Intime & Réflexions

les petites cases

J’ai un problème avec les cases.

Tu sais, celles où on met les gens, avec des petites étiquettes pour savoir où et comment ranger, catégoriser, sélectionner, et indirectement, porter un jugement définitif.

C’est un jugement, que de mettre une étiquette. Une classification qui s’accompagne d’un tas d’a-prioris, de préconçus, de sous-entendus, et puis ça doit rester là toute la vie, sinon quoi. C’est comme si un jour on te disait, tu es là, et tu y restes, et même si tu voulais éventuellement bouger, tsé, t’es sûr parce que c’est compliqué, t’es bien là où t’es, t’es pas content c’est pour ça ? tu fais une petite déprime ? une crise de la quarantaine – ou d’adolescence tardive ?, et puis ça va déranger toutes les étiquettes qu’on a collées depuis le début là, si tu décides de changer ce qu’on pensait de toi, ça bouscule l’ordre établi, et après, on sait plus quoi faire – parce que tu rentres plus dans les cases toutes prêtes de la société.

J’ai un problème avec les cases, parce que je veux pas me sentir obligée de rester dans un cadre préétabli sous prétexte que « c’est comme ça qu’on a toujours fait », et « t’as fait des études », et puis « mais qu’est ce que les gens vont penser ».

Je viens de finir une formation en massothérapie. On me demande, et après, tu vas faire quoi ? Masser. Toucher des gens au coeur de l’intime. Continuer à me former pour les aider à aller mieux, dans leur corps, et peut être même un peu plus loin. Pourquoi pas reprendre d’autres études, en sexologie, cette fois, et en relation d’aide, parce que c’est difficile de s’arrêter une fois qu’on met le pied dedans, parce que je ne peux pas ignorer ce que j’ai traversé cet été. Et le marketing ? Je vais continuer, aussi, parce que j’aime ça, bidouiller des WordPress et engager les gens sur Facebook et rédiger du contenu et imaginer des stratégies. Parce que c’est bien beau la masso mais mon corps est pas fait pour tripoter des gens toute la journée, 39h par semaine, que ça draine, et que faut aussi manger. Parce que j’ai autant besoin de contact humain que de faire travailler mon cerveau, parce que rien ne m’empêche de partager mon temps, même si ça se fait pas, de quitter une job à 2500$/mois avec assurances et « responsabilités » pour un métier « manuel » aux revenus incertains.

Je me suis mariée au printemps dernier. Je ne parle pratiquement jamais de « mon mari », parce qu’à part une bague et une porte ouverte pour un visa*, ça ne change pratiquement rien à ma vie quotidienne. On s’aimait, on s’aime toujours ; on voulait faire notre vie ensemble, on le veut toujours; on a un joli appart plein de meubles IKEA ; ça arrive aussi qu’on s’engueule, qu’on doute, qu’on ne sache plus comment être deux. C’est une jolie case pourtant, mari et femme, on dirait qu’on est enfin rangé quelque part pour la famille et l’administration, et pourtant. Là aussi, ça fitte pas dans le cadre, de se marier avec juste ses amis, sans mairie ni robe blanche, un jour pluvieux d’Avril, en gardant son nom de « jeune fille »**. J’ai tendance à penser que le fait que je sois mariée ne regarde que Dany et moi. Mais ça surprend, souvent, ça bouscule les clichés, on essaye de comprendre.

copyright Jessica Boily 2015

Il y a la vie publique, et la vie privée. Dans ma vie « privée », il m’est arrivé à plusieurs reprises de poser comme modèle photo, pour des séances plus ou moins habillées. J’assume parfaitement avoir fait ces photos, elles n’ont rien de « vulgaire », mais pendant longtemps, j’ai utilisé un pseudo pour publier ces clichés, afin de cloisonner mes différentes existences. Mon identité professionnelle, publique, en webmarketing. Mon identité sur les média sociaux, ce blog, Instagram, Twitter, pour lesquels j’ai utilisé un pseudonyme, parce que je fais partie de cette génération qui a grandi sur les chats et les forums, à l’époque où le web social était un minuscule monde noyé d’anonymat. Je ne voulais pas « tout mélanger », parce que ça ferait pas joli sur un CV, mes live-tweets de Top Chef et mes réflexions d’insomnie – et que dire du fait qu’on trouve mes fesses sur les internettes.

Récemment, j’ai repris des cours d’effeuillage burlesque. J’envisage de monter sur scène un jour, j’espère dans pas si longtemps. Montrer mes fesses sur des photos, montrer mes fesses devant audience, qu’est ce que ça change ? J’aimerais, pourquoi pas, développer cette partie artistique au delà du passe-temps, me réaliser dans l’acceptation de mon corps et de ma féminité.

Plus le temps passe, et plus je décloisonne. Plus le temps passe, et plus « j’assume » l’entièreté de mon identité. Je ne suis pas « plusieurs », je suis une. J’ai de nombreux questionnements, bien sûr – comment présenter un CV si éclectique ? Qui voudra embaucher une femme avec deux métiers (et une tendance exhibitionniste) ? Qu’est-ce qui garantit à mon employeur que je ne vais pas lâcher l’un ou l’autre de mes métiers du jour au lendemain ? Où est la « constance » dans mon expérience et mon cheminement ? Comment présenter cette identité entière à mon avantage, et déjouer les éventuels craintes et préjugés qui seraient associées à mon profil ?

