Intime & Réflexions · Voyages

le Brûle

Photo Manu Al

Eille que j’ai du mal à l’écrire, ce post. Deux semaines que je suis rentrée, et on me demande régulièrement : « alors, c’était comment ? ».

((Résumé des épisodes précédents : je suis partie à Burning Man. Je rêvais d’y aller depuis 2013, c’était planifié pour cet été, et puis non, et puis oui, et on a organisé cette folie avec un mois et demi de préavis.))

C’était comment, Burning Man.

Comment vous dire.

– premier tableau : les éléments –

C’était… la Terre. La Dust, ou poussière, qui vole, au moindre coup de vent, et se transforme en redoutable tempête. Qui se glisse partout, dans les tentes, dans les fringues, dans les souliers, dans la nourriture, dans l’eau. Déposer un objet pour dix minutes, et il se retrouvera couvert d’une fine pellicule blanche. La peau sèche, tire, les cheveux absorbent et refusent de se démêler, les ongles cassent, alors on s’enduit d’huile de coco et on se lave avec du vinaigre pour tenter de contrer l’alcalinité. La Dust et ses tempêtes, terribles, qui t’enveloppent sans s’annoncer, comme un nuage de poudre. Je suis la Dust, il disait. On est tous la Dust, après 8 jours dans le désert. Autour, les montagnes, sèches, superbes, majestueuses, rassurantes, maternelles presque dans ce désert blanc, alors qu’elles se parent de rose et d’orange au coucher du soleil.

C’était… l’Eau. Précieuse. Vitale. Boire entre 4 et 6 litres par jour au minimum pour ne pas se déshydrater sous 40° à l’ombre et 10% d’humidité. Pisser toutes les heures. Checker la couleur, trop foncé, tu bois pas assez, trop clair, tu retiens pas l’eau. Manger salé pour augmenter la rétention, ajouter des électrolytes, du magnésium, et d’autres minéraux. De toutes façons, avec la Dust plus rien ne goûte rien. Pisser dans une bouteille, la nuit, parce que les toilettes sont loin. Se promener avec sa bouteille, et faire des câlins pareil, c’est normal à Black Rock City. Boire, encore. Prendre une douche collective avec 150 autres personnes, tous à poil et on rigole, c’était peut être une de mes expériences les plus délirantes et géniale de la semaine. Se laver dans un seau le reste du temps, et apprendre à faire la vaisselle avec des pulvérisateurs.

Photo Manu Al

C’était… l’Acier. Un 747 posé au milieu d’un désert, un ours polaire, des robots, des robots, des robots (encore), des voitures modifiées, des camions qui crachent du feu, des vélos par milliers, un empilement de voitures, des balançoires géantes, un dôme de feu, une méduse géante. Des camions, des voitures, partout dans la ville, et une file immense sur la route pour venir, et repartir. Des génératrices pleines de gaz, essence, propane. Des carcasses certainement abandonnées après.

C’était… l’Air. Un immense ballon gonflé dans le ciel. Une fausse Lune. Et la vraie. La nuit, on ne voit pas les étoiles à cause de la lumière. Mais la Lune était rouge, au moment de se lever. Et l’air, la nuit, venait geler doucement le creux de nos cous.

C’était… le Bois. Les structures sublimes du Man et du Temple, et une maison dans une maison dans une maison. Le soir où le Temple brûle, on entend le bois craquer, on peut sentir l’odeur du feu et de la flamme, et des étoiles. et.

C’était… le Feu. Bien sûr. Intense. 88 000 personnes dans un désert sec, aride. Un ciel bleu pur, un soleil brûlant. Du bruit, de la musique, des cris, des chants, des discussions, partout, tout le temps. Le jour, la nuit, ça ne s’arrête jamais. Des stimulations constantes. De la lumière, partout, la nuit, des LEDs, des art-cars qui crachent du feu, des arts-cars qui crachent du son, des lasers qui déchirent le ciel. Des camps techno electro trance bass et j’en passe, des scènes prêtes à accueillir 3000 personnes, peut être plus. Des vélos, des manteaux, des oeuvres interactives, ou non, les petites lumières fluos et les lampes frontales sont nos meilleures amies, la nuit.

et-

le Brûle. Le Brûle de l’Homme. Le Brûle du Temple.

