Intime & Réflexions

les cicatrices invisibles

tatouage-la-gueuseJ’avais dix-huit ans, la première fois. J’avais dix-huit ans, et en moi comme un besoin, une évidence, marquer ma peau pour tracer cette cicatrice invisible, dessiner la trace d’une blessure intérieure, un secret bien enfoui. J’avais dix-huit ans, et c’était un oiseau, pas parce que c’est joli, non, parce que Swallow. Parce qu’Ello, avec deux ailes, parce que je voulais jamais oublier, pour cautériser enfin la plaie de cette adolescence brûlante et douloureuse.

Une hirondelle.

J’ai mis huit ans, pour la seconde fois. Huit ans pour savoir qui j’étais. Huit ans pour ressentir à nouveau l’évidence, le besoin, et savoir, précisément, ce que je voulais. C’était en Septembre et on venait de se dire au revoir, et j’avais décidé de tout quitter pour revivre ailleurs. Ça faisait mal, peut être un peu moins que toutes ces fois où on s’était blessés toutes ces années, plus ou moins sans le vouloir, lorsque j’ai soudain pris conscience. Depuis toute petite, cette phrase qui tourne et vire dans ma tête, depuis toute petite cette histoire si belle, si poétique, et ce passage – peut être pas le plus connu, peut être pas celui que tout le monde aurait choisi. La citation n’est pas exacte, mais c’était comme ça qu’elle était gravée en moi, avec la voix de Gérard Philippe et ce petit garçon. Et puis des lignes. Des lignes pour marquer l’évolution, de cette adolescente torturée, blessée, de ce que j’étais, à ce que je suis, à ce que je serai. Des lignes, parce que huit ans pour m’épanouir, parce l’hirondelle avait pris son envol, parce que, enfin, je décidais d’être libre.

Et les épines, à quoi servent-elles ?

Montréal. Des rencontres. La liberté. L’équilibre. Montréal, ces personnes dont on croise le chemin et qui nous font prendre conscience de ce qu’on est au fond, ce dont on a besoin, ce qu’on cherche au mauvais endroit depuis si longtemps. Une évidence à nouveau, une ligne, pour la continuité, droite pour l’équilibre, graduée car on continue, toujours, à grandir, et surtout, près du coeur.

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Et puis le dernier. Je ne voulais représenter que l’abstrait, un concept, un flirt avec quelque chose d’extrêmement intime. Expliquer ce sens là, c’est difficile, dire que oui, c’est du bonheur, c’est cesser de se poser des questions, se sentir libre, exister dans l’abandon. Des lignes griffonnées, un enchevêtrement de fils qui se délient, la nuque – je ne me suis plus cachée.

Lâcher-prise.

C’est des rencontres. Celle qui à Bordeaux m’a comprise, et a mis sur ma peau la couleur qui m’imprime, les gribouillis qu’on prend pour ce qu’on veut, les lignes. Le dessin s’est créé de lui même, sur les formes de mon corps, la courbe d’une épaule. C’est cette autre, qui a trouvé comment intégrer un nombre pour ne le rendre visible qu’à ceux qui savent lire au travers. C’est ce récent coup de coeur pour une artiste au trait si délicat, la légèreté de ses dessins pourtant si complexes. Porter une pièce d’art, au delà du symbole.

J’ai eu mal, parfois plus que d’autres, à me demander pourquoi je faisais ça – à nouveau. J’ai eu mal, mais une blessure ne s’appellerait pas comme ça si elle faisait du bien, j’ai souffert comme un rite de passage, le temps d’y penser, de me remémorer pourquoi, que la douleur imprègne ma peau et et que mon corps l’accepte, l’accueille, l’absorbe.tatouage-nuqueTout doucement ces cicatrices sont devenues miennes. À chaque fois plus rapidement, oubliées dans les quelques heures qui suivent, simplement rappelées à mon souvenir par le grain de la peau, différent, et ces regards qui m’arrêtent parfois – c’est un vrai ? J’ai absorbé ces cicatrices, tracées entre mes grains de beauté, j’ai fait mienne les dessins sur ma peau comme on enfile son jean fétiche. Je ne suis plus surprise, chaque matin, de me trouver ainsi, nue, mais habillée. C’est tribal, c’est symbolique, c’est esthétique, c’est ma peau, ça fait partie de moi. Mon identité illustrée graphique, on aime ou on n’aime pas, ça n’a pas d’importance, et je n’ai pas souvent de réponse à la question « c’est quoi ».

