Intime & Réflexions

se taire

Émotion, du latin « ex movere », « ex » signifiant « au dehors », et « movere », se mouvoir, agiter, ébranler, bouger – le mouvement.

Depuis l’enfance, on nous apprend à contrôler nos émotions. Ne pas être en colère, c’est mal. Ne pas être triste, sauf si on a une « vraie » raison, mais faudrait pas que ça dure trop longtemps, reprends toi. L’envie fait partie des 7 pêchés capitaux, comme la colère. On grandit, il faut agir comme un adulte. Il ne faut pas pleurer en public, on ne dit pas je t’aime « comme ça » il faut assumer les conséquences, on tait ses peurs, on absorbe le stress. C’est pas bien, de s’exprimer trop fort. Même le bonheur, parfois, il faut pas trop le montrer – ça pourrait rendre jaloux les autres, d’étaler son bonheur comme la confiture sur les réseaux sociaux, ça fait se sentir minables tous ceux qui n’ont pas une vie parfaite.

Moi aussi, pendant des années, j’ai gardé mes émotions bien au fond de moi. Enfin, j’ai appris. J’étais en colère, ado, en colère contre tellement de choses parce que c’est ce qu’on vit à cet âge là. Parce que j’étais amoureuse de deux garçons et que ça se faisait pas. Parce que des inconnus au lycée qui me connaissaient à peine se permettaient de m’appeler « cochonne » lorsqu’ils me croisaient dans les couloirs, sous prétexte que je portais des jupes un peu trop courtes et que je parlais librement de sexe. J’étais en colère parce que comme beaucoup d’autres filles, j’ai subi un (des ?) abus sexuels, que je me suis sentie à la fois coupable et victime, coincée entre une immense injustice, mais c’était plus facile de se taire. Je suis restée en colère longtemps, mais j’ai rien dit, parce que ça aurait fait trop de mal si j’avais parlé, parce que j’étais indirectement responsable, parce que anyways personne ne pouvait rien faire pour moi. Je me suis tue. J’ai gravé une cicatrice à l’encre sur ma peau pour ne jamais oublier. J’ai arrêté de manger.

Les années ont passé. J’ai croisé le chemin de personnes merveilleuses qui m’ont réappris à m’estimer, à me respecter, à m’aimer. On m’a aimé, très fort, et puis c’était fini, comme ça. J’ai frappé dans des murs, déchiré des t-shirts, cassé une table, mais ça ne changeait rien, alors j’ai tout mis dans une petite boite, et poussé ça au fond de ma gorge, encore une fois. J’ai continué à me taire. J’ai été là pour les autres, et c’est comme ça que je me suis sauvée. J’ai rangé bien au fond les émotions négatives, j’ai construit une jolie carapace de fille forte, optimiste, de bonne humeur, une fille sur qui on peut compter. J’ai rarement craqué. J’étais là pour apaiser les crises de panique de L., là pour faire la fête, là pour aimer les cons, les gentils, ceux qui ne resteraient pas, là pour pardonner.

Je suis tombée amoureuse, à plusieurs reprises, j’ai souvent cru que c’était « le bon ». À nouveau, j’ai aimé et désiré deux personnes en même temps, mais ça se faisait pas, non. Il fallait rentrer dans le cadre. Il fallait garder bien caché mon point de vue sur l’amour, le sexe, la liberté de s’exprimer, d’exister, de se réaliser. Parce qu’une femme ça doit pas parler trop fort. Ça doit pas s’habiller trop sexy. Ça doit être jolie et intelligente, mais pas gagner plus que son mari. Ça doit pas trop donner son avis au bureau, et surtout pas dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, parce qu’on passerait pour une hystérique. Sois belle, et tais toi. Je pensais alors réaliser ce qu’on attendait de moi.

Un jour j’ai commencé à faire des crises de panique. J’étouffais, mon corps explosait de toutes ces choses que je lui avais fait avaler, ce trop plein d’émotions enfouies, ces tonnes de boites accumulées. Des vieux souvenirs moches sont remontés à la surface – tellement présents que je ne savais parfois plus faire la différence entre le passé et la réalité. J’ai consulté. J’ai vu une psy géniale qui m’a énormément aidé. J’ai fini par regarder ma vie en face, cette belle cage dorée qui ne me convenait pas, et m’envoler pour Montréal, décorant mon corps de lignes de vie.

se taire

J’ai encore continué à me taire, pourtant. Je n’ai rien dit face à cette boss tyrannique et perverse qui me faisait sentir plus incompétente à chaque jour. Je suis restée sans voix lorsqu’on m’a viré sans explication, en 15 minutes chrono, et que mon projet de rester à Montréal s’est soudainement effondré. Je n’ai pas su dire je t’aime à toutes ces belles personnes avec qui j’ai fait un petit bout de chemin, par peur de les faire fuir. J’ai écouté mes ami.e.s qui en avaient besoin, en évitant de trop parler de moi quand ça allait pas, parce que c’était pas le rôle que j’avais pris. J’ai jamais dit à mes parents que j’avais peur, non, je voulais leur prouver que je savais ce que je faisais, je voulais leur montrer que j’assumais mon choix, malgré les obstacles, que je me prenais en main. J’ai jamais été capable de demander de l’aide. Je pensais que j’avais une telle réserve, une force qui me permettrait de traverser tout ça comme une grande, qu’il suffisait juste d’y croire, et surtout, de ne pas flancher. J’ai à peine pleuré, quand j’ai eu un nouveau refus de permis, l’hiver dernier. J’ai continué à empiler des boites tout au fond dans mon ventre, les unes après les autres, pour ne pas m’encombrer. J’ai décidé de faire un métier où je pourrais faire du bien, parce que c’est ça que je sais le mieux faire, m’occuper des autres, pour enterrer le fait que moi ça va pas.