Photo Manu Al

– deuxième tableau : les autres –

Je voudrais vous parler des gens, des humains qui font et défont Burning Man, de  ces Burners vétérans, des rangers, des Sparkle Ponies, des milliers de Français (partout) (c’était peut être la 2e langue de Black Rock City après l’anglais), des Virgins comme nous. De l’alcool, de la drogue, du sexe. Des costumes fous, des initiatives, de la beauté des gens. Des liens qui se créent sous l’apparente superficialité des rapports.

Peut être que j’écrirais plus tard, un jour, ou pas vraiment.

Photo Manu Al

– troisième tableau : qui suis-je ? –

Je n’ai pas vraiment souffert de la chaleur, ni du manque de sommeil, ni de l’altitude. Mon corps, globalement, a été un vaisseau solide et rassurant pour traverser cet Océan.

Je n’ai pas été déstabilisée par le contenu. Des gens presque nus, de la sexualité libre, des costumes, une liberté d’expression totale, je m’y sentais parfaitement à ma place, et pas grand chose ne m’a surprise dans la folie de ce quotidien. En quelque sorte, ma réalité Montréalaise, ce que j’ai construit petit à petit depuis plusieurs années, la personne que je suis devenue, se mêlent parfaitement avec cet univers. De plus en plus à l’écoute de ma vérité intérieure, je m’en allais vivre mon premier Burn avec l’impression que je ne subirais pas de décalage brutal entre qui je suis dans le monde normal et ce qui s’exprimerait dans cet espace de liberté totale.

Les premiers jours à Black Rock City, pourtant, ont été difficiles. Tout ce bruit. Tout ce monde. Toute cette agitation. J’ai eu du mal à trouver mon centre, bousculée par  l’absence de repères, l’hostilité de l’environnement, l’apparente superficialité des connexions, l’hyperactivité, la surconsommation. J’ai douté, que faisais-je ici, pourquoi, qu’y avait-il à Black Rock City pour moi, était-ce bien ça ce rêve dont on m’avait tant parlé ? Où était la spiritualité, l’expérience « life-changing » et transcendante ? Déconnectée de mes habitudes de m’occuper des autres et prendre en charge des projets, loin de ma petite communauté de hippies câlineux et de mes forêts Québécoises, et malgré la présence rassurante du Barbu à mes côtés, je me trouvais seule face à moi-même, sans mes masques et mes outils habituels pour me contenir, me protéger, me reposer. Où planter mes racines, comment me nourrir dans ce désert aride ?

Alors j’ai plongé.

Burning Man is a place to surrender, surrender to the elements, surrender to the environment, surrender to oneself. Surrender, and release.

Burning Man est un endroit pour rendre les armes. Lâcher-prise. Lâcher les apparences, lâcher le contrôle, lâcher les tentatives même de faire. Dans cette aventure, je n’étais plus contenue par le rôle social de prendre soin des autres. Je n’avais plus d’autre responsabilité que m’occuper de moi-même, avec aucune référence sur comment le faire dans ce lieu atypique. Je ne pouvais pas être partout, je ne pouvais plus décider grand chose, je ne comprenais rien à ce dont j’avais besoin. En fait mon mental, quelque part, a disjoncté.

Un après-midi, après avoir cherché en vain toute la journée quoi faire pour soulager mon état de confusion, je suis partie me (re)trouver. J’ai roulé jusqu’au Temple, et je me suis assise, au milieu des gens qui pleuraient, du trop plein d’émotions, des photos de défunts, de chiens, des lettres d’adieu, des pensées. J’ai médité, longtemps.

Photo Manu Al

Alors soudain j’étais juste . J’étais. Pour la première fois depuis le début de l’aventure je me trouvais au centre. Dans le chaos émotionnel qui m’entourait, je touchais à ma Vérité. Je cherchais depuis des jours (des mois ?) à craquer, briser, expulser des émotions retenues. Mais j’étais déjà là, et ce qui restait, ce qui résistait encore, loin d’être enfoui, affleurait la surface, ne demandait qu’à être reconnu. Je n’avais qu’à accepter son existence.

J’ai écrit sur une page de cahier quelques mots pour le Temple, que j’ai pliée et coincée dans un recoin de la structure.