Si tout va bien, d’ici quelques semaines, je pourrais à nouveau reprendre une vie « normale », me tasser un peu, recoller les étiquettes, et rentrer dans la case. Si je le souhaite, il me suffirait d’envoyer des CVs joliment arrangés et passer quelques entrevues pour retrouver le chemin sur lequel j’étais en arrivant à Montréal, il y a deux ans. Je sens pourtant qu’il n’y aura plus jamais rien de « normal ». Trop de choses ont changé, profondément, qui m’interdisent de revenir en arrière.

On m’a parfois reproché mon « trop de transparence » ou de « spontanéité », on m’a aussi dit de faire attention, que ça pouvait être une faiblesse. Avec la mentalité Française, dans certains milieux professionnels peut-être ; ici, avec ce que je fais, je ne crois pas. Je souhaite au contraire croire que mon authenticité est un atout, une richesse autant sur le plan professionnel que dans mes relations inter-personnelles. Cela me fermera peut être quelques portes, mais je ne suis plus à ça près. Si on refuse de travailler avec moi parce que je suis moi-même, ça ne m’intéresse pas. Je ne veux pas m’entourer de gens qui se cachent derrière des profils types, qui ont à tout pris besoin de faire rentrer les gens dans des petites cases.

Si tout va bien, d’ici quelques semaines, je pourrais enfin construire ce projet multiple de ma nouvelle vie – devenir travailleuse autonome, partager mon temps (pourquoi pas) entre un emploi à temps partiel dans un spa, des clients à domicile, et des contrats à la pige en web-communication – et peut être, gagner aussi un peu ma vie en montrant mes fesses sur scène et devant l’objectif. Tout est possible. Je l’avoue, j’ai peur, mais j’ai hâte en même temps. Hâte de pouvoir sortir des cartes d’affaires sur lesquelles j’écrirais :

Elodie J. // massothérapeute, stratège-web

Mademoiselle LaNe // performeuse burlesque, modèle photo

 – Femme libre –

copyright Jessica Boily 2015

Photos Jessica Boily, 2015
Notes :
*Contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, le fait de me marier avec un Québécois ne m’apporte pas automatiquement la citoyenneté Canadienne, même en tant que Française la demande de résidence permanente par parrainage (dans mon cas depuis l’extérieur du Canada – je reviendrais peut être là dessus un jour pour les explications) prend de 6 à 8 mois à être traitée. En attendant j’ai un permis visiteur ne m’autorisant ni à travailler ni à bénéficier de couverture santé, mais j’ai pu étudier sur une période courte (inférieure à 6 mois)
**Au Québec, depuis la Révolution Tranquille, c’est absolument normal de garder son nom. Légalement, on a le droit d’utiliser le nom de notre mari/femme comme nom d’usage – par exemple dans un cadre professionnel – mais sur le papier, on conserve son nom de famille original. 
Montréal, Québec · Voyages

le grand écart

Plus d’un an et demi que je n’ai pas mis les pieds en France et je me sens de plus en plus loin de « mon pays ». Le décalage est encore plus flagrant lorsque je parle avec mes amis Français (qui vivent en France), et particulièrement lorsqu’on reçoit de la visite chez nous – je me surprends à corriger les gens sur le fait qu’ici, les gens sont Québécois avant d’être Canadiens, à perdre mes expressions françaises, à ne plus comprendre certaines façon de faire ou de penser, à être susceptible sur les classiques comparatifs « en France, c’est différent ». Plus le temps passe, moins je supporte les « Français du Plateau », l’attitude parfois arrogante de nouveaux arrivants ou de ceux qui, malgré plusieurs mois/années ici, semblent encore agir comme si Montréal était une banlieue lointaine et sympathique de Paris.

Il serait difficile de décrire ce que j’appelle « l’intégration ». Chacun fait son chemin à guise, chacun vit son expérience à sa façon. Je suis malgré tout toujours surprise des Français qui après plusieurs années ici n’ont encore que des amis Français – les mêmes qui semblent dire que les Québécois sont très sympathiques, mais que c’est vraiment compliqué de s’en faire des amis ; les mêmes qui chialent (râlent) indéfiniment sur les différents aspects de la vie ici mais qui vont quand même demander leur citoyenneté canadienne.

Je l’ai déjà écrit, je ne me sens pas ici comme une « expatriée », mais bien comme une immigrante, une nouvelle arrivante qui compte bien faire de ce pays mon futur « chez moi ».

La vérité, c’est que je ne sais plus vraiment où est chez moi. Alors que le Canada est en pleine campagne électorale, je réalise que je ne sais pas comment, en 2017, je vais pouvoir voter – et que d’une certaine façon, j’en sais plus sur les récents scandales politiques de mon pays d’adoption que sur le bordel de la situation socio-economico-politique française. Ne me parlez pas de l’actualité people – je suis perdue sur Twitter, je comprends plus les références, à part celles sur Morano.