Et puis.

Rebelote. Le corps qui ne suit plus, les boites qui explosent les unes après les autres, la douleur, les insomnies, les larmes, les f*cking décharges émotionnelles, les crises d’angoisse, les crises de panique, les anxiolytiques, tout foutre en l’air, tralala. La réponse que je n’attendais plus, et réaliser que je ne suis même plus capable de m’en réjouir. J’ai tellement bloqué mes émotions que même la joie ou le soulagement ne sont plus capables de s’exprimer que par l’isolement et l’agressivité.

Thérapie, bis. Après avoir pleuré tout mon corps je vomis des mots. Ça ne s’arrête plus, j’exprime, j’exprime, et ça sort petit à petit, on a ouvert les vannes, des mois (des années ?) de silence, de musellement. Je sors les peurs, l’anxiété, l’insécurité ; la joie, l’amour, le bonheur ; et puis la frustration, la tristesse, le manque, le trop plein qui reste encore, malgré tout ce qui est sorti. Mon émotion se nourrit d’elle même, et en s’exprimant, fait réagir les autres, générant à nouveau de nouvelles émotions.

On est là, dans ce cercle infernal. C’est libérateur, et pourtant paniquant. J’aurais aimé enlever une boite par une boite, évaluer une à une les émotions qui s’expriment, contrôler le flux, mais ça se passe pas comme ça. Tout s’effondre, tout s’exprime, et c’est l’anarchie totale. À fleur de peau, je voudrais laisser sortir ce qui me bouffe à l’intérieur – et c’est brouillon, bordélique, brutal, parfois violent ; mais il y a les autres – ceux qui reçoivent en pleine face, ceux qui subissent, ceux qui ne comprennent plus, ceux qui voudraient, eux aussi, qu’on les écoute. Je voudrais demander de l’aide, mais on ne sait pas quoi faire avec moi. Je me suis toujours occupée de moi toute seule, après tout, c’est pas comme ça qu’on a construit les bases, alors ça déstabilise, puis moi non plus, je sais pas (me laisser) faire.

Le problème, quand on exprime ses émotions, c’est l’impact que ça a sur les autres. Et c’est pas vrai, qu’on s’en fout de ce qu’ils pensent. C’est pas vrai qu’on s’en fout de faire du mal. On avance, pourtant. On casse des oeufs, on fait des omelettes, on verra bien ce que ça donne. On essaye d’éviter les dommages collatéraux, trop souvent inévitables.

C’est peut être ça, le plus difficile dans tout ça. Penser à soi, protéger les autres. Ne plus se taire, épargner ceux qui peuvent en souffrir. Manger des coups, éviter de les rendre. Rester humble, conscient, reconnaître lorsqu’on est allé trop loin, accepter que ce soit parfois trop tard.

J’aimerais qu’un jour à l’école de la vie, on nous apprenne à exprimer nos émotions, mais aussi à accueillir celles des autres. Qu’on nous explique comment vivre et ressentir sans être toujours en contrôle. Qu’on n’ait pas peur d’être aimé, ou de trop demander. Qu’on apprenne à poser nos limites, aussi, pour se protéger. Apprendre l’équilibre étrange entre bienveillance, conscience, et lâcher-prise.

Au quotidien

quelque chose de bleu

bouquet

La semaine dernière, je me suis mariée.

Je fais les choses un peu à l’envers, je sais. Dans la vraie vie, on annonce son mariage avant. Genre vraiment avant (un jour faudra qu’on m’explique #lesgens qui préparent leur mariage 2-3 ans à l’avance) (genre même les concerts de Madonna sont pas bookés aussi en amont) (tsé, c’est un mariage, pas l’organisation de la Coupe du Monde, les gens vont être contents malgré leur nuit au Formule 1…) (bref je m’égare). À l’avance, donc. On prépare. On fait un budget, un plan de match. On envoie des faire-parts, on partage sa préparation, les indécisions de robes, le traiteur, la couleur des macarons, le discours du curé, les Power Point, le DJ. On fait des rencontres de familles, le plan de table, une liste de mariage. Et puis on stresse un peu, aussi, ou beaucoup. Enfin, je crois.

C’est à dire que je suis pas spécialiste, c’est ma première fois.

J’ai pas vraiment annoncé que je me mariais. J’ai trouvé ma robe chez Urban Outfitters, un coup de coeur, un essai, 80$, et j’ai finalisé ma tenue le jour J. Ya pas eu de cérémonie, ni de discours, encore moins de Power Point de photos embarrassantes de nous petits ni d’enterrement de vie quelconque, et pour la bouffe et le plan de table, c’était plutôt ambiance potluck que Moët&Chandon – venez comme vous êtes, mettez une chemise, et apportez un tupp ou un brownie. Avec tout ça, on a même pas eu le temps de stresser.

Si on regarde ça sous cet angle, soit c’était pas un « vrai » mariage, soit je suis une mauvaise mariée. Je penche pas mal pour la deuxième option, vu que la signature sur le papier, elle dit bien que ça y est, on est époux pour la vie, qu’on se doit respect-fidélité-soutien et que si je meurs, t’as la moitié de toute ma fortune, et la responsabilité de Dora. C’est pour vrai qu’on a des alliances avec pas-vraiment-nos-noms gravés dedans. Pour vrai qu’on s’aime comme on s’aime, avec des jokes débiles et sans modération. Pour vrai qu’on a dit « oui, je le veux » devant un notaire Breton et le Code Civil Québécois (cherchez l’erreur), même si j’ai éclaté de rire à ce moment parce que this shit has become real. Pour vrai qu’on aimerait très fort que ça dure, pour un bout, pour longtemps, pour toujours, qui sait. Alors une signature, ça change pas grand chose là-dedans, et puis ça change beaucoup, pourtant.