J’ai continué, vers la Deep Playa. Je me suis laissé me perdre dans une tempête de Dust, j’ai croisé les formes étranges des oeuvres et des gens, vélos, chapeaux, masqués. Au milieu d’un whiteout, un homme m’a hélée. Tu es perdu ? J’ai demandé. Non, il dit, je fais une série de photos, portraits de la Deep Playa. Veux-tu poser ?

J’ai posé telle qu’elle. Dusty, les yeux flous par le vent, sans aucune criss d’idée de quoi j’avais l’air. J’étais partie sur la Deep Playa pour me retrouver.

Je suis.

Lorsque le Temple a brûlé dimanche, j’ai ressenti sa force, sa puissance, l’émerveillement devant la charge spirituelle du moment – enfin, le calme, enfin, les soundcamps éteints, enfin, entendre le bruit des flammes, sentir l’odeur du feu, et voir les étoiles. Dans la quiétude du braisier, j’ai reçu un message. J’ai reçu la confiance, c’était beau et pur, et évident. Je suis vulnérable, et forte. Je suis sensible, et c’est un don. Je suis en pleine expansion, et je suis minuscule. Je ne sais rien, et je peux réaliser tout ce que je désire.

J’étais libre.

I can surrender and be loved.

I can approve of myself without guilt.

I can overcome my fears.

Alors, c’était comment, Burning Man ?

C’est l’endroit où j’ai pu reconnecter avec ma vulnérabilité.

Intime & Réflexions

mue

photo Jessica Boily

À force de m’occuper du corps des autres, j’en oublie parfois le mien. Je croise au détour d’un miroir, mon reflet. La peau est lisse, mais les yeux cernés, je ne me reconnais parfois plus. J’ai mal partout ce matin, mal aux muscles, aux articulations, au ventre. Mal à l’âme, certainement.

Ya rien de grave. Reste que.

 

Et il est dur ce début d’année. Long, après l’automne qui n’en finissait plus. Long, après l’année immense, folle et merveilleuse qu’on vient de traverser. J’hiberne, doucement. Dans le cocon, la mutation.

J’en ai connu des mues, et c’est à chaque fois comme une peau qu’on arrache ; je me sens nue et vulnérable jusqu’à ce que l’épiderme se désensibilise, j’espère que c’est la dernière, et puis, non. Les cycles, on a dit, les cycles et la spirale s’accélèrent, alors c’est normal qu’en plein Éveil je souffre un peu, ça fait partie du processus, c’est normal que la vie nous rapporte sans cesse des marées semblables, c’est pour être sûr qu’on a tout bien compris, réglé, nettoyé ; c’est normal qu’on change de coquille entre les transitions, ça s’appelle grandir.

Mais criss que ça fait mal. Et que je sais pas quoi faire, de toute cette délicatesse.

J’ai même pas de raison. Le vague à l’âme et l’hypersensibilité qui s’expriment, un rien m’écorche, me brusque, me déstabilise. Vata partout, Pitta nulle part, j’ai besoin du feu et de l’eau pour me nourrir, je me sens sèche, cassante, fragile, et beaucoup trop de vent qui tourbouillonne.

J’ai rien d’autre à faire que d’accueillir cette petite fille. Et la patience, qui m’est étrangère.

On m’a dit, lâche prise, accueille, attends.

Alors j’écris. J’écris les mots qui ne tournent pas rond, j’écris les peurs, les blessures, j’écris à mon corps qui ne répond plus, j’écris à mon ventre qui ne saigne plus depuis des mois, j’écris à l’Enfant qui s’exprime, j’écris à la Femme que j’ai délaissée. J’écris, j’écoute, je deviens.

 

Quelque part en mars et janvier, je suis devenue croyante. Parait que c’est la Lune. Ou un grand glissement. On change d’ère. Le Verseau, le Sacré, les louves, aussi. Je sais plus. Ya comme des étoiles qui sont apparues au bout de mes doigts et des courants d’espace dans mes mains, j’ai senti les vibrations caresser ma peau, j’ai vu des couleurs par moment, des images, des émotions qui ne m’appartenaient pas, j’ai brisé les tabous, les croyances, et j’ai plongé la tête première.