Des cicatrices invisibles. Une trace de mon histoire. Des morceaux de moi.

Je suis tatouée. Je suis marquée, par la vie, par le temps qui passe, par l’expérience, les découvertes, les voyages, par ce que j’ai vécu et qui font ce que je suis. Désormais, ces cicatrices ne sont plus invisibles. Et au travers d’elles, je respire un peu mieux.

 

 photos: Oognip, LDumasV, Dany. 
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le vent nous portera (encore)

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Cet été aura duré deux ans, up and downs, les amis, les soirées, le soleil, les chalets, et aussi la pluie, cette semaine d’automne en avance qui plombe le moral et renfile jeans et bottes. Les soucis, parce qu’on réalise qu’il faut repartir à nouveau en recherche de boulot, parce que le compte en banque se vide plus vite qu’il ne se remplit. Et le manque, implacable, celui qu’on a pas vu venir, celui qui te coupe les jambes et te bouffe toute envie de bouger, manger, dormir. Les nuits à tourner. Les larmes qui montent parfois. Le goût de rien.

Et puis on y est. On a beau en avoir parlé, avoir imaginé ce moment, 10 fois, 100 fois, on sait pas trop bien ce qui va se passer, finalement. Ya cette jolie robe qu’on porte pratiquement jamais, même s’il fait bien trop froid pour la saison. Ya un hall d’aéroport, rempli de monde qui se retrouve, qui attend aussi, beaucoup, fucking série noire ou retour de vacances, la moitié des vols est annoncée comme retardé. Ya ces pas qu’on fait d’un bout à l’autre, le ventre qui se serre, le coeur qui bat trop vite, l’ascenseur émotionnel qui appuie sur tous les boutons, ça monte et ça descend, on sait plus trop où se poser. Les minutes trop longues, les messages, et puis.

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Ya plus de mots, à un moment, on a juste nos yeux et nos bouches et nos mains, et le goût que ça s’arrête plus jamais. Ya rien à dire, on a trop parlé, il faut vivre. Alors on est partis, un peu plus loin au Nord, pour retrouver le goût du sel et du vent dans nos cheveux. Quelques jours pour oublier, oublier cet été trop long, oublier l’automne qui s’en vient avec ses obligations, ses responsabilités, son stress. On y pensera plus tard. Là, on veut du présent. On veut être seuls au monde parce que c’est comme ça. Loin pour faire chier personne avec des sourires niais sur nos faces et le besoin constant de se toucher pour se dire c’est bon, t’es là, pour vrai, on se sépare plus, promis. Avoir à nouveau 17 ans.

C’était beau, le Saint-Laurent. On dirait presque la mer, tu sais, l’odeur de l’iode, je t’en avais parlé. On se croirait un peu en Bretagne, sur cette île venteuse, de gros cailloux d’ardoise qui descendent jusque dans l’eau. On a chevauché sur la plage entre les rochers ronds et sur les galets. On a grimpé cette montagne pour voir de loin, tout en haut la crête râpée par le vent et le froid, et cette nature. On s’est assis autour d’un feu de camp immense, écouté la musique jam, discuté avec des matantes en goguette dans un Westfalia. On a marché, les pieds dans le sable, jusqu’à quelque part à mi-chemin de l’horizon, et nos Vans pleines de la vase qui fait comme des limaces entre les orteils ; on a mangé beaucoup trop de fromage, de burgers et de saucisson et bu de la bière IPA ; on pris des covoitureurs – encore des Français, partout ; on a roulé roulé roulé jusqu’à rentrer sur l’île. Montréal. Retour à la réalité.

J’ai pas vraiment les mots pour raconter, et puis ya pas besoin, ya juste des sourires et le vent qui fait qu’on se sent étrangement libres. Libres et heureux.

Dis, on repart quand ?

 

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Chroniques

une rencontre

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Est-ce que tu te souviens ?