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C’était un soir de Février, je savais plus si je devais pleurer, faire mes valises ou sauter du balcon, et puis il m’a fabriqué une bague de fiançailles avec le machin en fer qui tient les bouchons de cidre. Alors j’ai souri parce que c’était la plus belle preuve d’amour qu’il pouvait me faire. C’était un vendredi d’Avril, il pleuvait, je portais une robe bleue et des escarpins, et lui des Vans et un noeud papillon, on a pris la voiture pour faire 300 mètres parce que ma témoin avait pas le goût de marcher en talons, on a mangé des crêpes avant, et bu du cidre après, et puis a célébré l’amitié franco-québécoise avec des mojitos et beaucoup de bière.

J’avais dit que j’écrirais pas là dessus. J’avais dit que j’en parlerai pas, c’était pas si important, ou un peu trop intime. Mais ya eu tout le reste. Ya eu tous ces gens réunis et tout cet amour, et ce moment où tu réalises à quel point tu es aussi amoureuse de ce pays que de ce barbu là, à quel point c’est beau, toute cette bienveillance. Ya eu des ballons, des gâteaux, un bouquet, des photos, une enveloppe surprise, un chat traumatisé, moins de ménage que prévu, 5$ de bouteilles consignées. Ya ce moment où je réalise que j’ai pas hésité. À aucun moment. J’ai dit oui. J’ai sauté. Sans douter. Ce moment où j’ai pris conscience qu’avec lui, j’ai plus peur de l’avenir.

Faque. C’était peut être pas le plus beau jour de ma vie, mais c’était assurément le premier jour du reste de ma vie. De ceux qui donnent un sourire et de la lumière dans le coeur, de quoi s’accrocher aux belles journées qui s’en viennent, et avoir le goût de recommencer, un de ces jours, avec  la famille et tous ceux qui manquaient.

Intime & Réflexions

and so it is (meant to be)

charlevoix-2La vie c’est comme une boite de chocolats.

J’en aurais plein, des phrases toutes faites qui veulent tout et surtout rien dire, des citations à la con sur comment on trouve le bonheur, et let it go – ta gueule – parce que carpe diem. Ya des mecs qui ont écrit des livres sur comment on voyage pour se trouver soi-même, et pour réaliser finalement qu’on est bien dans son jardin, sous son arbre, whatever. Je suis pas philosophe, ni écrivain, ni ce genre de fille qui poste sur son mur Facebook des quotes inspirées pour faire semblant qu’elles ont trouvé une solution à la vie. J’ai pas de solution. Ya pourtant quelque chose que je peux dire, et tant pis si ça sonne quétaine – comme ce genre de vérité évidente qu’on t’assène dans les bouquins de développement personnel : le bonheur il est pas toujours là où tu l’attends ; ça fait parfois du bien de sortir de sa zone de confort pour se (re)trouver ; et enfin, une fois que t’es sorti du chemin tout tracé, ça peut vite devenir hors de contrôle – alors accroche-toi.

Tu sais pas dire quand tout a basculé – la vérité c’est que ça « bascule » pas d’un coup – on vous ment dans les films et les histoires. Dans la vraie vie, c’est comme un glissement imperceptible. Ce moment où tu sors du tout-tracé, et ça a l’air cool, et facile, et évident. T’avances, un pas, deux, jusqu’à t’enfoncer jusqu’au cou dans cette nouvelle expérience, en croyant encore contrôler la dérive, persuadé qu’au bout, ya une sortie facile.

Sauf que c’est pas comme ça. L’objectif, il change pas, mais c’est les étapes pour y arriver qui commencent à faillir. Ça commence par un premier choc, puis un deuxième, mais tu comprends pas encore ce qui t’arrive – parce que ça n’a aucun sens, aucune logique, ça ne peut pas se produire. Puis tu tombes, une fois, tu te relèves, tu avances à tâtons jusqu’à la prochaine passerelle, tu penses que c’est bon t’es sorti d’affaire là, tu vas rejoindre ce chemin que tu voulais prendre, mais non, ça ne tenait pas assez fort, ça s’effondre sous tes pieds. Alors tu repars, t’embarque sur une autre, comme un plan B, puis C, puis tu vois à chaque fois cette lumière, ton objectif qui se rapproche, et puis le mur. À nouveau. Et puis surtout, tu peux plus revenir en arrière.

Plusieurs personnes m’ont dit, à ta place, je sais pas ce que j’aurais fait. J’aurais abandonné, sûrement. T’as du courage.

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Je sais pas si j’ai du courage, je sais pas non plus toujours si je sais ce que je fais. Ya quelque chose en moi de l’ordre de la rage, de la volonté obstinée d’atteindre cet objectif, de pouvoir enfin souffler. Ya quelque chose qui me pousse en dedans, peut être aussi une forme de déni, mais dans le fond je veux y arriver, parce que ça ne peut pas être autrement. Alors j’emprunte une passerelle, puis une autre, puis la suivante, jusqu’à qu’on y arrive. Pendant ce temps ya des milliers de choses qui se passent en moi, qui bougent, mûrissent, explosent. Ya ce désir immense d’être là, d’arriver au bout.  Ya toute cette énergie qui me mobilise, ya tout cet amour qui m’inonde et cette bienveillance, et tout ce que j’ai le goût de donner en retour. Et c’est merveilleux.

