Montréal, 16h30. Une cuisine, deux chats, une assiette remplie de muffins encore chauds de leur sortie du four. Assise à cette table, une fille pas vraiment coiffée, qui traîne en semi pyjama. Dehors, il s’est arrêté de neiger.
Il y a 6 mois, lorsque j’ai pris ce TGV pour Paris, le ventre vide de la violence des jours précédents et la tête pleine de tout ce qu’il fallait décider sans trop comprendre les conséquences, je n’imaginais pas où je serai six mois plus tard. Je n’imaginais pas qu’une décision prise quasiment sur un coup de tête en discutant avec mes amis me mènerait là. Que j’irai jusqu’au bout des choses, pour une fois dans ma vie. Six mois, c’est long, c’est rien, c’est des kilomètres d’heures, puis de jours, et de semaines, qui nous éloignent petit à petit de la douleur et de la tristesse; qui nous obligent à marcher, chaque pas derrière l’autre, parce qu’on n’a pas d’autre choix que d’avancer – le temps est plus fort, toujours; c’est des moments de doutes, des hauts, des bas, des larmes qui trahissent parfois la peur, au milieu de la nuit, des sourires qu’on conserve pour les amis, la famille, les étrangers, avec toute la force qu’on est capable d’y mettre pour se faire croire à soi aussi qu’on va bien; ces raisons qu’on découvre à chaque fois qu’on explique, pourquoi, comment, cette séparation, ce départ; pour se convaincre soi même autant sinon peut être plus que les autres, pour construire ce projet, qu’il ait un sens, une âme, et qu’il ne soit pas seulement une fuite.
Partir, laisser ses meubles, ses affaires, ses fringues, sa vie derrière soi, monter dans un avion pour aller s’installer de l’autre côté, si loin des souvenirs, c’est une fuite. Si visible qu’on ne peut pas nier l’évidence; simplement se trouver d’autres raisons de se construire autrement. Il y a bien sûr eu ces moments où tout semble irréel, où on ne voit plus le bout, cette lumière floue au bout du tunnel à laquelle on s’accroche pourtant. Il y a les moments de doute, où on se demande si c’est vraiment la solution, si ce n’est pas juste un moyen de voiler la réalité sous un joli dessein. Les heures où on se dit qu’on doit pas tourner rond, pour abandonner derrière soi plus qu’une personne, une vie, ce qu’on a mis des années à construire, seule, puis à deux, cette vie dont on pensé avoir toujours voulu, et finalement non.