C’était en Décembre. C’était un jour d’août. C’était un soir de mai. Un samedi en février. Un mardi, début juin. On avait 15, 18, 22, 26, 27 ans – presque 28. C’était à Barcelone, à la montagne, à Paris, à Montréal. En vacances, en voyage scolaire, chez des amis communs, dans un parte, sur le bord d’un trottoir.

Te souviens-tu, des premiers mots ? C’est souvent des banalités, parfois une phrase se grave à jamais dans notre esprit. Tu chantais avec tes potes pour mendier quelques euros et acheter des sandwiches moins dégueus que ceux que votre auberge vous avait préparé. J’ai ri, mon sandwich était pas pire, et on a engagé la conversation. C’était « I feel it in my fingers, I feel it in my toes… » de Love Actually, j’avais pas vu le film, tu m’as dit que c’était un de tes préférés. J’ai sorti cette phrase un peu con, alors que j’avais même pas en tête de te draguer « on s’est pas déjà vu quelque part ? ». Tu es rentré dans la pièce et tu t’es assis sur l’accoudoir du canapé, juste à côté de moi. « Je préfère l’autre fesse », j’ai dit. Plus tard on a parlé du Petit Prince et fait des jokes poches en marchant vers cette soirée. J’ai toujours le canapé. Je repense parfois à ta fesse – gauche. Je portais une combi-short bleue ce soir là. J’étais arrivée un peu hagarde dans une soirée de gens que je connaissais pas, emmenée par un « ami » que je croyais me vouloir du bien. Je me souviens plus de l’accroche, mais y avait une histoire de mamans artistes – comme quoi toi et moi, on se comprenait.

Et puis la fois où j’étais en retard et pas moyen de te joindre alors j’envoyais des texts à ton ami que je connaissais même pas sans vraiment être sûre qu’il puisse te prévenir. Celle où je suis arrivée déjà un peu saoule sur mon vélo qui grince, et que j’ai vu se dessiner un sourire sur ta face parce qu’on se plaisait pour vrai. Le soir où je t’ai attrapé dans le couloir d’un appartement parce que bon, toi et ton coloc vous étiez un peu canons (et ostensiblement costumés). Toutes ces soirées sous alcool où je me souviens pas vraiment du premier pas, des premiers mots, de la première accroche, juste d’une soirée floue et de quelques moments, après.

Parfois, les jours entre les premiers mots et le premier baiser sont seulement des heures – ça a tendance à se raccourcir, avec le temps, avec l’âge, l’alcool et la précipitation. Il y a pourtant toujours cette première fois, ce moment où tout bascule. Lorsque plus tard on y repense, lorsqu’on réalise que cet inconnu est devenu quelqu’un d’important, on aimerait se souvenir. Avoir gravé ces premières danses, comme on relit de vieux mails, retrouver ce goût d’inattendu, de surprise, de découverte. On ne sait pas alors où tout ça nous emmènera – ces quelques mots échangés, un numéro enregistré dans un téléphone ou un ajout sur Facebook dans la promesse d’une prochaine soirée. Après une heure, une nuit, qui sait.

J’aime à me souvenir. Retrouver ces images et les faire rouler comme une jolie pierre dans mon esprit, pour les réanimer un peu. J’ai une mémoire très visuelle alors je visualise, parfois très précisément, des bribes – flashs si vivants, la position d’une main, le cadre, les gens. On était dans ce bar quand tu m’as embrassée, sur le chemin des toilettes – je revenais, les mains encore mouillées, moment improbable qui te ressemble tellement. On était sur cette place d’Aix-en-Provence, engoncés dans nos manteaux d’hiver, c’était maladroit, c’était doux, c’était évident. On redescendait de la Butte, sous la fenêtre de mon studio un baiser volé que j’attendais plus – je savais pas – est-ce que je te plaisais vraiment ?. Au milieu de la rue Ste Catherine. Sur le canapé d’une soirée. Debout, dans la foule packée d’un festival. Tant d’autres.