Ya pas de moment où tout bascule. C’est faux. Ya des portes qui s’ouvrent, d’autres qui se ferment, des chemins à prendre, beaucoup de choses qu’on peut pas contrôler. Puis ya le reste. Ya ce qu’on croyait être des certitudes qui volent en éclats, et qui laissent la place à une réalité, une vérité, une évidence si claire et si concrète qu’on peut juste pas la nier. On désapprend la peur. On réévalue notre approche de la vie. On accepte l’injuste, l’irrationnel, la part de semi-hasard sur laquelle on n’a pas de prise.

Un jour, tu décides de sortir du chemin tout tracé, puis si t’oses et que tu pousses un peu ta chance, ça peut aller loin. Ta vie, ça devient ce gros labyrinthe, ce manège incessant, ça secoue dans les coins mais au centre, ça rend juste encore plus évidentes tes certitudes. Tu exploses pour mieux te reconstruire. Tu rejettes pour mieux ré-apprivoiser. Tu croyais savoir et tu sais plus rien, et puis à nouveau, tu sais.

Ya pas de destin, mais des milliers d’épiphanies. Ya ce chemin sinueux, tortueux, et tout ce bonheur à côté. Puis ya ce soir où tu te retrouves à magasiner des anneaux d’argent, et à vouloir y graver des mots d’enfants, des mots d’amour, des mots dont personne ne peut garantir qu’ils seront pour la vie, mais c’est pas ce qui compte. À ce moment précis, c’est simplement ce qui semble être la chose la plus évidente à faire – parce que quelque part, après avoir oublié la peur, après avoir occis les doutes, on peut enfin accepter l’idée d’être adultes. Parce que quelque part dans cette tourmente, il y a une île, un port, une ancre. Parce qu’on veut croire que ces mots là dureront toujours.

– and so it is  (meant to be).

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Intime & Réflexions

comme un manège

metro beaudry
J’aime pas trop les bilans de l’année qui s’est écoulée. Je veux dire, j’en fais tout le temps, des bilans, et puis j’ai pas besoin d’occasion pour ça, et puis ces dernières années ont été beaucoup trop foutoir et bousculantes (oui, j’adjectivise) pour écrire quelque chose de l’ordre d’un « bilan », et 2014 beaucoup trop intense et chargée de tas de choses que je peux pas vraiment raconter ici (et que j’ai tenu pratiquement aucune de mes « résolutions »). Puis comme toujours j’ai plein d’autres idées de posts que peut être j’écrirai un jour quand j’aurais arrêté de stresser et que je pourrais souffler, enfin (comme des histoires d’écureuils et de fromage en grains).

Puis.

Ya Ginie et Camille qui ont écrit de biens jolis posts, et puis ces dernières semaines de Décembre ont été encore un peu plus foutoir, chargées de belles choses, et de larmes aussi un peu. Alors je me dis que j’ai le goût d’écrire un peu quand même, que peut être je vais publier ça avant 2015 pour laisser tout ce bordel derrière, refermer la porte sur cette année étrange, attaquer la suite. Comme Camille, 2014 n’aura pas été ma meilleure année ever. Comme Camille, peut être que 2013 a été un peu trop bien pour que ça continue. Tsé, parfois semblerait que la vie veuille pas que tout glisse tout seul, que quelque chose décide que tu dois en chier un petit peu – au moins – pour que tu saches, ça fait quoi de galérer, d’avoir à faire des choix, des vrais ; pour que tu saches vraiment pourquoi t’es là.

Faque c’est ça. 2014 a commencé sur les quais de Seine, une bouteille de champagne dans une main et le bras d’un ami cher dans l’autre. Je suis revenue à Montréal, ya eu le Polar Vortex, Igloofest, les week-ends en chalet, et j’ai perdu ma job. Perdu comme dans la version Nord-Américaine, ou : « se faire mettre dehors en 15 minutes avec un minimum d’explications et ton bureau dans un carton » (j’ai appris plus tard que c’était pour des raisons économiques). Ou la version immigrante : « il me manquait 3 semaines pour faire ma demande de résidence » et « mon visa est lié à ma job. plus de job, plus de visa, plus de visa, plus de…« . Le monde qui s’effondre. La panique un peu. Avec pour seule évidence Montréal. Rester ici, chez moi.neige

Il y a eu des semaines entre deux eaux, à flotter là dans l’incertitude, chercher des solutions, des réponses, essayer de comprendre, de savoir où je suis, ce que je fais. Faire le tri dans ma vie, d’une certaine façon, mettre fin à certaines relations parce qu’on réalise qu’on ne peut pas continuer ainsi, parce que je pouvais pas tout gérer. Une chose à la fois. Mon premier amour, Montréal, le Québec.

Avril. Ma maman a un accident. Sur un coup de tête je prends un avion pour Marseille, et deux semaines de retour aux sources pour respirer. Deux semaines pour retrouver ma famille, mes amis, et d’autres, deux semaines les cheveux dans le vent et les pieds dans le sable, deux semaines pour essayer d’aller mieux. Il y a ces sourires, ces retrouvailles, et ces au-revoir. À mon retour à Montréal début Mai le printemps commence à peine. Je me remets tout juste de mes émotions, je ne sais pas encore que ça vient juste de commencer, que j’ai embarqué sur un manège infernal de up & downs qui va durer jusqu’à… si je savais.

En Mai, un ami me propose une job dans la compagnie qu’il vient de créer, et j’apprends qu’il reste des places pour le permis Jeune Pro. Joie. Je me pensais sortie d’affaire, malheureusement le projet ne génère pas suffisamment de revenus et je n’ai pas pu cumuler le temps plein nécessaire à la demande de ma résidence permanente. Après avoir passé l’été à travailler pour un super projet (le Village Éphémère), je repars donc à la recherche de boulot.

