cris, des foules, la fuite, les larmes. Et puis, petit à petit, la surprise n’accompagne plus l’horreur. Celle-ci se masque en profondeur à présent. Ou peut être est ce le flegme britannique qui empêche l’explosion humaine.

A l’incapacité de réagir, et seulement attendre, faire semblant, oublier. Les livres seront réédités, il manquera deux tours, une usine. Des dalles en mémoire des trains. Et là ?

Peut-être avons nous besoin de nous rappeler que la guerre c’est pas seulement les GI à la télévision. Qu’on est pas loin de tout mais que c’est bel et bien la réalité. Qu’il n’y a pas que sous le Soleil qu’on meurt.

Les corrélations vont trop vite. Et si, et si on se dit, et si ça avait été Paris 2012 ? Un rapport. Ou peut être pas.

Hier ils faisaient la fête dans Trafalgar Square. Aujourd’hui…

Et ici, est ce que les gens vont pleurer ?

Chroniques

devenir parent(s) – ou ne pas

Il y a eu d’abord la période des prénoms, des fantasmes, un, deux, trois – je savais déjà que ce serait plusieurs. Je ressentais quelque part un jugement pour ma mère, qui s’était arrêtée après mon frère, deuxième et dernier, deux ans après ma naissance. Pourquoi tu n’as pas eu de troisième, je lui disais, oui pourquoi ? L’enfant que j’étais alors ne se tournait pas vers mon père, figure moustachue trop occupé à des « choses de grandes personnes » pour s’intéresser à mes réflexions de petite fille. Trop fatiguée, répondait ma mère, 36 ans, deux bébés, personne pour m’aider.

Je ne réalisais pas alors le courage, la patience, la force qu’il lui a sûrement fallu pour nous supporter, temps plein, nuits blanches, plus tard maison en construction, et personne autour pour la décharger. La famille absente, éloignée, fâchée. Jusqu’à mes 7 ans je n’ai eu qu’un grand père qui nous gardait parfois les week ends et nous autorisait à nous gaver de cerises rouges et juteuses à même l’arbre.

Je me disais aussi – la moi enfant et préado, pétrie d’avis péremptoires sur les choses et la vie – qu’en aucun cas je n’aurais des enfants aussi tard que ma mère. 34 et 36 ans. Pas d’allure. Chiffres inatteignables. Exception pour sa génération. Les  mères de mes ami.e.s étaient toutes plus jeunes, preuves exemplaires de la capacité à pondre un troisième « rebond« , bien souvent bébé de la dernière chance, pour éloigner le divorce ou la ligne fatidique de la quarantaine. Alors il y avait ces petits frères et soeurs qu’on gardait du haut de nos 10 ou 12 ans, gâtés de leur statut d’enfant presque unique, de petit trésor du désir, le reste de la fratrie plusieurs années devant.

Le fait est qu’hormis mes Barbies à qui je faisais vivre des aventures dignes des  meilleurs scénarios de Plus Belle la Vie – avec Action Man en guest, ma préférence allant déjà aux hommes bruns et musclés plutôt qu’à Ken gringalet-boys band – je n’ai jamais vraiment joué aux poupées, ni fait beaucoup de baby sitting, ni même eu de fascination pour les poupons en poussettes ou les petits enfants. Je me voyais pourtant devenir mère comme un ordre des choses, une nature qu’il me faudrait adopter, suivant la plupart des exemples féminins à ma disposition.

Il y a eu les premières amours. On parlait – à 15, 16, 17 ans – des prénoms, de l’âge d’enfanter, de mariage, et même de maison. À cette époque je voulais devenir architecte , j’avais imaginé et dessiné le plan d’une bâtisse chaleureuse et moderne, quatre chambres, dans laquelle nous emménagerions avec A. et nos enfants. Je voulais aussi un chien, et des poneys dans le jardin – tant qu’à rêver, pourquoi se limiter. Il y a eu Avril, pour une fille – c’était avant que la Lavigne ne fasse son entrée, et j’avoue avoir encore une petite tendresse pour ce prénom -, et plus tard Vincen pour un garçon. Sans T, à l’espagnole, d’après le prénom du père de mon amour de l’époque – pour conserver la tradition familiale qui lui avait valu d’être baptisé Edelmire, comme son grand père avant lui. Je me sentais heureuse d’hériter, pour mon fils imaginaire, de Vincen.