Je ne sais plus toujours, les premières fois. Qui a fait le premier geste, qui a déshabillé l’autre, les choses qu’on s’est dites, les mots qu’on a prononcés. Parfois j’ai écrit, parfois pas – je voudrais, toujours, me souvenir. Parce que quoi qu’il se passe par la suite, c’est beau. On se connait à peine, on a pas encore parcouru nos corps et caressé nos peaux jusqu’à en connaitre chaque recoin, chaque frisson, chaque aspérité. On est juste deux inconnus qui se plaisent, deux inconnus qui ne s’attendent à rien, deux âmes qui se trouvent un jour par le hasard des rencontres et des algorithmes du web. On sait pas encore qu’on va avoir du bon sexe, tomber amoureux (parfois), se déchirer (parfois aussi), avoir un peu mal (souvent), que tout ça aura une fin. On sait pas combien de temps on va être là, à se toucher, on sait pas les petits gestes qui, par la suite, vont rapprocher doucement pas vite, ces petits gestes cons qui font qu’on s’attache, qu’un truc existe, se construit. On sait parfois que ça n’a pas d’avenir, mais on est quand même là. Parce qu’on a envie de vivre, de ressentir, de s’essayer, de partager, de se découvrir.

Parce qu’on est bien, dans ce présent.

Photo LDumasV 

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sur la route du Saguenay

En Juillet, j’ai donc eu la visite des copains Ludi et Clément. Vu que j’accueille en ce moment la team Tattoorialist aka Mylène et Nico, on me fera remarquer que j’ai beaucoup d’amis couples, et que c’est pas chiant quand même de tenir la chandelle ? Alors non vraiment pas, tu vois j’ai des amis couples qui sont juste géniaux et adorables et avec qui je me sens pas du tout « en trop » (enfin pas toujours) et que j’adore tous les deux même si dans le cas des premiers je connais Ludi depuis des années alors que Clem, bon c’est un rajout plus récent, mais disons que c’est le genre de couples avec qui je peux parler autant à l’un qu’à l’autre et qui sont vraiment pas chiants.

Faque j’ai pas vraiment eu peur de me retrouver en mode trouple (couple à trois) pour un mini-road trip entre amis, direction le Saguenay. J’avais organisé le séjour un peu à l’avance, trouvé une cute petite auberge au fond du fjord à la Baie, loué une voiture, et puis on a décidé d’aller voir les baleines en kayak, un peu parce que Maryne y était allée juste avant et que c’était génial, et un peu parce que Ludi osait pas trop nous dire que oui, vraiment elle rêvait de voir les baleines.

Lundi matin,encore dans les vapes du week-end, on embarque dans la voiture, direction l’A40 et Québec par la Rive Nord. On décide de s’arrêter aux Chutes Montmorency, juste après Québec, histoire de se dégourdir les jambes, pique niquer et voir un peu de quoi ça l’air. Je vous ferai pas un descriptif du lieu, c’est pas mal touristique et les escaliers nous auront fait suer – disons que c’est sympa à voir mais que ça faut pas les 12$ de parking (?!) demandés en bas…

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Monter au Saguenay depuis Montréal, c’est un peu plus de 500km, on avait donc décidé de la jouer cool et de prendre les petites routes. Avant d’attaquer les routes de forêts du Parc des Grands-Jardins, nous avons fait une halte à Baie St-Paul, et pris une espèce d’énorme claque dans ta face. Le village est super cute (j’y retourne fin Août, on s’en reparle), et on a décidé d’aller au bout du bout du quai. C’est là que ça se passe – le Saint-Laurent ici commence à ressembler à la mer, et il y a cette plage, et cette étendue à marée basse. L’air iodée, humide comme des embruns. Alors on a enlevé nos chaussures et on a marché, les pieds dans le sable, jusqu’à se retrouver au milieu de cette baie encadrée par les « montagnes » du Massif de Charlevoix. On est là, le vent souffle fort mais c’est pas un vent qui fatigue, c’est un vent qui revigore, qui donne envie d’ouvrir grand les bras et de fermer les yeux, et se laisser porter.