C’était long, ces quatre mois. Long parce que j’ai jamais eu à galérer pour trouver un emploi. Long comme parfois le sentiment d’inutile, de n’être personne, attendre des réponses qui ne viennent pas, le téléphone qui garde le silence, envoyer des CVs, encore, attendre. Long comme je me serre la ceinture depuis trop de mois, malgré l’aide de mes parents. Long comme cette menace qui pèse et de le stress de ne pas retrouver de job, de ne pas pouvoir rester ici. Et les rêves de la France toutes les nuits, les semaines où je croyais voir MonFrère partout, les jours qui raccourcissent, la crève et la déprime automnale, l’approche des Fêtes, et toujours, l’incertitude. L’impossibilité de faire des projets, la crainte de finir chaque mois à découvert, ne pas savoir quand je pourrais à nouveau rentrer, ni si je devais continuer à espérer, ou envisager d’autres solutions.bouche

Je viens d’avoir une offre de job. Un super poste dans lequel j’espère m’épanouir et continuer d’apprendre. J’en parlerai plus tard peut être parce que je réalise toujours pas, que je suis en cours de changement d’employeur, que je me sentirai jamais complètement rassurée tant que j’aurais pas un nouveau permis et une demande de CSQ approuvée. Mais on voit le bout du tunnel. Et ça fait du bien…

2014, c’est aussi des expériences incroyables. Des découvertes. Des redécouvertes. Des voyages. Des amis. Des nuits à danser jusqu’au petit matin, des soirées complètement improbables comme seul Montréal sait révéler ; la beauté d’une baie, l’odeur iodée du Saint-Laurent, les couchers de soleil et les levers de soleil ; des discussions jusqu’à beaucoup trop tard, les gens qu’on serre trop fort, des sourires et des larmes ; des moments magiques où le temps s’arrête parce que plus rien n’a d’importance que le présent.

2014 c’est une rencontre. Une personne. Un amour. Un Québécois barbu qui a croisé mon chemin à un moment où je savais plus très bien si j’étais capable d’aimer, d’être en « couple »; où la notion même d’amour avait perdu son sens. Y a eu un mois de nuits chaudes, et d’après-midi sous les arbres. J’ai eu à nouveau 17 ans, je suis tombée en douceur, sans violence, sans trop réaliser ce qui se passait, et surtout sans me poser de questions. C’était tendre, c’était doux, c’était simple et évident. Et puis l’été, il est parti travailler aux États-Unis, et je me suis effondrée tout d’un coup – comme si tous les mois passés à tenir debout toute seule m’avait fragilisée, et son départ achevé de me mettre à genoux. La distance pour mettre des mots sur ce qu’on s’est jamais dit et réapprendre à y croire. Des retrouvailles qui se passent de mots, et les mois qui depuis s’alignent pour conforter l’évidence, éteindre les peurs, rassurer les doutes ; et tous ces matins où je me réveille près de lui, tous ces matins qui donnent juste le goût que ça ne s’arrête plus jamais, parce qu’on est juste bien.

dany

Je sais pas ce que je dois retirer de cette année. Il y aurait tellement à raconter. J’ai grandi, et je suis redevenue une petite fille. J’ai réalisé ce qui me tenait vraiment à coeur, et pour la première fois de ma vie je me suis battue pour quelque chose au lieu de laisser faire le hasard. J’ai aussi appris à laisser faire, laisser aller, lâcher prise, accepter de ne pas toujours avoir le contrôle et prendre ce qui vient sans tout remettre en question. J’ai réappris à aimer, différemment, à donner, à recevoir, et pas seulement pour mes amis. J’ai pris conscience de tellement de choses sur moi et sur la vie, sur ce que je suis et ce que je veux, les valeurs que je veux défendre, ce dont j’ai besoin pour être heureuse, ce que je suis capable de supporter et de partager, et d’une certaine façon, j’aimerais croire que cette chute brutale m’a permis de renaître un peu.

Je m’appelle Elodie, j’ai 28 ans, et je crois qu’en 2014, je suis finalement devenue adulte. Tu peux venir 2015. Je n’ai plus peur de grandir…

(photo ci dessous d’une des jolies cartes de voeux PaperMiint)

2015

Chroniques

une rencontre

premiere-fois-ldumasv

Est-ce que tu te souviens ?

C’était en Décembre. C’était un jour d’août. C’était un soir de mai. Un samedi en février. Un mardi, début juin. On avait 15, 18, 22, 26, 27 ans – presque 28. C’était à Barcelone, à la montagne, à Paris, à Montréal. En vacances, en voyage scolaire, chez des amis communs, dans un parte, sur le bord d’un trottoir.

Te souviens-tu, des premiers mots ? C’est souvent des banalités, parfois une phrase se grave à jamais dans notre esprit. Tu chantais avec tes potes pour mendier quelques euros et acheter des sandwiches moins dégueus que ceux que votre auberge vous avait préparé. J’ai ri, mon sandwich était pas pire, et on a engagé la conversation. C’était « I feel it in my fingers, I feel it in my toes… » de Love Actually, j’avais pas vu le film, tu m’as dit que c’était un de tes préférés. J’ai sorti cette phrase un peu con, alors que j’avais même pas en tête de te draguer « on s’est pas déjà vu quelque part ? ». Tu es rentré dans la pièce et tu t’es assis sur l’accoudoir du canapé, juste à côté de moi. « Je préfère l’autre fesse », j’ai dit. Plus tard on a parlé du Petit Prince et fait des jokes poches en marchant vers cette soirée. J’ai toujours le canapé. Je repense parfois à ta fesse – gauche. Je portais une combi-short bleue ce soir là. J’étais arrivée un peu hagarde dans une soirée de gens que je connaissais pas, emmenée par un « ami » que je croyais me vouloir du bien. Je me souviens plus de l’accroche, mais y avait une histoire de mamans artistes – comme quoi toi et moi, on se comprenait.