Je suis en transit. Quelque part au milieu de l’Océan Atlantique, un pied sur chaque rive, je garde un étrange équilibre. Je suis et je resterai toujours Française, avec une éducation, une mentalité, une culture, un caractère que les Québécois, si amoureux et fascinés par « les Europes » soient-ils, ne comprendront sans doute jamais. Et inversement. Le Québec est une anomalie de l’Amérique du Nord, coincé quelque part entre sa volonté féroce de conserver sa langue, sa culture, sa religion, et pourtant immergé dans une culture Nord-Américaine anglophone, protestante et fondamentalement métissée. On se sentirait vite chez soi, l’accueil est chaleureux, la langue ressemble à notre français, Montréal est belle, joyeuse, attirante, ils sont tellement gentils, nos « cousins » Québécois. Et pourtant, on est ailleurs. Sur un autre continent, dans un autre pays, encore en pleine affirmation de sa personnalité.

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Je pourrais y passer des heures, je ne pourrais jamais expliquer tout ce qu’il y a dans ce pays qui me fascine. La beauté des paysages, immenses. Le rythme violent des saisons qui nourrit chaque année un peu plus nos discussions sur la météo. La richesse et la simplicité des gens. Le respect de l’autre, la tolérance, et le sentiment de liberté qui découle de l’idée que tout est possible, car personne ne se permettra choisir à votre place ce qui est mieux pour vous (sauf si vous avez le malheur d’être musulmane et voilée).

Bientôt 3 ans à Montréal. Je ne me suis jamais faite harceler dans la rue. Je n’ai plus peur depuis longtemps de rentrer seule le soir. Je me promène habillée comme j’en ai envie, sans me faire siffler, sans me faire accoster, sans une main au cul ou un commentaire désobligeant. J’ai des tatouages qui couvrent tout mon dos, et les cheveux mauves depuis 3 mois, et les seules fois où je me suis fait arrêter dans la rue, c’était pour des compliments. Je n’ai pas peur de me faire voler mon téléphone, dans un bar. Il n’y a pas de code pour entrer dans mon immeuble. Je sors dans des soirées où les gens sont costumés, où les garçons portent des jupes car le genre n’a pas d’importance, où on est accueillis par des câlins, où les filles se promènent en pasties (nippies, pour les françaises). Je vis dans une ville où les gens s’excusent quand ils te bousculent, ne poussent pas dans le métro (pas sans avoir dit « pardon »). C’est pas le pays des Bisounours (preuve : ils ont élu Harper), mais c’est doux, et reposant. Et je pense que ça retourne un peu nos habitudes.

Pourtant. Ça me manque, parfois, les débats d’opinion, de pouvoir échanger sans toujours devoir arriver à un consensus, pour le pur plaisir de la rhétorique. Ça me manque la densité, la variété, les odeurs et les couleurs de Marseille ou Paris. Ça me manque l’accent du Sud, la mer, les montagnes, le bruit des cigales, l’été. Ça me manque de pas toujours comprendre ce qu’on me dit, parce que j’ai beau être devenue fluent en Québécois des villes, j’en apprends encore tous les jours. Ça me manque de prendre le TGV, d’être dans un autre pays en 1h d’avion, le vin pas cher, les rayons de produits laitiers du Monoprix ou du Géant Casino, les recettes en grammes et pas en « cup », la lingerie cheap et sexy, les millions d’enseignes de magasins de fringues et de chaussures, et même de déco, rentrer à pieds parce que tout est à côté, voir la Tour Eiffel scintiller à minuit.

Je n’échangerai ma vie ici pour rien au monde, et surtout pas pour mon ancienne vie parisienne. C’est un mal différent qui m’a prise ces derniers mois. Un mal de mes racines. Je n’appartiens plus à  là d’où je viens, et je ne suis pas encore ici vraiment chez moi – je ne le serai sans doute jamais complètement.

J’appréhende mon voyage en France en Décembre comme la claque que je risque de prendre. J’appréhende ce décalage de trois ans d’absence, de mon intégration québécoise, des changements de route, de revoir ces paysages familiers au travers d’un regard différent.

Intime & Réflexions

ailleurs

« Je vais mieux ». Je l’ai écrit sur mon Facebook la semaine dernière, mais je vais le réécrire ici à nouveau, parce que, c’est important.

Je vais mieux, comme on revient d’un long voyage, comme un départ qu’on avait pas vraiment choisi, comme le temps de réaliser qu’on s’était perdue, ailleurs, et beaucoup trop loin pour réussir à revenir.

Je suis heureux/se de te retrouver. C’est ce que plusieurs personnes proches m’ont dit, ces derniers temps. Moi aussi, je suis heureuse de me retrouver. Moi aussi je suis heureuse d’être à nouveau moi-même. Moi aussi, je suis soulagée de revenir a la réalité, de retrouver mes réactions, mon self-control, ma patience, mon sommeil. Mon corps, mes envies, ma motivation, mon optimisme, mon caractère un peu plus facile à vivre. Je redeviens fréquentable…

Ailleurs, mais t’étais partie où ? Burn-out, dépression, anxiété généralisée, le terme m’échappe et je m’en fous. Au moment où je m’en suis rendue compte – vraiment, ce moment où je touchais violemment le fond – je crois qu’il était déjà trop tard pour prévenir. Il a fallu guérir. À la manière forte – après avoir frappé dans un mur et griffé ma peau à l’issue d’une crise d’angoisse de 4h, j’ai fini par céder. Anxiolytiques, pour asséner un dernier coup, enfin trouver de quoi redonner un peu de volonté de me relever.