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Et puis il a fallu reprendre la route. Derrière, des nuages menaçants, et encore une petite centaine de kilomètres d’une route sinueuse, slalomant entre une forêt d’épinettes dévastées il y a quelques années par un incendie, et les lacs aux eaux noires. On était seuls au monde un peu sur cette route, croisant quelques camions et points de vue – avec un toilette au milieu de nulle part. On se sent tout petit, perdus dans ces paysages, des arbres et des roches à perte de vue, et cette ligne jaune pour marquer le passage de l’humain dans cette nature brute.

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C’était le soir. On a traîné dans la Baie pour manger un (excellent) burger et regarder les bateaux. On est passés au Maxi faire trois courses (et acheter beaucoup de trucs sucrés). On s’est assis sur la terrasse, en regardant les étoiles. Y en avait beaucoup. Yavait la Voie Lactée, tellement claire qu’on s’est demandé si c’était pas un nuage. On s’est sentis tout petits, à nouveau. Et c’était beau.

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(à suivre)

La Baie :
Auberge Les Mains Tissées, la Baie www.lesmainstissees.com – 25$ / nuit / personne (plusieurs chambres doubles)
Café Summun bistrocafesummum.com – les burgers sont excellents

 

 

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le vent dans nos cheveux

Juillet se termine sous les trombes d’eau d’un orage d’été, Dora a peur, miaou miaou, je ne comprends pas, j’ai beau lui demander de s’expliquer, miaou miaou encore. Un an que j’ai recueilli l’animal, un an que j’ai emménagé dans cet appart, que le temps passe vite.

J’ai la plume sèche. J’écris plus, plus vraiment, plus ici. J’ai des choses à raconter pourtant, comme le fait que j’ai eu 28 ans sans encombres, beaucoup fêté, et même que les amis étaient là, qu’on est partis au Saguenay et à Tadoussac, et que c’était beau.

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C’était un lundi, on a pris des routes droites, toutes droites avec des arbres autour, passé la capitale, et puis on est arrivés dans cette région avec des petites maisons aux balcons suspendus et aux noms bucoliques. On a découvert le Saint-Laurent là où il s’élargit pour ressembler à la mer, là où le vent se remplit d’iode et où on peut enlever ses chaussures pour mettre les pieds dans l’eau. Et puis on a pris d’autres routes, entre les épinettes et les montagnes, de celles qui serpentent entre les lacs noirs, suspendue entre roches et nuages. On a croisé une marmotte (minou) et des suisses. Plein de suisses. On a dormi dans une chambre avec un matelas trop petit et regardé la Voie Lactée scintiller. Marché au travers des chemins de terre pour atteindre la Vierge, quelque part au dessus des eaux sombres du Fjord. Et puis on est allés caresser les rorquals, glissant (presque) silencieusement sur une eau à 4°C, tentative de pagayer droit, pas douée du gouvernail je suis.

On s’est dit que vraiment, la vie est trop courte pour tout voir. Qu’on peut toujours essayer. Qu’on en a envie. Que c’est immense, et tellement beau, ce pays. Je tombe en amour, encore et encore. J’ai déjà le goût de repartir.

 

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C’était un samedi, ils ont repris leur avion argenté pour retrouver Paris, j’ai failli pleurer un peu, mais non. Il faut pas pleurer, même si on aime pas trop les au revoir parce qu’on sait pas combien de temps il faudra compter, on se revoit toujours plus tôt que prévu. Et puis j’ai glissé beaucoup d’amour, du sirop d’érable et quelques poils de Dora dans leurs valises, pour pas qu’ils oublient, pour qu’ils soient pas trop tristes de retrouver Paris, pour qu’ils trouvent facilement le chemin pour revenir.

J’ai le coeur ailleurs. Ailleurs, vers l’Ouest, je crois. Tout ça occupe mes nuits, mes jours, ma tête et mon ventre, et je trouve le temps long. C’est ça qui arrive, je crois, quand on tombe de sa chaise. Ce qui compte c’est pas la chute, c’est l’atterrissage, et je me suis pas fait mal pour l’instant. Je compte les jours. Cette fois, il y a une date cochée dans le calendrier.

Alors on prendra la route pour aller mettre nos pieds dans le sable, parce qu’il parait que ça fait du bien, un peu de vent dans nos cheveux.