Et puis la fois où j’étais en retard et pas moyen de te joindre alors j’envoyais des texts à ton ami que je connaissais même pas sans vraiment être sûre qu’il puisse te prévenir. Celle où je suis arrivée déjà un peu saoule sur mon vélo qui grince, et que j’ai vu se dessiner un sourire sur ta face parce qu’on se plaisait pour vrai. Le soir où je t’ai attrapé dans le couloir d’un appartement parce que bon, toi et ton coloc vous étiez un peu canons (et ostensiblement costumés). Toutes ces soirées sous alcool où je me souviens pas vraiment du premier pas, des premiers mots, de la première accroche, juste d’une soirée floue et de quelques moments, après.

Parfois, les jours entre les premiers mots et le premier baiser sont seulement des heures – ça a tendance à se raccourcir, avec le temps, avec l’âge, l’alcool et la précipitation. Il y a pourtant toujours cette première fois, ce moment où tout bascule. Lorsque plus tard on y repense, lorsqu’on réalise que cet inconnu est devenu quelqu’un d’important, on aimerait se souvenir. Avoir gravé ces premières danses, comme on relit de vieux mails, retrouver ce goût d’inattendu, de surprise, de découverte. On ne sait pas alors où tout ça nous emmènera – ces quelques mots échangés, un numéro enregistré dans un téléphone ou un ajout sur Facebook dans la promesse d’une prochaine soirée. Après une heure, une nuit, qui sait.

J’aime à me souvenir. Retrouver ces images et les faire rouler comme une jolie pierre dans mon esprit, pour les réanimer un peu. J’ai une mémoire très visuelle alors je visualise, parfois très précisément, des bribes – flashs si vivants, la position d’une main, le cadre, les gens. On était dans ce bar quand tu m’as embrassée, sur le chemin des toilettes – je revenais, les mains encore mouillées, moment improbable qui te ressemble tellement. On était sur cette place d’Aix-en-Provence, engoncés dans nos manteaux d’hiver, c’était maladroit, c’était doux, c’était évident. On redescendait de la Butte, sous la fenêtre de mon studio un baiser volé que j’attendais plus – je savais pas – est-ce que je te plaisais vraiment ?. Au milieu de la rue Ste Catherine. Sur le canapé d’une soirée. Debout, dans la foule packée d’un festival. Tant d’autres.

Je ne sais plus toujours, les premières fois. Qui a fait le premier geste, qui a déshabillé l’autre, les choses qu’on s’est dites, les mots qu’on a prononcés. Parfois j’ai écrit, parfois pas – je voudrais, toujours, me souvenir. Parce que quoi qu’il se passe par la suite, c’est beau. On se connait à peine, on a pas encore parcouru nos corps et caressé nos peaux jusqu’à en connaitre chaque recoin, chaque frisson, chaque aspérité. On est juste deux inconnus qui se plaisent, deux inconnus qui ne s’attendent à rien, deux âmes qui se trouvent un jour par le hasard des rencontres et des algorithmes du web. On sait pas encore qu’on va avoir du bon sexe, tomber amoureux (parfois), se déchirer (parfois aussi), avoir un peu mal (souvent), que tout ça aura une fin. On sait pas combien de temps on va être là, à se toucher, on sait pas les petits gestes qui, par la suite, vont rapprocher doucement pas vite, ces petits gestes cons qui font qu’on s’attache, qu’un truc existe, se construit. On sait parfois que ça n’a pas d’avenir, mais on est quand même là. Parce qu’on a envie de vivre, de ressentir, de s’essayer, de partager, de se découvrir.

Parce qu’on est bien, dans ce présent.

Photo LDumasV 

Intime & Réflexions

et les amours

bedJe ne sais plus dire je t’aime.

Enfin, je crois. Bientôt deux ans que je suis « célibataire ». Avec des avec et des sans, des coups de coeur, des moments tendres, des moments doux, d’autres plus violents. Des gens qui s’en vont, des qui sont loin, des qui n’iront nulle part parce que c’est comme ça – question qu’on est pas compatibles. Deux ans que je vogue d’un corps à un autre, sans jamais m’accrocher vraiment. Deux ans que je n’ai pas dit je t’aime à quelqu’un d’autre que ma famille, mes amis et mon chat. Pourtant j’ai eu des papillons dans le ventre, souvent ; je suis tombé amoureuse, parfois ; j’ai pleuré tard le soir, et eu envie de frapper dans des murs quand ça faisait trop mal au ventre. J’ai crié des mots d’amour très fort dans ma tête et sur le papier quelques fois parce que c’était vrai, sur l’instant, mais j’ai gardé tout ça pour moi parce que c’est toujours éphémère, ces émotions, parce que ça implique tellement de les sortir ; parce que je sais bien que ça prend du temps d’aimer pour de bon.

Parce qu’il y a toujours eu un au revoir.

Je vais avoir 28 ans, et à 28 ans on se case et on fait des projets de vie à deux, alors j’ai droit à cette question à chaque fois – de mes parents, mon grand-père – et les amours ? Je ne réponds rien. À quoi bon raconter les histoires qui ne dureront pas – je le sais d’avance. À quoi bon engager un espoir, prendre le temps d’expliquer, alors que je ne suis jamais sûre, que tout peut changer du jour au lendemain. Comment raconter les amours impossibles, les belles rencontres, les moments tendres, et le sexe, qui s’arrêteront au petit matin, dans une semaine, ou dans deux mois.