J’ai toujours eu du mal à décider des noms de garçon. Pas beaucoup mieux pour les filles.

Louis Dumas Veronneault

20 ans. 25 ans. En approchant doucement de la trentaine j’ai fini par dépasser l’âge que je m’étais fixé, enfant, pour tomber enceinte. Étrangement, plus la perspective de faire des enfants se concrétisait, plus je perdais l’imagination pour les jolies choses.

Je ne me souviens pas d’avoir décidé de prénom avec E. Je voulais une fille en premier, lui un garçon, et on n’était pas d’accord sur la question de se marier avant ou après. Et puis je suis partie, laissant derrière moi toute perspective de suite logique – mariage, maison, bébé. Lui voulait être père avant ses 30 ans. C’est chose faite depuis le 6 juin dernier. Il a 32 ans. C’est un garçon. Ils se sont mariés avant.

Avec mon départ – 26 ans, âge où on ne change pas de vie, mais qu’est ce qui m’arrive, suis-je bien faite pour ces choses là – est venu le temps des remises en question. Le féminisme qui s’immisce comme tant d’évidences, de pensées logiques, répondant à tous ces questionnements d’avant – comment ai-je pu tant m’égarer dans une vie qui ne me convenait pas ? Suis-je faite pour être « en couple » ? Le rêve est devenu réalité, puis s’est transformé en cauchemar, est-ce la vie conjugale qui n’est pas faite pour moi ? Ai-je réellement envie de me marier, d’avoir des enfants, ou bien tout ceci ne serait que fruit de la construction sociale, dictas de la société, pur sexisme ? Quel est le fondement de cette idée que je ne peux pas être mère sans un père, moi la femme-enfant irresponsable, éternelle instable qui a besoin d’un homme comme amarre pour me sentir assez forte ? Comment envisager un projet à si long terme alors qu’on peut, du jour au lendemain, ne plus s’aimer du tout ?

Durant une couple d’années, je fuis. Un instant je me crois si forte que je me dis que je peux avoir un enfant toute seule, la procréation n’est contrainte à aucune obligation de couple après tout, je pourrais toujours dire « j’ai aimé ton père plus que tout ».

L’instant d’après je panique. Quelle folie. Moi, mère célibataire. Avoir des enfants est-il bien nécessaire ? Ne suis-je pas complète sans progéniture ? Je peux me concentrer sur ma carrière. Voyager. Baiser qui bon me semble.

Mais la vérité sort du plus profond de mes pensées, quand je me trouve déçue d’apprendre que ce nouvel amant-amour ne se voit pas père, ou que je m’imagine fugacement en mère-double avec cette fille aux yeux rieurs.

Je voudrais des enfants. Éventuellement. Si je rencontre « la bonne personne ». Pas comme un besoin égoïste, ni une manière de m’accomplir, ni une obligation sociale, ni un état à plein temps. Un projet de vie à deux, parce que j’ai fini par comprendre ce que signifie pour moi l’idée d’être parent : la transmission des valeurs. Laisser une trace de notre amour, même si je sais qu’un jour, peut être, celui-ci peut faner.

fanny-britt-maternite

Il est là, dans ma vie. Il ne voulait pas d’enfants avant moi, ou plutôt, il ne s’était jamais posé la question. Les gars, dans cette société plus féministe, on leur demande pas d’y réfléchir au plus jeune âge. J’ai bousculé pas mal sa vie sans le vouloir – ce n’est pas moi qui ai abordé les sujets. Vivre ensemble. Se marier. Acheter un duplex. Avoir des enfants, deux, parce que tout seul c’est un peu triste, il trouve aussi, lui, enfant unique et solitaire. Et au milieu, le bordel auquel on ne veut surtout pas renoncer. Voyager. Découvrir. Explorer. S’ouvrir. En commençant par notre couple.