Ce qui s’est passé après n’a pas vraiment d’importance, du moins je ne le comprends pas tout à fait. J’ai tenté de surnager dans l’attente en me bourrant de girl-scout-cookie et de 5-HTP, de ne pas complètement disparaître sous les coups des remarques qui blessent, celles qui disent « t’es chiante », « fais attention à la façon dont tu t’adresses aux autres », et « il va pas te supporter longtemps si tu continues comme ça », celles qui ont l’air de faire abstraction de tous les efforts que tu tentes de faire pour ne pas t’effondrer, confronter la sociabilisation avec d’autres gens, affronter la peur d’être seule – et les angoisses omniprésentes que les « ça va aller » ne suffisent plus à calmer. Mais tant pis, on demande pas aux autres de comprendre, juste de savoir se taire, parfois, juste de ne pas juger. J’ai eu assez honte de mon attitude, suffisamment envie de sauter du ponton, ou prendre un billet aller simple pour retrouver les bras de ma maman, et arrêter d’être ce poids désagréable et encombrant. Il y a eu ces jours où je ne supportais plus cette simple question, « ça va », parce que j’étais pas capable de répondre, parce que je savais plus rien, parce que non ça va pas mais à quoi bon en parler, et répondre le contraire serait mentir à la face de ceux que j’aime.

En tous cas.

La réponse est arrivée. J’avais envie de pleurer, et puis non, j’étais en plein massage, je devais me tenir, alors j’ai fait comme je fais toujours, j’ai ravalé mes émotions. J’ai pas réussi à être heureuse pour vrai, tu sais, je suis tombée sur un post sur Portraits de Montréal de cette fille qui disait qu’elle s’était tellement préparée à être déçue qu’elle a pas réussi à être heureuse quand elle a reçu un « oui ». J’en étais là, je crois, tellement loin dans mon angoisse du rejet, à me dire qu’une fois de plus je serai pas capable, que j’avais plus la force de faire face à nouveau, que j’avais oublié l’idée que ça pouvait être un oui – et me redonner le courage d’aller mieux.

Et puis, doucement, c’est allé mieux. J’ai retrouvé le goût d’être sociable, l’envie de rire, le contrôle de mes émotions. Ça a pas été instantané, loin de là, ça fait deux semaines que j’avance à petits pas, oubliant peu à peu la peur de retomber. C’est loin d’être fini : ces mois bien profonds ont fait ressortir des choses que je ne peux pas juste enterrer et ignorer – il semble à ce sujet que ma capacité d’absorber les coups n’est pas illimitée ; et puis il y a eu tellement de changements, de nouvelles expériences, de découvertes que je dois maintenant traiter, analyser, transformer, pour savoir où je m’en vais avec tout ça.

Je vais mieux. Je reviens d’un long voyage, avec un courrier d’Immigration Canada qui dit « GO » pour procéder à ma demande de résidence permanente par parrainage. Un GO qui m’ouvre finalement le chemin que j’essaye de rejoindre depuis des années. Un GO qui me dit enfin, ça y est, ce pays veut bien m’adopter, que dans quelques mois si tout va bien j’aurais ce f*cking visa, je pourrais bientôt dire chez moi, et faire des projets. Un GO pour clore enfin les peurs et les doutes, et révéler tout l’amour qu’il y a derrière ça.

To be continued…

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Intime & Réflexions

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(c) Jessica Boily – abortedbeginnings.tumblr.com

Il y aura eu les nuits en pointillés, saccadées par les réveils au moindre bruit, les douleurs fantômes, l’engourdissement de tous mes membres, un par un. La chaleur aussi, et puis les « impatiences ». Les étirements qui ne font plus rien. Le chat qui miaule. L’autre chat. Le bruit de la rue. Le ventilateur. Un mouvement quelconque. Alors on se lève, on marche, on sort sur le balcon prendre l’air. J’étouffe. Je suis si fatiguée. Je voudrais seulement dormir. S’étendre sur le canapé, faute de se battre avec les draps humides. Se recoucher. Jusqu’au prochain réveil. Une heure après. Et ainsi de suite.

Il y aura eu les douleurs. Trapèzes, supérieur, moyen, rhomboïdes, gauche droite, longissimus, carré des lombes, et le pourtour de la crête iliaque. Deltoïde, biceps, triceps, brachio-radial, fléchisseurs, extenseurs, quelque part sur l’éminence du pouce, et ce point entre les métacarpes. Grand fessier, pour varier un peu, moyen et petit sûrement, le psoas trop tendu, quadriceps, ma préférée – la bandelette (ou : tenseur ilio-tibial) et son antagoniste couturier, le sartorius. Ça ne finit plus, tension sur le mollet, les « jumeaux » gastroc, et puis pour finir, l’illusion de tendinite sur le tendon distal du soléaire qu’on assomme à coup d’ice-pack et de Voltarène.