À ma mère la dernière fois, j’ai demandé si c’était important, qu’il y ait quelqu’un dans ma vie. Si ça la rassurerait, quelque part, de me savoir « en couple ». Que j’ai quelqu’un à qui dire je t’aime, quelqu’un qui prendrait soin de moi. Ma mère m’a répondu « c’est pas important, si tu es heureuse comme ça. » Et puis « tu as l’air d’être heureuse. Tu as l’air de n’avoir besoin de personne. Tu trouveras quelqu’un, mais ce sera pas pour combler un manque. »

J’ai pas de manque. J’ai pas besoin de quelqu’un. Parce qu’en vérité, des amours, j’en ai plein : il y a mes amis (les plus géniaux du monde), il y a Dora (le seul être vivant à qui je dis mon amour), et il y a Montréal.

#26

Voilà. C’est peut être là, le fond des choses. La réponse au pourquoi je n’ai pas réussi (mais ai-je vraiment cherché ?) à me remettre dans une relation. Parce que ma liberté importe plus à mes yeux que tous les jolis garçons que j’ai rencontrés jusqu’ici. Parce que j’ai pas besoin qu’on me sauve, pas besoin qu’on me répare, pas besoin qu’on me console, pas besoin d’un mec-béquille pour avancer. Parce que j’ai plus l’envie de cette vie là dont j’ai eu un avant-goût – vivre ensemble, acheter un appart, se marier, faire des enfants. Parce que je veux rien devoir à personne, je veux ma liberté et mon indépendance, et je chéris ces dernières plus que tout le reste – même si c’est au prix de mon « célibat ».

J’ai arrêté de croire au coup de foudre. Comme un tas de monde dans mon entourage, je ne cherche pas l’amour, ni rien de très sérieux. N’empêche, ça me dérangerait pas de tomber dessus par hasard, un peu comme on trébuche et on perd l’équilibre. C’est jamais sérieux de perdre l’équilibre. Ça fait rigoler. Ça rend un peu heureux. Je cherche rien d’engageant, mais c’est toujours rassurant de savoir que y a quelqu’un pour répondre à tes SMS tard le soir parce que « j’arrive pas à dormir ». Quelqu’un qui voudra bien partir sur un coup de tête en voyage à l’autre bout du monde – ou en week-end un peu moins loin. Quelqu’un avec qui le silence ne sera jamais pesant. De ces rencontres où tout est fluide, où chaque jour passe sans se poser de questions et où on se dit « on verra bien demain », et soudain, ça fait des mois que c’est demain, on a pas vu le temps passer, et on a toujours envie de se voir et des choses à se dire. On sait que l’autre sera encore là le jour suivant, et tous les jours d’après. On a pas besoin de se le dire, c’est une évidence. Quelqu’un à qui peut être je pourrais dire je t’aime sans avoir peur que ça nous enferme et nous détruise. Et y croire cette fois-ci, sans date de péremption.

Intime & Réflexions

les imperfections (ce qui est beau)

C’était un soir et il neigeait alors que le jour d’avant il faisait 27°C et qu’on s’était pris un orage sur la tête – mais c’est comme ça à Montréal, tu sais, la météo elle est toute croche en ce moment, on sait plus comment s’habiller  ça a pas d’allure -, j’écoutais la playlist 8tracks vraiment coule que m’a fait découvrir ma coloc en écoutant la neige tomber sur les fenêtres et en me disant qu’Andrew Bird c’est vraiment bien, que je suis frue de pas avoir vu Half Moon Run en concert – vraiment -, et que le chou-fleur ça pue – parce que j’ai fait du chou-fleur. Et puis y a quelqu’un qui a liké une vidéo partagée par quelqu’un d’autre sur Facebook – tu sais les petits news dans la colonne de droite, où c’est écrit « machin a liké le status de truc » et « bidule est maintenant ami avec chose » – et puis c’était cette vidéo.

Alors c’est du Queb’ et vous allez pas tout comprendre sûrement, mais c’est beau. C’est beau parce que cette langue elle me caresse l’oreille, et plus encore, n’en déplaise à ceux qui trouvent cet accent dégueulasse, moi j’adore sa musique et ses expressions. C’est beau parce que c’est comme un poème, de ces textes écrits à la va vite sur un coin de carnet, une nuit où on arrive pas à trouver le sommeil. C’est beau parce que cette phrase, et la suite, et le reste.

« Parfois on oublie que c’est quand on s’trompe que c’est beau
Qu’on est vulnérable que c’est beau, c’est quand on s’trompe pis qu’on sait pas trop
C’est ça qui est beau »

J’ai jamais vraiment aimé les gens parfaits. Je déteste quand c’est lisse. Quand c’est tout plate et tout brillant, y a pas d’aspérités, pas de défauts, pas de rebords où s’accrocher le coeur et gratter un peu. Moi j’aime les gens qui sont capables de montrer leurs faiblesses – les petites, les jolies, les moins jolies, celles qui font d’une personne ce qu’elle est, un caractère en relief avec tout ce qui la compose. Moi j’aime les petits défauts, les trucs un peu croches et maganés. J’aime gratter la couche supérieure pour voir ce qu’il y a dedans, ce qui se cache sous le vernis, sous les apparences qu’on se donne, la première fois, et peler doucement les couches pour m’attacher à ces choses-là plus fragiles.