Je sais pas comment en parler, ni quoi dire. C’est là, dans ma face, et je veux l’embrasser à bras ouverts jusqu’à ce que ça me colle, sur la nouvelle peau, jusqu’à ce que ça soit confortable, si ça l’est un jour, jusqu’à ce que tout se place et que j’y trouve un sens à nouveau. J’y vais.

J’ai peur.

 

 

 

 

 

en fait.

je suis terrorisée.

Intime & Réflexions

la délicatesse

J’écris plus. Ici, j’écris un peu ailleurs, parfois. J’écris plus, je poste plus tant de photos sur IG, je partage moins ma vie sur les internettes, hormis peut être twitter.

J’écris plus, j’ai perdu la routine et l’entrainement pour trouver la musique originale des mots. Je suis occupée, souvent, je suis moins sur mon ordi surtout. Ma vie est un si beau tourbillon depuis des mois, si doux, si joli, si plein de ces personnes merveilleuses et du printemps sans fin, de l’été pas si chaud, de Montréal, de musique, de nuits blanches, de lacs, de forêts, d’avions, aussi.

J’écris plus parce que j’ai plus grand chose à dire, j’ai moins de mots qui circulent dans ma tête et demandent à sortir. Je les vis, les choses, dans mon corps et ma peau.

En fait si j’aurais tant et tant à raconter, mais ce serait si long, et si compliqué de trouver les mots justes, les mots qui disent « je suis heureuse, je suis centrée, je suis enfin« . Et aussi, je suis amoureuse, follement, je les aime plusieurs, et tou.te.s à la fois dans leurs beautés singulières, et je fais l’amour avec mon corps mes yeux mes mains mes mots et toute cette vie qui brûle en dedans. Je suis passionnée, si passionnée de ce métier qui me remplit et m’apporte tant. Je suis libre, surtout. Libre comme j’ai jamais été, libre d’être moi toute entière, libre d’aimer, de dormir, de vivre, de baiser, de dire non et stop, libre d’exister.

Au travers d’eux, de moi, de nous, au travers des mois qui s’écoulent et des changements d’heure, j’ai eu 31 ans. Je grandis encore chaque jour un peu plus. Je change, ou plutôt, je me découvre.

Dans ces nouveaux paysages, je me promène. J’expérimente des sensations inconnues, je développe des réflexions, je m’observe et j’apprends des autres, aussi, doucement, je me mets à croire pour vrai en mes rêves. Et puis il ya ce sentiment étrange. Plus j’avance, plus j’accumule de certitudes et d’évidences. Et pourtant, plus j’avance, et plus j’accède à l’immensité de tout ce que je ne sais plus.

Je plume. Couche par couche, des mues successives qui s’arrachent parfois dans les cris, la douleur et les respirations. Renaissances infinies, je me sens parfois si vulnérable, et si nue sans ma peau dure et mon armure de contrôle. J’acquiers l’équilibre tandis que le chaos achève de me (dé)construire. Et je me vois alors, enveloppée d’un litre d’huile chaude sous les mains d’une présence chaleureuse, je me vois, si fragile.

Je suis fragile. Je me répète, presque nue sur cette table. Je suis fragile, et si vulnérable, et sensible, et c’est là toute ma force et ma faiblesse à la fois. Je perçois l’autour avec tant de violence, je dois mettre mes limites – ces fameuses limites qu’il m’a fallu apprendre à concevoir, établir, puis à poser – mais comment se protéger dans un monde de grandes personnes et de responsabilités ? Comment faire savoir qu’on est multiple, force et fragile, sérénité et mouvement, transformation constante, éponge empathique, hyper intuition, déstabilisation facile ?

C’est peut être votre évidence. Pour moi, c’est encore un effort à chaque pas. Accepter cette vulnérabilité, m’ouvrir, apprendre à percevoir, à recevoir, pour mieux accompagner les autres à trouver les portes et leur propre cheminement sans trop m’impliquer, et surtout, ne pas me perdre, là-dedans. Me fabriquer ce cocon qui me permet d’exister au dehors. Reconstruire autour de moi la peau qui s’est parfois violemment arrachée sous la tempête, les coups et les émotions.