Intime & Réflexions

vingt-huit.

tibouDans quelques heures, j’ai 28 ans. Je dis dans quelques heures car si on est encore le 16 en après-midi au Québec, je suis née un 17 juillet à 2h15 du matin en France. Ce qui fait qu’ici, on était encore le 16, vers 8 heures du soir. Je vais donc changer de date d’anniversaire.

(oui cette réflexion est un peu mindfuck mais très cohérente…)

Comme souvent à l’approche de mon anniversaire, je suis prise d’un étrange blues. Je veux me persuader que non c’est pas grave de prendre un an de plus, que date d’anniversaire ou non c’est un jour comme les autres, qu’on vieillit tout le temps, que tout ça n’a pas vraiment d’importance. Pourtant, cette année encore et malgré mon état d’esprit généralement très positif de ces derniers mois, j’appréhende. Quelque mélancolie me prend doucement au ventre, et je sais que le jour J, je vais passer par toutes les émotions, pour finir au fond de moi avec cette pensée : tout ça pour ça.

Le pourquoi de cette sensation, je ne l’ai pas. On me donne bien moins que mon âge – souvent début vingtaine si on ne me connait pas – , je ne me sens pas « vieille » dans mon mode de vie – tout l’inverse – et pourtant. Je sens mes 28 ans. Pas physiquement, mais en dedans. Je sais les années, l’expérience, le temps passé. Je regarde en arrière et j’ai la sensation d’avoir déjà vécu plusieurs vies, tout en ayant encore tout à découvrir, tout à vivre, tout à réaliser. Je suis heureuse, j’ai trouvé depuis un an mon équilibre, doucement, ce que je veux vraiment, ce qui me semble bon pour moi se précise. Je ne sais pas où je serai dans 3 mois, encore moins dans un an, mais je n’ai plus peur – cette incertitude, étrangement, m’est plus confortable que le « tout est sous contrôle » qui rassure beaucoup de monde. Ma seule évidence : Montréal. Montréal mon amour, Montréal ma belle, Montréal ma vie, mes amis, mon chat, le rythme des saisons, tout ce qui reste encore à vivre ici.

Comme ça m’arrive régulièrement je ressens à chaque anniversaire le besoin de faire un rapide tour du propriétaire. Où étais-je l’an dernier. Il y a deux ans. Plus. Je ne me rappelle pas précisément tous les gâteaux que j’ai mangé, même si c’est facile, avec ma famille c’est toujours le même depuis des années, le framboisier apporté par mon grand-père pour nos anniversaires respectifs (il est du 12 juillet), fait sur commande par sa pâtisserie à Pertuis – ce sera la même chose cette année encore, monsieur Venturini ? On l’aime, ce gâteau là, comme ces habitudes qui rassurent. Cette année, mon grand-père a eu 89 ans. Je voudrais toute ma vie fêter nos anniversaires ensemble, je ne vois pas pourquoi ça s’arrêterait – pourtant. Je me souviens de l’an dernier, des messages de quasi inconnus sur Facebook et Twitter, et des oublis de ceux que j’attendais, cette sensation étrange de ne plus vraiment savoir ce qui compte à ces moments. De cette soirée improvisée où on a failli se retrouver à deux avec la copine Maryne à danser sur Marie Gillain, et puis finalement Aurélie et son chum sont arrivés, et Nico et Carole qui venaient de faire avorter Dora. Je me souviens d’il y a deux ans, une soirée de départ aussi, quitter Paris – m’imaginais-je alors que ce serait pour partir bien plus loin que Bordeaux ? Je crois. Je ne sais plus vraiment. Je me souviens de cet été de mes 19 ans où je suis rentrée en catastrophe de Malte, mon père en colère parce que j’avais écourté de quelques jours le stage qu’il m’avait trouvé dans une filiale son entreprise. Cet été là j’étais loin encore de quelqu’un qui me rendait heureuse – si j’avais su à l’époque que ça deviendrait une habitude.