Il est de ceux qu’on ne peut s’empêcher de voir en père potentiel, et on s’amuse à imaginer l’effet combiné de nos gènes de blonds imberbes et du métissage invisible de nos origines qu’un océan sépare. Ils iront l’été en France, pour connaître d’où ils viennent, et mêler les accents, on se dit. Du côté paternel, j’ai touché le gros lot – il est écrit « grands parents merveilleux » sur le front de ma belle-famille. Plus qu’un père, plus qu’un mari, j’ai trouvé un partenaire de vie.

Mes peurs ont transité. Je n’ai plus la crainte de l’engagement, de l’enfermement, ni de la fin possible. Le hasard et les aléas, j’ai fini par réaliser qu’une bague au doigt n’a de signification que celle qu’on décide de lui donner. L’âge, j’y pense encore parfois. Au crépuscule de ma vingtaine, je ne me suis jamais sentie aussi jeune, et 34 et 36 ans font tout de suite plus de sens que je ne pouvais l’envisager il y a encore quelques temps. Je veux omettre l’idée que le temps passe et qu’il faut se presser. Je déconstruis mes craintes d’être une mauvaise mère. Ce sera le cas – qui peut se vanter du contraire ? Ces futures souches auront un papa pour la patience et le laisser-vivre, et j’imagine que j’apprendrais moi-aussi à laisser couler. Quand à l’amour – vu l’affection sans bornes que je porte à mes pensionnaires velues, je n’ai aucun doute sur le fait que je finirais par aimer ma progéniture malgré les nuits blanches.

Le moment n’est pas venu. On se dit, un an, ou deux, le temps de se stabiliser, alors que je me surprends à observer les bébés dans la rue, et m’enthousiasmer pour les grossesses et naissances des ami.e.s. Il reste une petite voix, au fond de mon ventre jamais fécondé, qui se demande timidement – et si.

Et si c’était plus compliqué. Et si ça prenait beaucoup plus de temps. Et si jamais nous étions incapables de procréer… ?

 

Post écrit durant la lecture de l’essai Les Tranchées, de Fanny Britt, sur la maternité

Chroniques

la piscine

Je n’ai pas de souvenir exact du moment où j’ai appris à nager. J’avais, trois, quatre ans, peut être cinq. Je ne me souviens pas non plus de l’endroit – était-ce à l’école ? Dans une piscine publique ? Des cours particuliers, ou en groupe ?

Lorsque nous nous sommes installés dans la maison où j’ai grandi, nous avons eu une piscine. Un bassin rond pas très grand, de ces piscines hors sol avec une échelle extérieure et un liner bleu qui s’abîmait facilement. Je me souviens que mon père a passé du temps à chercher et colmater les fuites et du liner criblé de patchs. Je me souviens de mon frère, qui a sauvé de la noyade une petite fille de son âge, un après-midi d’été où nous jouions dans le jardin, elle avait sauté dans l’eau sans réaliser qu’elle ne savait pas nager ; mon frère à cette époque refusait de retirer sa ceinture de flottaison, et avait eu le réflexe de sauter avec elle et de la ramener au bord, le temps que ma mère arrive, alertée par les cris. On était pas grands, à cette période, ça devait être l’été de mes 5 ans, mon frère en avait 3, on venait de quitter notre petite maison du Tholonet. Je me souviens avoir perdu une dent dans cette piscine, d’avoir été anéantie par l’idée que la petite souris ne passerait pas faute de lui fournir ladite dent. Mon père avait alors passé plusieurs heures de recherche, lampe torche à la main, pour retrouver la dent de lait au milieu des graviers et autres morceaux de plantes qui jonchaient le fond de l’eau. Spoiler : il l’a retrouvée (ou ça fait partie des mensonges jamais trahis). Plus tard, nos nouveaux voisins ont eux aussi construit une piscine. Plus grande, plus profonde, rapidement on a préféré aller jouer là-bas avec les enfants du quartier, délaissant notre petit bassin qui a bientôt été retiré par mes parents pour installer un jacuzzi.

Quelques années avant ça, dans l’ancienne maison, mon frère et moi jouions avec les « pains » de mousse qui composaient ces fameuses ceintures de flottaison. On faisait du « patin » dans la baignoire avec (on avait inventé ce jeu, je me souviens plus exactement pourquoi, mais le souvenir est très vif dans mon esprit). Je déduis donc que c’est durant ces années que j’ai commencé à apprendre à nager.