Le mot-clé c’est bienveillance, et authenticité, et on est quelques uns à en avoir fait notre philosophie. On est un petit tas qui se serrent les uns contres les autres, la nuit pour se tenir chaud. On est une bande de doux rêveurs et d’hypersensibles qui croyons qu’on peut créer pour vrai le monde utopique qu’on s’est inventé. On est cette bulle Bizarre au milieu du vrai monde.

C’est eux, mon fuel, mon île, mon espace sûr. C’est eux, mes amants, mes amours, mon polycule.

C’est parmi eux, multiples, que je me tiens désormais debout.

Mots par Fred Gingras

Intime & Réflexions

cellophane

Pendant longtemps, et jusqu’à récemment, j’ai cru que grandir, vieillir, devenir adulte, c’est acquérir des certitudes. J’ai cru qu’en avançant on finissait par savoir, que les doutes s’effaceraient au fur et à mesure, que je saurais comme des évidences, que je trouverais des réponses, que j’arrêterais, enfin, d’avoir peur.

Ces dernières années ont été les plus riches, les plus intenses, et sûrement les plus constructives de ma vie. Patiemment, méticuleusement, j’ai tout déconstruit pour tout réapprendre, j’ai cheminé, zig zagué, pris des claques immenses, défoncé des murs, tracé des routes où il n’en existait pas vraiment. Je suis devenu la pire, de ces personnes qui te disent que rien n’est impossible si tu y crois assez fort, qu’il suffit de se donner les moyens. Qu’on peut créer sa propre vie, inventer son univers si celui-ci n’est pas préexistant. Qu’il suffit parfois de pousser une porte invisible, de se donner le droit pour que ça existe, que les barrières qui nous entravent ne sont que celles qu’on s’autorise.

J’ai changé de continent. J’ai changé de métier. J’ai changé de vie. Et surtout j’ai changé, moi. J’ai touché le fond à plusieurs reprises, on m’a tendu la main parfois, la plupart du temps j’ai l’impression de m’être remontée toute seule, à la force des bras. Je me suis perdue, et je me suis retrouvée.

De ces années chaotiques, je ressors avec l’impression de me connaitre comme jamais. De savoir qui je suis, ce que je veux, où je veux m’en aller, ce qui me fait du bien. D’être emplie d’une énergie immense, d’une envie de vivre qui brille si fort, d’une foi en moi et en les autres que peu de choses sauraient arrêter.

Et pourtant. Je ne sais parfois pas qui je cherche à convertir.

Il y a toujours une fissure, sous l’apparente facilité d’exister. Il y a ces moments de vide qui me prennent, m’entraînent, me noient. Il y a ces doutes qui s’immiscent. Il y a ces pensées parasites que je ne cherche plus à éloigner.

L’été dernier j’ai perdu, à nouveau, un amour. Un amour que je croyais immense et sans faille, un amour que je croyais unique, infini, indestructible. Comme à chaque fois. Et puis un jour l’indestructible s’effondre, inexorablement, et je regarde amère disparaître tout ce qu’on a construit.

La même histoire, qui joue encore. Et encore. Et encore.

Alors, quelque part, je n’ai plus confiance. En ce que je ressens, en mon intuition, en mes sentiments. Je me suis trompée tant de fois, sur les gens, les situations. Rencontrer, découvrir, explorer, investir, s’engager, s’ouvrir, partager. La chute. Tomber de haut. Le déni, et puis renoncer. Accepter la fin. Effacer les traces. Pleurer les dommages collatéraux.

Parfois, retomber sur des mots, une photo, croiser une pensée vagabonde et se demander – où est passé ce temps ? À quel moment est-ce que le bonheur a laissé sa place à l’amertume, à la colère, à la haine ?

Je voudrais que quelqu’un me prenne par la main et m’emmène quelque part. Je voudrais retrouver mon innocence. J’aimerais arrêter d’avoir peur de me tromper. Retrouver cette facilité à me glisser dans la vie d’un autre sans penser aux conséquences. Être capable de me laisser aimer, à nouveau.

Il y a sur mon coeur une pellicule de cellophane.

Intime & Réflexions

alors les épines

Moi aussi, j’ai peur d’être seule.

Je dis moi aussi, parce que je crois qu’on est tous un peu dans le même bateau, avec notre besoin d’amour et de se sentir entourés. On est des animaux sociaux, des bibittes à émotions, plein de sentiments avec lesquels on sait pas toujours trop quoi faire.