Je les ai nommés, tous, chacun leur tour, accompagnant mon apprentissage cinétique. J’ai senti mon petit pec se détendre sous la pression de mon kiné, mes SCOMs et mes scalènes tous pognés de ne plus savoir respirer, cette saloperie de diaphragme, aussi. Les muscles du stress, on m’a dit. ahah. Chez l’ostéo, on m’a fait craquer les vertèbres, cervicales C1-C7, dorsales D1-D12. Je les compte en autant de claquements, symphonie vertébrale. On a laissé mes lombaires tranquilles. C’était le foie, ou la vésicule biliaire – selon de quel côté du globe on prend la médecine ; et puis ces migraines, l’intolérance à l’alcool, et ces crises de larmes, et la difficulté à dormir, depuis des mois. Yoga thaï, shiastu, viscéral, cranio, fascia, suédois tous les jours, jusqu’à ne plus supporter aucun contact, aucune pression. Test de grossesse, hyperthyroïdie, intolérances alimentaires, manque de minéraux, whatever.

J’ai tenté de reprendre le contrôle. J’ai peint mes cheveux en licorne. J’ai fait beaucoup de ménage, et de rangement. J’ai eu 29 ans, et j’ai commencé à vraiment paniquer.

À un moment, quelque part entre septembre et juillet, j’ai cessé d’avoir mal. J’ai recommencé à dormir. Je reprends possession de mon corps, petit à petit – j’essaye, je dirai.

Je n’ai pas réussi à cesser de pleurer.

Il y a les crises. Les larmes, sans raison. Les colères, les sautes d’humeur, la lassitude, l’envie de ne voir personne, l’envie de mordre tout le monde, et qu’on me laisse tranquille, et qu’on ne me touche plus, je ne veux plus parler de moi, ni écouter les autres, je ne sais plus qui est mon corps, cet inconnu qui m’empêche de vivre, non je ne suis pas enceinte, merci, les up&downs, s’énerver pour un rien, pleurer, encore. Je ne suis pas triste, j’ai juste les yeux qui se mouillent quand on appuie un peu fort sur mon corps, quand la musique de relaxation n’est pas relaxante, quand la vaisselle traîne, quand je suis fatiguée, contrariée, angoissée. Je suis fatiguée tout le temps et contrariée par un rien. Coucou, l’anxiété, on se connaissait pas encore. J’ai à nouveau peur du noir.

Je ne me reconnais plus. Je ne sais plus qui je suis.

J’ai écouté le cri d’alarme de mon corps qui ne pouvait plus rien absorber, enterrer, oublier – encore, le trop plein, la somatisation de deux années, ou trois, c’est selon. La façade a explosé, plus rien ne me retient, il n’y a plus de sas de sécurité, c’est là, for real. J’attends sans aucune patience le prochain verdict. En silence. Sans bruit. Sans savoir si – ce si qui signifie refus – cette fois encore, j’aurais de quoi surmonter, relancer, trouver des solutions, repartir. Avec l’angoisse sourde et violente de ne plus avoir de garde-fou, l’angoisse de l’attente, l’angoisse de devoir – une énième fois – tout remettre en question.

J’attends. Je survis, quelque part dans une zone de tri, une boite de Shrödinger, un limbo de patience – ni morte, ni vivante. Ni là, ni ailleurs. En suspend.

On a beau s’accrocher aux possibles, aux optimismes, aux ficelles invisibles qui nous ont fait tenir debout tout le long, on est toujours seul face à soi-même. On a beau rationaliser sa vie, faire des statements, ériger ses valeurs comme des mantras sur lesquels on veut s’appuyer, et RE-LA-TI-VI-SER (quel bullshit ce mot), parfois, le réel – l’émotion, le dedans, le soi – vient foutre le bordel, parce que c’est comme ça.

Je sais bien. J’y arrive plus. Si je bouge, tout s’effondre. Alors je ne bouge plus.

La seule chose que je sais, c’est que je ne sais plus rien.

Montréal, Québec · Voyages

immigrante

immigration-clandestine(photo)

Quand j’étais à l’école, en cours d’histoire-géo, on a appris la différence entre émigrer et immigrer. Émigrer : quitter son pays. Immigrer : arriver dans un nouveau pays. On notait les flux migratoires avec des grosses flèches de couleurs, et on apprenait l’histoire de tous ces peuples qui s’étaient baladés d’un continent à l’autre. Plus tard, j’ai étudié l’histoire des États-Unis, les différentes couches de population européennes, le commerce triangulaire, et l’hispanisation de cet immense pays via cette frontière poreuse avec le Mexique.

Pendant des années, en France, j’ai entendu parler de l’immigration. Des immigrants, ces méchants étrangers qui volaient le travail des gentils Français. L’immigration, avec la question de l’intégration, les plombiers polonais, les musulmans, et les discours radicalisés. La question des sans-papiers, des sans-abris, les arrestations, les extraditions. Les migrants qui traversaient la Méditerranée au péril de leur vie pour s’installer en France, ce pays où ils vivaient avec presque rien et trouvaient malgré tout de quoi pour envoyer une partie à leur famille, là-bas, en Afrique.