Du plus loin que je me souvienne, il y a toujours eu de l’eau. L’été, nos vacances en Corse et les plages bordées de turquoise, les heures passées à chercher des crabes et observer les poissons. Les tempêtes, et les énormes vagues dans lesquelles on se jetait tête première, sans avoir peur, malgré les innombrables fois où on avalait la tasse. La seule chose dont j’avais peur, et c’est encore le cas aujourd’hui, c’est ne pas voir le fond, et les algues. Il suffisait d’un masque et un tuba pour apaiser mes craintes, tant que je pouvais voir le sable sous nos pieds.

Il y a eu des années de piscines, aussi. C’était normal. En fait autour de moi beaucoup de mes amis avaient une piscine chez eux, on avait toujours des cours de natation avec l’école, et la mer à côté, alors on apprenait à marcher, puis on apprenait à ne pas couler. Primaire, collège, lycée. Natation à l’école, cours collectifs le soir. Des longueurs, encore et encore. Deux ans de natation synchronisée, on où synchronisait pas grand chose et où j’étais pas très douée pour faire le voilier. Je ne crois pas avoir jamais demandé à ma mère de m’inscrire à la piscine, je ne sais même pas si j’aimais vraiment ça. Si on me demande ce que je faisais comme sport étant jeune, j’ai fait dix ans d’équitation. Pourtant, de 5 à 18 ans, l’hiver à la piscine, l’été dans la Méditerranée, je nageais.

corse-1998

En trois ans à Montréal, je n’étais jamais allée nager. Une fois ou deux, à la piscine l’été, barboter sur le bord de l’eau pour tenter d’apaiser la canicule. Les piscines sont pour la plupart gratuites, et c’est pas faute d’y avoir pensé et d’avoir fait plusieurs tentatives. On avait même une piscine à un coin de rue de chez nous, qui a été en travaux pendant la période exacte qu’on a passé dans cet appartement. Après ça, mon maillot de bain ne me faisait plus – disons pour être honnête que j’ai même pas essayé, sachant qu’il date de mes derniers cours de natation il y a 10 ans – et les 100$ à débourser pour un truc portable chez MEC ou Sports Expert m’ont complètement freinée. Ma mère m’a rapporté un maillot Decath parfaitement pas cher à 20 euros en Mai, l’année dernière. Puis j’ai manqué de temps, J’ai teint mes cheveux en pastel, le chlore, ça va les abîmer. Puis.

Début 2016, bonnes résolutions, j’ai décidé (pour vrai) de retourner à la piscine. On s’est motivés à plusieurs, j’ai enchaîné une vingtaine de longueurs, pendant que mes amis barbotaient à côté. J’ai réalisé que j’étais plutôt bonne, en comparaison. Toute ma vie, je me suis sentie la pas-sportive, la nulle avec des ballons, la pire partenaire pour le ping-pong ou le badminton, celle dont le cardio montait pas vite et qui obtenait des notes pas si pire en sport dans seulement deux disciplines : la course d’endurance, et la natation. Je suis retournée à la piscine ce soir, après la job. J’étais persuadée de me démotiver, et puis l’agacement d’une conversation par message texte, le besoin de me défouler. Comme la première fois, il y a un mois, j’ai aligné 500m crawl-dos-brasse sans m’essouffler. Je suis sortie légère, toujours un peu feignasse dans l’âme car j’ai pas passé plus de 20 minutes dans l’eau, mais fière. Fière de m’être bougé le cul pour enfiler un maillot, fière de réaliser que je tiens encore le rythme, que je sais toujours respirer, que je nage plutôt bien finalement.

J’ai pas réalisé un exploit, j’ai simplement renoué avec mon enfance. Des années à croire que j’étais mauvaise en sport, et me persuader de ce fait que j’étais pas sportive. Des années à penser que j’étais pas souple. Après quelques mois de yoga, je « passe » facilement la plupart des postures (en souplesse, musculairement on est encore loin du compte). C’est con, quand on y pense, à quel point on peut se construire sur des idées fausses, simplement parce qu’on n’a pas trouvé sa voie.