28 ans c’est juste un chiffre et j’ai la vie devant moi, mais. Il y a cette envie de voyage qui est là, et penser que les PVT ferment à 30 ans pour la plupart.  Compter les années. Il y a le bonheur de vivre au jour le jour, sans me poser de questions, et me dire qu’un jour j’aurais envie d’enfants, et qu’alors il faudra grandir. Il y a l’apparence d’être forte, ma capacité à passer au travers de situations qui feraient paniquer un tas de monde, et prendre des décisions à l’instinct sans avoir peur de l’avenir parce que bah, yaura toujours quelque chose de bon au bout du compte, et pourtant la peur stupide de m’attacher et souffrir à nouveau.

Je m’appelle Élodie, j’ai 28 ans et toujours l’air d’en avoir 18, je suis forte la plupart du temps, mais chaque année c’est pareil, pour mon anniversaire je redeviens une petite fille. J’ai beau être entourée des meilleures personnes, j’ai peur d’être déçue, j’ai peur qu’on m’abandonne, j’ai peur de grandir encore un peu.

Dis, c’est quand qu’on devient adulte ?

Montréal, Québec

le grand déménagement

montreal-demenagementIl existe au Québec une coutume assez étrange. Chaque fin de semaine du 1er juillet, la moitié de la ville déménage. Alors les rues se remplissent de camions, et les trottoirs de meubles, cartons et autres encombrants (c’est le moment de faire les poubelles) (je remets plus la main sur cet article où je disais faire les poubelles, mais true story).

Le 1er juillet, c’est (officiellement) la Fête du Canada (l’équivalent de notre 14 juillet). Sauf qu’au Québec, province souverainiste s’il en est, la Fête Nationale est le 24 juin, pour la Saint-Jean. Et la Régie du Logement (on aime bien les Régies au Québec) a décidé dans le plus grand hasard que tous les baux de location commenceraient… le 1er juillet.

(Edit suite à un commentaire de Doris : En fait, ce n’est pas la Régie du Logement qui a choisi la date du 1er juillet. D’ailleurs, il y a plusieurs années, c’était le 1er mai (qui n’est pas férié ici, la fête du travail étant en septembre). Voici un lien qui explique bien la situation: http://fr.wikipedia.org/wiki/Jour_du_d%C3%A9m%C3%A9nagement)

Ici, contrairement à la France, on ne peut pas vraiment rompre son bail en cours d’année. Les baux locatifs sont d’un an, du 1er juillet au 30 juin, et si on quitte son appartement entre ces dates on est chargé de retrouver un locataire, et on reste « responsable » du bail. Alors ça arrive (comme moi) qu’on emménage en cours, mais le bail sera automatiquement renouvelé au 1er juillet. C’est la loi.

Cette petite fantaisie occasionne donc un charmant ballet dans les rues de Montréal. Puisque tout le monde déménage le même jour (ou presque), la location de camion est un vrai problème, et les déménageurs font fortune en quelques jours. Dans les apparts, on entasse ses affaires tandis que les anciens locataires sont en train de vider les leurs.

Comme c’était pas assez l’fun, ce 1er juillet on a battu des records de chaleur. Journée que j’ai passée à comater sur mon matelas avec le moins de tissu possible pour me toucher, et la compagnie de deux ventilateurs (auxquels je dois aussi pas mal de mes nuits). L’été est là. On commence à marcher dans une flaque de chaleur lourde et collante sur les trottoirs, la peau qui pègue dès qu’on fait trois pas, les nuits à tourner en rond parce qu’il fait tellement chaud, les moustiques. C’est aussi les parcs, les barbecues, les festivals, le Village Éphémère, les feux d’artifice, les glaces, les touristes qui envahissent le Vieux Port. La ville qui se métamorphose en quelques semaines. Les jupes et les shorts partout. Les fraises. Le ciel immense, et ces orages, et ces couchers de soleil.

feux-village-ephemere balcon arbretarte-fraises-quebecC’est tellement incroyable, l’ambiance de Montréal depuis quelques semaines. Comme disait un ami : « chaque hiver je me demande ce que je fous à vivre ici, et je me dis que ce sera la dernière année que je supporte ça. Chaque printemps, je me souviens pourquoi j’aime tant cette ville, et je rempile pour une année de plus. »

Alors voilà. Je vais vous le redire une pénultième fois, mais estie Montréal que je t’aime à chaque jour encore plus fort.

(photo du trottoir et de la tarte aux fraises par ma copine Maryne <3)