J’ai grandi à quelques kilomètres de Marseille. Dans ma classe il y avait Annaëlle, qui parlait Espagnol dans sa famille et qui avait une maison en Catalogne. Il y avait Idriss et Yanis, les beaux gosses à la peau bronzée. Il y avait Thomas, dont j’ai appris plus tard qu’il était juif et petit-fils de déportés polonais. Il y avait Maëva, métisse d’une maman vietnamienne, et d’un père espagnol. Et Myriam, qui faisait du scoutisme avec moi. Plus tard, j’ai travaillé avec Farah, qui rentrait au bled pendant les vacances. Malanto, au nom de famille imprononçable, dont on aimait à dire pour l’embêter qu’elle venait de Malgachie. Pelin, Turque. Dounia, Marocaine. Joseph, Libanais catholique dont la barbe et les cheveux l’auraient aisément fait passer pour un terroriste (ou, dans d’autres temps, un révolutionnaire Cubain). J’ai grandi au milieu de tous ces noms Italiens qui ne m’ont jamais semblé plus étrangers que les Espagnols, Arabes, Portugais, Asiatiques, Europe de l’Est, Juifs, et autres. Je n’ai réalisé le métissage dans lequel j’évoluais qu’en voyageant – l’Allemagne d’abord, puis  le reste de l’Europe, et bien sûr, le Québec. Ma mère s’appelait Venturini. Elle a du sang Italien, et Belge. Mon père est Français, de l’Est de la France – ce coin qui a changé de langue et de nationalité un bon nombre de fois au siècle dernier. J’ai fait des études où m’a parlé de la mondialisation, où on m’a formée à travailler dans un contexte multi-national, j’ai étudié en Allemagne, et c’était normal, et mes amis sont partis faire des stages au Panama, au Pérou, à Londres, en Chine.

Pour moi, l’immigration, c’était ces migrants d’Afrique qui se dépensaient toutes leurs économies pour traverser le détroit de Gibraltar dans un canot de sauvetage en espérant trouver une vie meilleure. Pour moi, les étrangers, c’étaient ceux qui ne parlaient pas ma langue, qui n’avaient pas ma culture. C’étaient pas mes camarades de classe, mes collègues de travail, ou mes voisins.

Et puis je suis partie. J’ai Émigré depuis la France pour Immigrer au Canada.

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Quand tu pars, dans ces conditions – faire un PVT sur un coup de tête, pour t’installer dans un pays occidental, aisé, où on parle français et anglais – à aucun moment tu t’imagines comme ces migrants entassés dans un camion avec un sac et un jean pour tout bagage. Quand t’arrives au Québec (à Montréal), on t’accueille les bras ouverts. Bienvenue ! te dit le douanier. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, on est là, dit la dame d’Emploi Canada qui te donne ton NAS (numéro d’assurance sociale – requis pour travailler). On réalise pourtant bien qu’en effet, malgré une langue à peu près commune, et une certaine culture partagée, on est dans un autre pays, à l’étranger. Et c’est normal, après tout – on a traversé l’Atlantique, on a beau partager quelques ancêtres (ces fous qui avaient décidé de quitter leur Normandie humide pour ce pays gelé la moitié de l’année), on est loin d’être en France. Et c’est bien.

Doucement, on s’acclimate. On découvre, on apprivoise. Ya plein de Français, ici, et le Québec voue une forme d’amour-haine au Vieux Continent, alors on se sent à la fois chez soi, et pas trop dépaysés, et à la fois dans une nouvelle vie. C’est grisant. On découvre cette terre d’immigration, à Montréal, ces quartiers multi-ethniques, où Latinos, Italiens, Vietnamiens, Maghrebins, Indiens et Haïtiens se côtoient. On discute avec les chauffeurs de taxi qui racontent que là bas (ie en Haïti ou au Maghreb), ils étaient profs, médecins, ingénieurs. Que ça prend 6 ans, d’avoir une résidence permanente. Qu’ils avaient jamais posé le pied ici avant, qu’ils ont tout quitté là bas, qu’ils ne sont pas rentrés depuis.

On se trouve chanceux, à ce moment, d’être Française. De parler cette belle langue, d’avoir des diplômes reconnus ici, et des facilités pour avoir un visa, et trouver du boulot. On dit à nos amis « venez, c’est cool ici, c’est simple de venir s’installer ».

Puis les galères avec l’immigration commencent. En 2 ans, j’ai cumulé des « malchances », des décisions qui m’ont semblé très arbitraires et qui m’ont amenées récemment à perdre un boulot qui me plaisait, et pour lequel j’étais pourtant qualifiée. Je ne rentrerai pas dans les détails, ça n’est pas le but de ce billet. Deux ans après être arrivée au Québec, et malgré un « plan de match » bien planifié au départ (je vois souvent des gens qui, arrivés à la fin de leur visa, commencent à se poser la question de comment rester – ce n’est pas mon cas), je n’ai toujours pas de statut permanent ici – et en fait je n’ai pas vraiment de statut tout court.

Ces derniers mois, j’ai passé beaucoup de temps à évaluer les différentes options, parcourir le site de Citoyenneté Immigration Canada, les forums, etc. Le fait est que des décrets sont passés, des changements ont été mis en place, les délais de traitement des dossiers sont devenus extrêmement longs par rapport à quelques années en arrière. Parallèlement à ça, le Canada et le Québec traversent comme le reste du monde une « crise » économique, et des mesures d’austérité sont mises en place. Qui dit austérité dit coupes de personnel, ce qui peut expliquer l’augmentation des délais de traitement et la complexification des critères – pour limiter les demandes peut être. Des discours émergent ça et là, particulièrement au Québec, reprochant doucement à l’immigration son influence sur la situation socio-politique (notamment par rapport à la souveraineté du Québec). Réaction humaine face à l’adversité, et similaire à ce qu’on observe depuis un moment en France : on pointe du doigt les étrangers. Ici, pourtant, l’immigration est choisie, quantifiée, qualifiée. Ici pourtant, la tolérance est une réalité. Mais on a peur.