Une amie m’a partagé cette semaine une idée tellement évidente qu’on l’oublie trop facilement. L’estime de soi, c’est pas un gros bloc qui vient d’un coup, on l’a ou on l’a pas. C’est des tas de petites choses.

Ce soir j’ai ajouté une brique à mon tas.

Chroniques

tu dors-tu

fenetre

Tu dors ?

Distribué.

Ça marque en dessous de la bulle bleue.

Distribué, pas lu, pas de réponse.

Évidemment que tu dors. Ya que moi qui reste les yeux ouverts jusqu’à 3h du matin à tourner dans des draps en coton égyptien. Tu t’es effondré depuis longtemps, ou ton cell est en « ne pas déranger« , ou juste tu dors, et je t’envie pour ça. Je me lève dans 5 heures. Ya que moi pour pas m’endormir straight avec la journée que j’ai passée, avec celle qui m’attend demain.

Classique.

C’est pas ma faute si je vis souvent en mode hibou, pas foutue de couper décemment les ponts avec la journée qui se termine. J’suis née comme ça je crois, sorti la tête à 2h15 du matin, faut croire que j’étais prédestinée à vivre la nuit. En tous cas, depuis toute petite j’y arrive pas, à m’endormir, j’suis pas capable de débrancher mon cerveau, alors que toi le soir tu mets tout en off et pouf. Disparition.

Ça marche pas comme ça ici. Au moment de fermer les yeux mes pensées s’emballent, tout un tas de choses qui avaient jusque là pas eu le temps de se rendre dans ma tête, bloqués par 10.000 autres préoccupations. Je pense à ma job, à toi, à notre futur appart, à Dora. À mes projets, au courriel que je dois écrire à ma boss, à ce week end à New York, à ma famille, à l’été. Parfois ça s’emmêle et ça se met à créer des tas de scénarios plus ou moins plausibles, à refaire la disposition des murs de chez moi, à imaginer comment sortir le chat de l’appart si un incendie se déclarait. Parfois je panique un peu. Un joli bordel, tu vois.

Je suis dans un hôtel, encore une fois, ça faisait longtemps. Les voyages payés par la job, après Londres Rome ou Madrid, après Toronto et Ottawa, voici Québec, et cette chambre aux draps blancs qui ressemble à toutes les chambres de tous les hôtels de tous mes voyages de job. Je suis seule, je suis loin et il fait beaucoup trop froid alors je joue les princesses, j’appelle le room service pour commander un sandwiche et je fais ce que je fais jamais, je regarde la télé et je mange mon sandwiche sur le lit, adossée dans les 1000 oreillers. J’aime ça les lits d’hôtels où ya plein d’oreillers. Dans la salle de bains je découvre les serviettes bien pliées et les savons – ici c’est une gamme à l’huile d’argan, et ça sent bon. J’aime ça l’odeur du propre et de la buanderie, les miroirs sans traces et le papier toilette plié en coin, et la robe de chambre moelleuse, la charlotte pliée dans sa petite boite en carton, le téléphone à côté des toilettes – pour si on reste coincé en position caca. J’ai l’impression, le temps d’un séjour, de vivre la vie d’une autre. Ça m’amuse.

Pour un temps.

Il est l’heure, lumière éteinte, mélatonine pour le kick final. Je pense à tous ces hôtels où j’ai séjourné, les avions, les bus, les trains. Je regarde le thermomètre descendre lentement dehors, ça fait quoi, « ressenti -43° » ? Je pense aux événements bouleversants de cette journée, et l’ascenseur émotionnel mêlant l’excitation de ce nouveau boulot et tristesse face aux tweets qui ne se sont pas tus de la journée. Je pense que dans quelques heures, malgré le deuil, la vie va reprendre ses droits. Je ne crois pas qu’on se souviendra du 7 janvier comme du 11 septembre. On ajoutera juste un tiret de plus dans une liste déjà longue. Puis on oubliera doucement, peut-être, peut-être pas. N’empêche, quoiqu’il advienne, c’était beau, ce mouvement.

Tu dors ?