Puis j’ai réalisé récemment, j’ai beau avoir l’air de tenir debout comme une grande, l’air que je m’en sors et que je m’en sortirais toujours, l’air que j’ai besoin de rien ni personne, l’air forte et solide et de savoir où je vais et ce que je veux… et même si tout ça c’est un peu vrai, même si je m’efforce de tenir le cap quoiqu’il arrive et que je travaille dur pour me débrouiller et assumer les conséquences de mes décisions, là, sous ma carapace de fille-forte-qui-en-a-vu-d’autres, j’ai la chienne.

J’ai eu trente ans cet été. J’ai eu trente ans, et j’ai encore perdu au jeu de l’Amour.

Oui, l’Amour avec un grand A. Celui dont je criais haut et fort que je n’y croyais plus. La vie est d’une ironie parfaitement violente.

Faut croire que l’âge et l’expérience ne protègent de rien. On a beau prévenir, on a beau déployer des efforts de communication, d’authenticité, de transparence, mettre mille avertissements avant de se lancer… on s’écrase pareil à la fin. Un jour, la personne à qui tu crois avoir tout offert te fait sentir à quel point elle s’est brisée dans ton halo, parce que tu es ce que tu es.

Alors, une fois de plus, je suis pétrifiée. Je peux pas m’en empêcher. J’ai peur de faire peur, j’ai peur de faire mal, j’ai peur de briser les jolies choses, d’être trop, d’être tout, d’être moi. En entier.

J’ai peur de ne jamais convenir. J’ai peur de jamais réussir à m’arrêter. J’ai peur de brûler celleux que j’aime et qui s’approchent de trop près pour voir tout ce qui brille. J’ai peur de ce que je suis.

J’ai peur d’avoir mal. Parce que j’aime si fort. Parce que je crois en la force de l’amour et que tout est possible, quand on veut. Parce que je ne veux pas me retenir. Parce que je ne peux pas m’en empêcher. Parce que quand on aime aussi intensément, la chute est violente lorsqu’on se retrouve seule face à feu-nous deux.

J’ai peur de faire mal. Parce que j’ai besoin d’être aimée si fort, et que l’amour me rend plus entière, plus insensée aussi, je me sens invulnérable et fabuleuse, et que de cette énergie naît l’indépendance d’exister par moi-même. Parce que je me nourris pour m’embraser toujours plus. Parce que j’ai si peur de disparaître si je me fonds dans le deux.

J’ai peur de me montrer vulnérable. J’ai peur d’ouvrir un peu la carapace qui me protège et dire, voilà. C’est si fragile en dedans. Si vous saviez comment chaque micro déchirure invisible met du temps à se réparer. Comment plus tu es proche et plus tu touches profond, et comment les mots peuvent laisser des traces indélébiles.

.

Pendant des années, j’ai sorti les épines à chaque fois que je sentais le besoin de me protéger. J’ai blessé à la mesure de ce que j’avais mal, frappé dans le vide, repoussé violemment pour trouver dans l’insistance du retour une preuve de l’amour qu’on me portait. Je retournais ainsi l’arme contre moi-même, me jugeant si fort de mon incapacité à l’adéquation. Et puis j’ai appris, doucement, à faire confiance. J’ai appris l’amour et la bienveillance, j’ai appris à me tourner vers les autres plutôt que contre moi-même lorsque je me perds, pour que vous me réaffirmiez cette belle image que vous avez de moi, que vous me rappeliez que je suis inspirante, et la façon dont je peux resplendir, et qu’à travers le regard de mon entourage je me souvienne pourquoi c’est important que je ne me laisse pas tomber.

C’est ma vulnérabilité que j’expose ainsi. C’est demander de l’aide, en silence parfois, c’est retrouver le chemin pour (m’)aimer à nouveau.

Parfois, ça ne suffit pas. Parfois, il y a un mur si grand à franchir que l’autre s’est construit. Parfois, je crois que je ne sais plus comment aimer sans tout dé(cons)truire.

Parfois, je suis terrorisée.

Intime & Réflexions

brille

Je ne sais pas par où commencer ce post.

Je voudrais parler de toi, de nous, de moi, aussi. Je voudrais raconter et puis pas vraiment, qu’est ce qu’il y a à dire après tout. Je voudrais dire et écrire, vider ma tête et mon coeur de tous ces maux, exprimer quelque part ces pleins et ces vides. C’est une histoire triste.