Ces dernières semaines, malgré 2 ans ici, malgré ma volonté d’intégration (que je pense réussie, même si j’apprends tous les jours et que je me sens toujours Française, je pense faire ce qu’il faut pour m’adapter à la culture et la mentalité Québécoise), malgré un accueil toujours chaleureux et des bras grands ouverts, malgré la possibilité de trouver du travail, je me sens comme une immigrante – dans le sens péjoratif qu’on donne en France. Je n’ai aucune possibilité d’influer sur ce qui décidera de ma situation ici. Je n’ai pas le droit de vote. Je n’ai pas la possibilité de contacter directement les bureaux d’immigration – seulement envoyer des dossiers. Je dois attendre. Attendre sans avoir le droit de travailler, sans couverture santé, sans savoir combien de temps ça prendra pour régulariser ma situation – et sans pouvoir quitter le Canada, sous réserve de prendre le risque qu’on me refuse de rentrer à nouveau.

Autour de moi, plusieurs personnes sont dans des cas similaires – complications par rapport à leurs demandes, délais de traitements indécents, changements au niveau des conditions pour obtenir un permis de travail qui compliquent leurs recherches… Entre Français, on en parle, on sait, mais la plupart des Québécois ne comprennent pas. Tu as un boulot, tu es qualifiée, tu parles français, alors pourquoi ?

quebequisationphoto Urbania

Je n’ai pas de réponse, je ne veux pas chercher à comprendre. Mais je veux rester. Le pire, c’est que notre situation de Français immigrants au Canada est relativement enviable par rapport à la plupart des situations d’immigration dans le monde (je ne parle même pas de la France…). Certains s’accrochent. D’autres doutent. Comment aimer un pays qui nous met des bâtons dans les roues ?

J’ai le « malheur » d’être tombée en amour avec le Québec. Avec ses gens. Sa météo. Sa culture. Avec ce barbu Québécois. Avec Montréal. Il va falloir plus que ça pour me décourager de rester, mais j’aurais aimé que le chemin soit plus facile.

Je voulais simplement témoigner de mon expérience – oui, le Canada est une terre d’accueil, mais ce n’est pas l’Eldorado que la télé française nous décrit. Avoir un permis de travail temporaire est – sur le papier – facile, mais ne garantit rien par la suite. Être francophone ne donne finalement que peu d’avantages, à moins d’avoir un métier très en demande ici (ingénieurs, développeurs, réseau, infirmiers, médecin). Et surtout, on reste des immigrants. Des étrangers. En sursis.

Je rêve d’un monde sans frontières – celui dans lequel j’ai grandi -, je rêve de n’avoir à justifier mon envie de vivre ici que par l’amour que je porte à ce pays, même si je n’oublie pas d’où je viens. Je rêve du jour où j’aurais enfin la reconnaissance légale, et la liberté à durée indéterminée de me sentir pour de bon chez moi.

Intime & Réflexions

and so it is (meant to be)

charlevoix-2La vie c’est comme une boite de chocolats.

J’en aurais plein, des phrases toutes faites qui veulent tout et surtout rien dire, des citations à la con sur comment on trouve le bonheur, et let it go – ta gueule – parce que carpe diem. Ya des mecs qui ont écrit des livres sur comment on voyage pour se trouver soi-même, et pour réaliser finalement qu’on est bien dans son jardin, sous son arbre, whatever. Je suis pas philosophe, ni écrivain, ni ce genre de fille qui poste sur son mur Facebook des quotes inspirées pour faire semblant qu’elles ont trouvé une solution à la vie. J’ai pas de solution. Ya pourtant quelque chose que je peux dire, et tant pis si ça sonne quétaine – comme ce genre de vérité évidente qu’on t’assène dans les bouquins de développement personnel : le bonheur il est pas toujours là où tu l’attends ; ça fait parfois du bien de sortir de sa zone de confort pour se (re)trouver ; et enfin, une fois que t’es sorti du chemin tout tracé, ça peut vite devenir hors de contrôle – alors accroche-toi.

Tu sais pas dire quand tout a basculé – la vérité c’est que ça « bascule » pas d’un coup – on vous ment dans les films et les histoires. Dans la vraie vie, c’est comme un glissement imperceptible. Ce moment où tu sors du tout-tracé, et ça a l’air cool, et facile, et évident. T’avances, un pas, deux, jusqu’à t’enfoncer jusqu’au cou dans cette nouvelle expérience, en croyant encore contrôler la dérive, persuadé qu’au bout, ya une sortie facile.

Sauf que c’est pas comme ça. L’objectif, il change pas, mais c’est les étapes pour y arriver qui commencent à faillir. Ça commence par un premier choc, puis un deuxième, mais tu comprends pas encore ce qui t’arrive – parce que ça n’a aucun sens, aucune logique, ça ne peut pas se produire. Puis tu tombes, une fois, tu te relèves, tu avances à tâtons jusqu’à la prochaine passerelle, tu penses que c’est bon t’es sorti d’affaire là, tu vas rejoindre ce chemin que tu voulais prendre, mais non, ça ne tenait pas assez fort, ça s’effondre sous tes pieds. Alors tu repars, t’embarque sur une autre, comme un plan B, puis C, puis tu vois à chaque fois cette lumière, ton objectif qui se rapproche, et puis le mur. À nouveau. Et puis surtout, tu peux plus revenir en arrière.