Je regarde les chiffres verts briller dans la lumière sombre de cette chambre anonyme. 3:14am. Je n’attends plus de réponse.

Moi, comme d’habitude, je ne dors pas…

 

{texte écrit le 7 janvier 2015}

Au quotidien · Chroniques

babyfoot

babyfoot
Chères toutes-les-agences-de-comm-cool-de-Montréal,

Je vous écris aujourd’hui dans le cadre de ma recherche de job. En effet, tu le sais peut être (ou pas), mais voilà, ça fait environ depuis fin Août que je n’ai plus de vraie job à temps plein pour payer mon loyer. Alors on est pas là pour faire pleurer dans les chaumières, t’inquiètes pas, je le vis pas trop mal, et puis ça m’a donné du temps pour plein d’affaires que je laissais traîner, comme me racheter des bas en laine, réparer trois fois un flat sur le pneu arrière de mon vélo, et apprendre le CSS. C’est pas si pire comme bilan.

Quand on cherche une job, généralement, les journées se ressemblent pas mal toutes. D’abord je me lève (tard), en pensant que bah anyways à quoi bon mettre le réveil puisqu’on a rien de super excitant à faire. Puis je m’installe devant mon laptop. Chez moi mon bureau c’est dans la cuisine, derrière ma fenêtre, au soleil. Je mets de l’eau à chauffer pour mon thé, je fais griller du pain de chez Mamie Clafoutis parce que ma coloc travaille là-bas et que leur pain au kamut est simplement merveilleux, je prépare mes oeufs brouillés (la vie), et je commence à geeker.

À chaque jour, la même aventure : Vais-je trouver une offre un peu plus le fun qu’hier ? Va-t-on m’appeler pour cette job trop excitante à laquelle j’ai postulé ? Les écureuils de l’arbre en face vont-ils venir faire un coucou sur mon balcon ? À quelle heure vais-je me décider à prendre une douche ?

La vie de chercheuse d’emploi est trop fascinante.

chaton-keyboardmoi et mon laptop – allégorie

Bref. Je m’attelle à la tâche, checker les sites d’emploi, mon Linkedin, envoyer mon CV, renvoyer mon CV, rédiger (parfois) des lettres de présentation. Ça aussi, c’est un peu la loterie. Je crois que très rarement avoir été appelée pour des postes où je m’étais fadé une lettre de motivation motivée, un truc où j’essaye d’adapter mon blabla au super employeur parce que oui, parfois, il y a des offres qui te font plus vibrer que d’autres, des postes où on pense être THE ONE, où on aimerait bien sortir du lot. Mais non, en fait, ça a l’air qu’envoyer juste un CV ça suffit parfois. Alors j’y vais selon l’inspiration.

Puis ya les relances. Aaaaahh les relances. La joie d’envoyer une énième candidature à cette agence avec qui j’ai pourtant travaillé dans une précédente job, dont je connais quelques employés, et qui n’a jamais pris la peine de répondre à mes courriels remplis d’amour et de désespoir. Ya un moment, on a plus de fierté, on se mettrait presque à harceler le monde. Puis vient la phase blasée, et on arrête d’attendre des réponses. On imagine les employeurs débordés par les milliers de courriels, et des tas de CVs partout dans leur cubicule. On rêve d’avoir des amis dans chaque compagnie pour poser le CV juste sous le nez du dude qui fait passer les entretiens pour que ça valide notre profil comme étant intéressant.

Ah oui, parce que c’est une économie parallèle, un vrai marché invisible, les offres de job en agence à Montréal. Si tu connais pas quelqu’un qui connait quelqu’un qui a entendu parler de toi, y a peu de chance d’atterrir sur le haut de la pile, et encore moins de chance qu’untel cherche précisément une Française spécialisée en média sociaux et autres communications sur les Internet et qu’il m’attende, moi. Faque des amis bien avisés me disent : il faut que tu te fasses un réseau ! Et je suis bien d’accord. Le problème c’est que j’ai beau être ubersociable si on me lâche dans une soirée festive, je perds tout mon mojo relationnel lorsqu’il s’agit de réseautage en 5à7. Aller serrer des mains et grignoter des bouchées pour faire genre ami-ami avec la crème des gens de la comm (et tout ceux qui comme moi cherchent à trouver du boulot), je sais pas faire. M’en voulez pas.