J’aime pas les premières fois. On essaye tous – plus ou moins consciemment – de se montrer sous ce qu’on croit être notre meilleur jour, de paraître plutôt que d’être, de jouer le rôle qu’on pense que l’autre voudrait nous voir jouer. On se pare, on se maquille, on enfile le costume trois pièces et les talons qui vont bien ; c’est que des apparences vous me direz ; et puis on se glisse dans la peau d’un nous démembré, un nous amputé, un peut-être-même pas nous.

Je crois que je suis un peu trop intense, là-dessus. Intense voir même intolérante, parce que je suis une nazie du naturel. Pas du naturel genre venez comme vous êtes-pas lavés-débraillés-poilu, non. Nazie comme je déteste découvrir plus tard qu’en fait, la personne que j’ai rencontré la première fois, bah, c’était pas elle. Un ersatz pseudo-amélioré. Un truc calculé pour me séduire. Surtout si ça a fonctionné. Je veux dire, oui, on est tous plus ou moins nous-mêmes, la première fois, évidemment qu’on montre pas tout, qu’il ya le politiquement correct, qu’il faut protéger les apparences, qu’on s’adapte au contexte et à l’interlocuteur et qu’on crie tous intérieurement « aimez-moi ». Mais je crois que la sincérité paye. Je crois qu’on devrait tous être capables d’assumer la part croche de notre nous-même, et pas jouer un rôle – juste choisir les morceaux qu’on va dévoiler, pas (se) mentir, pas feinter.

Au fond, je sais très bien que c’est impossible, mon affaire. Ya qu’à voir comment du jour au lendemain quand on quitte quelqu’un qu’on a aimé on a l’impression que c’est une autre personne – alors qu’on se connaissait par coeur ; et comment mes anciens collègues avaient une vision de moi assez déformée – comme quoi on a des masques et des costumes pour chaque rôle qu’on tient, chaque période de notre vie, chaque pièce à jouer. Je suis la première à m’habiller pour afficher une part de moi qui m’arrange dans un contexte particulier. Ce blog ne s’appelle pas The Stage Door pour rien. Mais je crois pas que j’ai déjà déçu des gens – je suis moi, en entier, dès le départ – un peu intense, un peu too much, un peu grande gueule, un peu chiante, mais c’est moi. Ce que tu vois plus tard, c’est juste parce que t’as eu envie de peler l’oignon, de gratter – et que j’ai laissé faire un peu – et parfois ça fait peur, et parfois ça semble incohérent avec le reste, et non j’ai pas toujours autant confiance en moi que ça en a l’air. Je crois que depuis Montréal, j’apprends à moins feinter, à moins me cacher, à assumer qui je suis et mes idées. Mais je sais pas comment ils font, les gens qui jouent un rôle tout le temps pour paraître bien, pour se faire aimer, pour coller au moule dans lequel on leur a dit d’entrer ; je me demande s’ils arrivent à gérer avec ce qu’ils sont en dedans ; s’ils sont en accord avec eux-mêmes ou si les apparences finissent par les bouffer ; s’ils seront capables de vivre toute leur vie en représentation ou s’ils vont finir fucking schizophrènes. Je me demande comment font ces filles qui se remaquillent le matin avant que leur mec ne se réveille, qui sont toujours parfaitement épilées, qui se montreront jamais en mode grumpy. T’es pas fatiguée de jouer à la poupée ? Je me demande comment font les gens qui cachent savamment leurs infidélités. Tu fais comment pour mentir à la face de celle/celui que t’aime ? Je me demande à quel point la société et les apparences nous polissent, nous formatent, poussent à se soumettre, à vivre cachés.

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Je vis dans un monde idéal où on pourrait tous juste être nous mêmes. Peut-être qu’à Montréal on a un peu plus cette possibilité. Peut-être que faut apprendre à vivre avec soi-même avant d’être capable de l’assumer devant notre entourage. Peut-être qu’on est tous des oignons bien habillés qui essayent tant bien que mal de se rendre heureux en cherchant l’approbation de leurs choix dans le regard des autres. Peut-être qu’accepter de pas être parfait, de pas savoir, de pas rentrer dans des cases de magazines, c’est compliqué.

J’ai plein d’amis pas parfaits, plein d’amis qui ont du mal à croire en eux, parfois, et j’ai envie de dire t’es beau, regarde, t’es beau avec toutes tes égratignures et tes doutes et tes hésitations, t’es beau avec tes cicatrices, tes larmes que tu caches, ta peur de pas réussir et de pas être aimé assez, c’est touchant d’être flou comme ça et oui je vois toutes ces traces en dessous de ta peau et je t’aime fort tu sais, je t’aime en entier avec toutes tes fêlures, et on devrait aimer que comme ça, toujours. Mais arrête de douter. Arrête d’avoir peur. Arrête de te comparer, de rêver de trucs comme dans les films et de trouver des raisons de ne pas y aller, et fonce, et tant pis si ça marche pas, au moins, t’auras tenté, tu te seras donné une chance, tu auras fait un choix, et tu pourras être fier de toi pour ça, d’avoir avancé avec toutes ces casseroles et ces doutes que tu te trimballes parce que t’es humain et que c’est comme ça, et d’avoir tenté malgré toutes les chances que ça rate, et n’aies jamais de regrets, parce que c’est aussi en se cognant aux murs qu’on apprend à vivre.

Mais je dis rien, souvent, je m’énerve toute seule à voir ces gens là que j’aime pas réussir à s’aimer et rien pouvoir faire alors que c’est juste . Et je dis rien, parce que je suis très forte pour faire ça en amitié, aimer sans conditions, et très nulle quand il s’agit d’amour. Alors je me tais. Parce que je suis pas parfaite, moi non plus…

– photo de pas ma main, par Vincent