Plusieurs personnes m’ont dit, à ta place, je sais pas ce que j’aurais fait. J’aurais abandonné, sûrement. T’as du courage.

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Je sais pas si j’ai du courage, je sais pas non plus toujours si je sais ce que je fais. Ya quelque chose en moi de l’ordre de la rage, de la volonté obstinée d’atteindre cet objectif, de pouvoir enfin souffler. Ya quelque chose qui me pousse en dedans, peut être aussi une forme de déni, mais dans le fond je veux y arriver, parce que ça ne peut pas être autrement. Alors j’emprunte une passerelle, puis une autre, puis la suivante, jusqu’à qu’on y arrive. Pendant ce temps ya des milliers de choses qui se passent en moi, qui bougent, mûrissent, explosent. Ya ce désir immense d’être là, d’arriver au bout.  Ya toute cette énergie qui me mobilise, ya tout cet amour qui m’inonde et cette bienveillance, et tout ce que j’ai le goût de donner en retour. Et c’est merveilleux.

Ya pas de moment où tout bascule. C’est faux. Ya des portes qui s’ouvrent, d’autres qui se ferment, des chemins à prendre, beaucoup de choses qu’on peut pas contrôler. Puis ya le reste. Ya ce qu’on croyait être des certitudes qui volent en éclats, et qui laissent la place à une réalité, une vérité, une évidence si claire et si concrète qu’on peut juste pas la nier. On désapprend la peur. On réévalue notre approche de la vie. On accepte l’injuste, l’irrationnel, la part de semi-hasard sur laquelle on n’a pas de prise.

Un jour, tu décides de sortir du chemin tout tracé, puis si t’oses et que tu pousses un peu ta chance, ça peut aller loin. Ta vie, ça devient ce gros labyrinthe, ce manège incessant, ça secoue dans les coins mais au centre, ça rend juste encore plus évidentes tes certitudes. Tu exploses pour mieux te reconstruire. Tu rejettes pour mieux ré-apprivoiser. Tu croyais savoir et tu sais plus rien, et puis à nouveau, tu sais.

Ya pas de destin, mais des milliers d’épiphanies. Ya ce chemin sinueux, tortueux, et tout ce bonheur à côté. Puis ya ce soir où tu te retrouves à magasiner des anneaux d’argent, et à vouloir y graver des mots d’enfants, des mots d’amour, des mots dont personne ne peut garantir qu’ils seront pour la vie, mais c’est pas ce qui compte. À ce moment précis, c’est simplement ce qui semble être la chose la plus évidente à faire – parce que quelque part, après avoir oublié la peur, après avoir occis les doutes, on peut enfin accepter l’idée d’être adultes. Parce que quelque part dans cette tourmente, il y a une île, un port, une ancre. Parce qu’on veut croire que ces mots là dureront toujours.

– and so it is  (meant to be).

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Montréal, Québec

une déclaration

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Bon anniversaire, toi. Je sais pas si tu sais, mais cette semaine ça fait un an qu’on est ensemble. Un an que tu fais partie de ma vie, un an qu’on partage notre quotidien, les bons moments, les petits tracas, et puis… j’aime vraiment ça.

Oh ça a pas toujours été facile, et en ce moment faut avouer qu’on est dans une situation pas facile. C’est que ça a l’air qu’ils m’aident pas à rester, les services administratifs. C’est pas drôle, non, moi je veux pas te quitter. J’ai la sensation que c’est juste le début de notre histoire, qu’on a encore tellement à vivre, à partager, et je suis pas prête à ce que ça se termine maintenant.

Faut que je t’avoue un truc. Je suis tombée en amour. En amour avec toi. Je crois pas que ça date de notre première rencontre, on peut pas dire que ça a été un coup de foudre. Tout le monde m’avait parlé de toi et de tes charmes, et c’est vrai que j’ai aimé ça quand je t’ai vue. C’était joli, c’était doux, c’était les vacances. Puis t’es devenue un fantasme, de ceux à qui on pense tous les jours et qu’on rêve de te retrouver. Alors c’est vrai que quand c’est arrivé, j’ai été vraiment émue – mais t’avais perdu le statut de fantasme pour devenir ma réalité. Le reste, ça a pris un peu plus de temps. Le temps de te découvrir, de t’apprivoiser. Les expériences et les souvenirs que je me suis créés dans tes bras. Les rencontres, que tu m’as permis de faire, aussi.

C’est vrai aussi que j’ai beaucoup changé depuis toi. J’ai l’impression d’avoir grandi, tout en gardant mon âme de petite fille. T’as eu une bonne influence, je trouve, je fais plus attention à ce que je consomme, je me suis sensibilisée au végétarisme (même si tu m’as révélé une passion pour les burgers qui rend l’application difficile), j’achète du local et du bio. Je suis plus zen, aussi, j’ai (presque) oublié le stress, la face bête des gens à Paris, je me suis réhabituée aux bonjour, excusez moi, merci, j’ai plus peur de rentrer toute seule dans la rue le soir. Je suis plus tolérante, plus ouverte d’esprit, je crois. Tu m’apaises. Tu me rends heureuse. Avec toi, je me sens libre.

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