fenetre-neigevue de mon bureau – pas rapport

Faque voilà, j’en suis là, à envoyer mes CVs et mes courriels de présentation pour attirer l’attention des recruteurs, sauter sur mon cell quand je vois un numéro inconnu s’afficher, hésiter sur la tenue à porter pour une entrevue et finalement m’habiller toujours pareil (note : un jour on parlera de la difficulté de bien présenter lorsqu’il fait -15 fucking degrés et qu’il neige dehors et qu’on peut seulement porter des bottes moches). C’est la routine de la recherche d’emploi, la galère d’un marché saturé, une réalité que j’accepte et contre laquelle je vais pas chialer.

Mais ces derniers temps, il y a un truc qui me chiffonne vraiment. Parce que c’est bien beau de nous demander à nous, chercheurs de job, d’être créatif, proactifs, talentueux, sociables et parfaitement bilingues. C’est correct qu’on attende de nous de savoir manier Power Point, Excel, WordPress, comprendre les algorithmes de Facebook et être calés sur les trucs qui font le buzz. Qu’on doive savoir coder, travailler sous environnement Mac, être multitâches et taper à plus de trois doigts sur un clavier QWERTY en partageant les valeurs de l’entreprise. Jusqu’ici ok.

Non, je voudrais vous parler d’un truc qui commence un peu à m’énerver, un truc qui est pour moi, clairement, de la discrimination à l’embauche, et qui me donne juste envie de tout arrêter et d’aller vendre des citrouilles au Marché Jean-Talon parce que clairement je serai jamais au niveau. Ce genre de mention là:

atout : aptitudes au babyfoot

Alors voilà. Chères toutes-les-agences-de-comm-de-Montréal. J’ai plein de talents, plein de qualités, je suis sympa, sociable, Française et pratiquement parfaite. Je sais skier, écrire super vite un courriel avec seulement trois doigts, je fais de très bons massages, et je sais même cuisiner. Mais je sais PAS jouer au soccer de table. Je suis même complètement NULLE, pour tout t’avouer.

Chères toutes-les-agences-de-comm-de-Montréal, je te promets je sais faire plein d’autres choses. Je suis sûre que malgré ce handicap, on a des choses à se dire. Je te jure qu’on peut s’entendre si tu acceptes ma différence, peut être même qu’on pourra apprendre d’autres activités ensemble, qui sait.

S’il te plait, agence-de-comm-cool-de-Montréal. Ne t’arrête pas aux apparences. Rappelle-moi.

PS: mon CV

PPS : je ne cherche pas absolument un poste en agence, mon intitulé m’a juste été inspiré par les offres desdites agences. je suis ouverte à toute opportunité de poste à temps plein qui correspondrait à mon profil ! 🙂

Chroniques

une rencontre

premiere-fois-ldumasv

Est-ce que tu te souviens ?

C’était en Décembre. C’était un jour d’août. C’était un soir de mai. Un samedi en février. Un mardi, début juin. On avait 15, 18, 22, 26, 27 ans – presque 28. C’était à Barcelone, à la montagne, à Paris, à Montréal. En vacances, en voyage scolaire, chez des amis communs, dans un parte, sur le bord d’un trottoir.

Te souviens-tu, des premiers mots ? C’est souvent des banalités, parfois une phrase se grave à jamais dans notre esprit. Tu chantais avec tes potes pour mendier quelques euros et acheter des sandwiches moins dégueus que ceux que votre auberge vous avait préparé. J’ai ri, mon sandwich était pas pire, et on a engagé la conversation. C’était « I feel it in my fingers, I feel it in my toes… » de Love Actually, j’avais pas vu le film, tu m’as dit que c’était un de tes préférés. J’ai sorti cette phrase un peu con, alors que j’avais même pas en tête de te draguer « on s’est pas déjà vu quelque part ? ». Tu es rentré dans la pièce et tu t’es assis sur l’accoudoir du canapé, juste à côté de moi. « Je préfère l’autre fesse », j’ai dit. Plus tard on a parlé du Petit Prince et fait des jokes poches en marchant vers cette soirée. J’ai toujours le canapé. Je repense parfois à ta fesse – gauche. Je portais une combi-short bleue ce soir là. J’étais arrivée un peu hagarde dans une soirée de gens que je connaissais pas, emmenée par un « ami » que je croyais me vouloir du bien. Je me souviens plus de l’accroche, mais y avait une histoire de mamans artistes – comme quoi toi et moi, on se comprenait.

