Cet après-midi le vent dans les cheveux comme dans mes souvenirs, emmitouflées dans nos manteaux, et la ville à nos pieds qui s’étend infinie jusqu’au rebord des montagnes. De l’autre côté il y a la mer, et tout est si bleu – du ciel aux ondes étranges que forment les vagues à cause du Mistral et les ombres des nuages au dessus. Des nuages tressés, me dit Gazelle, comme tendus au dessus du Frioul, comme une seconde ligne d’horizon. Le soleil joue à cache cache sur les toits de tuiles ocres, le Vélodrome déborde, asphyxié sous les travaux qui le transforment – je me demande s’il est prévu de garder la vue sur la Bonne Mère qui fait sa forme si particulière – j’observe ces toits tordus, l’accumulation bordélique des bâtiments, l’incohérence des architectures. C’est la personnalité même de cette ville, je crois, ce bordel ambiant, ces tags qui décorent les murs, ces barres d’immeubles coincées entre la mer et le massif des Calanques. Je dis, tu vois là bas c’est les Réformés, et là c’est Périer, et Vauban, et le Vallon des Auffes, et la Corniche, et le Prado, et la Belle de Mai, et tous ces noms résonnent comme si je ne les avais jamais quittés. L’accent qui revient doucement, les cris des mouettes au dessus des platanes de la Plaine.
Marseille n’a pas bougé, tout est étrangement familier – cette place où nous allions bruncher, ces escaliers qu’on a monté combien de fois avec des Couchsurfers de passage, le Cours Lieutaud, les fresques du métro à Notre Dame du Mont, et ce pont pour descendre jusqu’à rue de Rome… On y mange des pizzas siciliennes, on parle Occitan, Catalogne, tatouages, mariage homo, consommation responsable, et on refait le monde autour d’un verre de rhum et d’un feu de cheminée clandestin. La nuit est étrangement calme – comme si l’actualité brûlante de ces derniers mois n’avait pas cours, réellement. Capitale de la Culture 2013 et tous ces travaux qui défigurent la ville, j’en souris encore, car la richesse est là, derrière les crépis fatigués, entre les ruelles du Panier, sous les escaliers de la Montée de l’Observatoire.
Dans la rue, un sac plastique tourbillonne au gré du vent. Regarde, un sac qui vole… c’est beau, dit celle qui a vu American Beauty quinze fois. Vole, petite poche, dit la Toulousaine, qui me fait remarquer que c’est quand même vachement plus poétique… Alors on rit, et on se dit au revoir, et c’est déjà – trop vite – la fin.
Ce que je peux aimer cette ville malgré tout ce qu’on en dit, tout ce qu’on en pense. J’ y ai vécu 3 belles années. Et tes photos sont magnifiques
Bravo (et merci) pour ce joli regard sur cette belle ville, malheureusement si mal aimée par ceux qui ne la connaissent pas. Et cette lumière, non mais cette lumière, qui m’éblouie et me submerge à chaque fois que « je rentre »…
Oh ma ville chérie ! Merci pour ces belles photos !
Beau billet , bien nostalgique ..
Bonne semaine !
Merci d’avoir si bien mis ma ville en valeur 🙂