C’est toujours plus compliqué de savoir par où commencer à raconter les histoires tristes, tu ne trouves pas ?

Mon amour.

J’ai envie de te dire

Mon amour, de mes jours et de mes nuits, tu n’es plus.

Nous ne sommes plus.

Nous.

C’est difficile de raconter comment, pourquoi, un jour après l’autre et durant des mois, nous nous sommes patiemment détruits. Comment je nous ai vu perdre pied dans cette tempête invisible, comment chaque action portait un coup de plus à cette fragile embarcation, comment j’ai observé notre naufrage sans réussir à réagir correctement.

Et puis c’était quoi la bonne façon de réagir ?

Je retourne la situation, je l’observe sous toutes ses coutures, tous ses aspects, je l’analyse et le décortique depuis des mois. De mon point de vue il reste toujours un angle mort. Celui que je n’ai pas vu venir. Celui que je ne contrôle plus. Celui qui n’est pas lié à moi.

C’est difficile, de choisir entre l’amour pour soi et l’amour pour un autre. C’est difficile, de réapprendre à exister à côté de quelqu’un qui s’éteint doucement. Je brille et je flamme, et parfois, je finis par consumer ceux qui manquent de combustible. Dommages collatéraux.

Je l’ai vue, la chute. J’ai arrêté de compter les jours brûlures et les nuits à pleurer. J’ai combattu un peu, et puis j’ai abandonné.

.

.

.

C’est fucké la nature humaine. Cette rage de vivre et de ressentir, et puis cette manie de s’accrocher même à ce qui nous a blessé plus que tout. Comme si, en refusant de lâcher-prise, on espérait trouver une forme de réponse, des regrets peut être, des explications, et guérir les morsures de leur venin.

On me dit « il faut faire le deuil ». Et puis « tu devrais rester seule ». « Garder les distances ». « Couper la communication ». « Tu trouveras quelqu’un qui te rendra heureuse ». Et la pire « Vous dites la même chose, finalement ».

Mes émotions s’emmêlent. De la colère parfois, de la tristesse la plupart du temps. Du déni. Et la résignation. Les tentatives de me ramener au réel m’enfoncent un peu plus par la comparaison. Je culpabilise et me juge si fort d’agir là où il semblerait que je doive juste me taire, attendre, tenter d’apprivoiser la vie sans toi. Encore et encore, je réalise que mon amour n’était pas assez fort pour te suffire, qu’il y a mille langages à l’amour, et que nous ne nous comprenons plus. Je ne peux plus partager ma tête et mon coeur, il fait froid, c’est l’automne qui frappe sur le carreau de ma fenêtre, et puis.

Je suis incapable de rester seule. La solitude embrume mon cerveau, noie mes pensées du vide que tu laisses à ma vie. Je doute et je perds le sens du tout. Me tenir occupée, toujours, chercher la tendresse et le frisson d’un regard, la douceur d’une main dans mon cou ; toujours avancer dans la tourmente, c’est comme ça que je me laisse croire que j’existe. C’est comme ça que je t’ai perdu. Alors je ne veux pas vraiment voir les amis et je ne veux pas en parler – pas encore. J’ai trop parlé, depuis des mois en boucle la même histoire infiniment. Que reste-t-il hormis l’usure ? Rien de nouveau.

.

J’ai tué le hamster là-haut, rangé les plans de la vie à deux, et je me suis tue. En silence, j’attends.

J’attends que tu te retrouves, et que, quelque part sur ton chemin intérieur, ma route croise la tienne à nouveau.

 

Intime & Réflexions

la vie normale

Il y a ce client, il s’appelle M. Il est grand, brun, les tempes grisonnantes, plutôt en forme. M. a une démarche particulière, un peu voûté, un peu boiteux, le regard hésitant, un sourire timide. Les premières fois que je l’ai vu, il m’a demandé de prendre une douche avec lui. Il m’a raconté qu’il allait aux danseuses, et aux masseuses, mais que c’est trop cher finalement, et qu’il m’aimait bien. M. n’a pas de filtre. Il dit ce qui lui passe par la tête, et s’excuse après que ce soit sorti. M. a quarante et un ans. mais dans sa tête, M. est comme un enfant. Il est né croche, il dit, et il rigole. Il a beaucoup d’humour et d’autodérision, et il est vraiment gentil. Alors, quand il vient me voir, on discute. Il me raconte sa vie, un peu, sa difficulté à se faire des amis, sa famille, son appartement, sa solitude.