Et puis la fois où j’étais en retard et pas moyen de te joindre alors j’envoyais des texts à ton ami que je connaissais même pas sans vraiment être sûre qu’il puisse te prévenir. Celle où je suis arrivée déjà un peu saoule sur mon vélo qui grince, et que j’ai vu se dessiner un sourire sur ta face parce qu’on se plaisait pour vrai. Le soir où je t’ai attrapé dans le couloir d’un appartement parce que bon, toi et ton coloc vous étiez un peu canons (et ostensiblement costumés). Toutes ces soirées sous alcool où je me souviens pas vraiment du premier pas, des premiers mots, de la première accroche, juste d’une soirée floue et de quelques moments, après.

Parfois, les jours entre les premiers mots et le premier baiser sont seulement des heures – ça a tendance à se raccourcir, avec le temps, avec l’âge, l’alcool et la précipitation. Il y a pourtant toujours cette première fois, ce moment où tout bascule. Lorsque plus tard on y repense, lorsqu’on réalise que cet inconnu est devenu quelqu’un d’important, on aimerait se souvenir. Avoir gravé ces premières danses, comme on relit de vieux mails, retrouver ce goût d’inattendu, de surprise, de découverte. On ne sait pas alors où tout ça nous emmènera – ces quelques mots échangés, un numéro enregistré dans un téléphone ou un ajout sur Facebook dans la promesse d’une prochaine soirée. Après une heure, une nuit, qui sait.

J’aime à me souvenir. Retrouver ces images et les faire rouler comme une jolie pierre dans mon esprit, pour les réanimer un peu. J’ai une mémoire très visuelle alors je visualise, parfois très précisément, des bribes – flashs si vivants, la position d’une main, le cadre, les gens. On était dans ce bar quand tu m’as embrassée, sur le chemin des toilettes – je revenais, les mains encore mouillées, moment improbable qui te ressemble tellement. On était sur cette place d’Aix-en-Provence, engoncés dans nos manteaux d’hiver, c’était maladroit, c’était doux, c’était évident. On redescendait de la Butte, sous la fenêtre de mon studio un baiser volé que j’attendais plus – je savais pas – est-ce que je te plaisais vraiment ?. Au milieu de la rue Ste Catherine. Sur le canapé d’une soirée. Debout, dans la foule packée d’un festival. Tant d’autres.

Je ne sais plus toujours, les premières fois. Qui a fait le premier geste, qui a déshabillé l’autre, les choses qu’on s’est dites, les mots qu’on a prononcés. Parfois j’ai écrit, parfois pas – je voudrais, toujours, me souvenir. Parce que quoi qu’il se passe par la suite, c’est beau. On se connait à peine, on a pas encore parcouru nos corps et caressé nos peaux jusqu’à en connaitre chaque recoin, chaque frisson, chaque aspérité. On est juste deux inconnus qui se plaisent, deux inconnus qui ne s’attendent à rien, deux âmes qui se trouvent un jour par le hasard des rencontres et des algorithmes du web. On sait pas encore qu’on va avoir du bon sexe, tomber amoureux (parfois), se déchirer (parfois aussi), avoir un peu mal (souvent), que tout ça aura une fin. On sait pas combien de temps on va être là, à se toucher, on sait pas les petits gestes qui, par la suite, vont rapprocher doucement pas vite, ces petits gestes cons qui font qu’on s’attache, qu’un truc existe, se construit. On sait parfois que ça n’a pas d’avenir, mais on est quand même là. Parce qu’on a envie de vivre, de ressentir, de s’essayer, de partager, de se découvrir.

Parce qu’on est bien, dans ce présent.

Photo LDumasV