Ce soir comme d’habitude, on a parlé. De comment c’est de pas être comme tout le monde. Des responsabilités qu’on a quand on est un adulte, et que c’est dur de grandir. Du désordre dans sa tête. De ses difficultés à s’adapter à ce monde, et de trouver des gens avec qui il se sent bien. M. m’a dit « parfois, j’aimerais que quelqu’un puisse entrer dans ma tête, pour m’aider à me comprendre« .

J’ai répondu qu’on avait sûrement le même cerveau, lui et moi, et pas mal tout le monde. C’est juste la façon dont tout ça s’organise, qui est différente. De comment les fils se connectent. Et puis, qu’en vérité on est tous là avec nos trucs croches à l’intérieur, des cerveaux-bordels ambulants.

J’ai dit à M. Moi aussi je dois payer mon loyer, et travailler pour ça, et y a des jours où j’ai pas envie d’être responsable, je voudrais rester toute la journée dans mon lit avec mon chat. Moi non plus parfois je me sens pas adaptée à ce monde, en décalage, et c’est difficile de trouver des gens qui me correspondent, qui sont capables de me comprendre, de vivre avec moi pour de bon, de les rendre heureux. Moi aussi je doute de mes décisions, je questionne le pourquoi je fais ou ne fais pas les choses, et quand je les fais sur un coup de tête, et les conséquences, et quand je blesse du monde, et avoir quitté mon pays pour vivre loin, et tout recommencer.

Ce qui rend tout un peu plus compliqué, j’ai dit, c’est l’amour. Ce besoin d’être aimé et de partager et de pas rentrer seul, le soir chez soi. Et on dirait que si l’amour s’effondre alors le reste aussi, comme si on déposait toute la structure sur une base aussi instable qu’une relation, comme si on s’attendait jamais à ce que le truc le plus fragile qui constitue notre vie puisse vraiment se casser la gueule pour de bon.

J’ai dit au revoir à M., en le laissant déposer un gros bisou mouillé sur ma joue. J’ai nettoyé ma salle. J’ai texté les rares personnes que j’avais envie de voir. Qui avaient déjà quelque chose de prévu, évidemment. Je suis rentrée seule chez moi, où personne ne m’attendait à part Dora. J’ai pensé à tous les gens qui me relancent pour un verre depuis des semaines où je joue les sauvages en m’accrochant derrière celleux qui n’attendent pas après moi, et je me suis trouvé pathétique. J’ai pensé à mes horaires bizarres de masso-étudiante, et mes décisions de ces derniers mois, et le pourquoi j’ai choisi cette vie. Je me suis dit, ce serait si confortable pourtant de rentrer dans le moule, avoir un mari qui m’attendrait à la maison, des horaires de bureau, prendre le métro à heures fixes comme tout le monde, ces périodes où il passe assez souvent pour ne pas me geler les doigts sur mon iphone en attendant, et pouvoir rejoindre mes amis pour un 5 à 7 plutôt qu’un 10 à 2 (am). Un mari à possession mutuelle et réciproque, pas d’amant.e.s ni d’amours multiples ni de désir d’ailleurs. Une job, de bureau 9 à 5, qui me permettrait de vivre au même rythme que le monde autour, d’avoir une assurance chômage et maladie, et des congés payés, et pourquoi pas un bébé, à trente ans ça ferait du sens après tout. Un appart IKEA pour le mettre dedans, de l’argent de côté, ma famille proche de moi. J’ai pensé.

Si seulement je pouvais rentrer dans ce foutu confor(t)misme.

Si seulement mon cerveau voulait arrêter de tout remettre en question et la vie entretenir le chaos.

 

Ce soir, M. m’a offert une carte, pour l’Halloween. Dedans, il a écrit « tu prends le temps de m’écouter, me comprendre, même si ça va mal dans ma tête« .

 

Cher M.,

I feel you. 

 

Ce serait si simple, la vie normale.