Lundi, j’ai touché Marseille du bout des doigts. On est allées au J4, avec ma mère et Candice, ma belle-soeur.
Je dis « ma belle-soeur » même si MonFrère et Candice ne sont pas mariés, mais c’est parce qu’elle fait partie intégrante de la famille. Un peu comme une soeur, sans les souvenirs d’enfance en commun. Elle fait partie des rares personnes qui peuvent m’offrir un bijou et tomber juste dans ce que j’aime – je suis compliquée du bijou – compliquée du cadeau aussi d’ailleurs.
Le J4, avant, c’était un espèce de no man’s land où on organisait les Docks des Suds et Marsattack. L’été, y avait des gamins qui se baignaient. Et après, les bateaux. Avec Marseille-Provence 2013 (comprenez : Capitale de la Culture Européenne), ils ont construit le MUCEM. J’étais jamais allée là bas, le MUCEM a ouvert après mon départ, et cet été j’ai pas eu le temps, alors voilà. Je voulais voir.
Il y avait des nuages jusque loin sur la mer, et le soleil entre eux. Il y avait l’eau bleu pétrole, et émeraude, selon où on regarde. Il y avait Notre Dame, et la Major, et le Vieux Port, et les quartiers Nord qui s’étendent là, entre l’Étoile et l’Estaque. Les ponts du chemin de fer de la Côte Bleue. Les immeubles tordus. Le Fort Saint Jean, et le truc que Napoléon a construit pour Joséphine et dont j’oublie toujours le nom. Et le Frioul derrière, mais sans le Château d’If.
On avait jamais vu Marseille sous cet angle. Vue d’en bas, vue du J4 et de la Tour du Roi René (qui était en fait Comte de Provence, mais ici on est un peu chauvin, et on aime bien exagérer). D’habitude, Marseille, on la regarde d’en haut, de la Bonne Mère, avec le Vélodrome d’un côté et les docks de l’autre. Cette vue depuis le bout du Port, c’est nouveau, c’est pas un coin où on va vraiment, ça existait même pas avant. Alors c’était comme redécouvrir sa ville. Et c’était magique.
Alors le soleil a fini de se coucher sur la rade, et le ciel a disparu dans une tâche d’encre sombre, avec le chapiteau du cirque Medrano qui se découpait devant.
Plus tard, j’ai rejoint le Vieux-Port, la grande roue et le marché de Noël, et puis Saint Fé, et la Préfecture. Au téléphone, on m’a demandé ce que ça me faisait d’être là, à nouveau. J’ai répondu que j’étais partie il y a longtemps, que ça changeait pas grand chose. Il m’a dit « mais tu es vraiment loin maintenant…« . Oui. Et alors. Ca ne change rien, un Océan. C’est juste des kilomètres en plus. Des kilomètres, et quelques heures. J’essaye d’expliquer, de répondre à cette question qui s’inquiète un peu, à 900km de là – on se dit c’est rien 900km, tu te rends compte ? Et dans la tentative de mettre des mots sur mes émotions je réalise que le sentiment de nostalgie m’habitait surtout lorsque je descendais de Paris. Les odeurs de cette ville me prenaient à la gorge avec l’envie de pleurer sur sa beauté peu accessible. Peut être parce que je n’étais pas vraiment à ma place. Et puis ça s’était calmé.
J’ai trouvé Marseille magnifique sous ce ciel de Décembre, et l’ambiance de Noël. Mais je n’ai pas eu de nostalgie. Juste ce petit point au coeur qui sait que c’est là d’où je viens. Comme chez mes parents, et Paris, les souvenirs et l’habitude, l’espace familier, les pas qui savent où aller, naturellement, les rues qu’on connait par coeur. Des souvenirs, j’en ai des tonnes, mais de nostalgie, non. Ma Provence est belle, et je me suis surprise lors de mon bref passage à Paris à esquisser un sourire dans la 13 bondée, mais je ne suis pas nostalgique. Je n’ai plus d’attaches, plus de repères, pas d’envie de rester, ou revenir. Ce qui me manque là bas, ce sont les gens d’ici. Ce qui me manque ici, c’est Montréal, ma vie là-bas. Et je regarde avec envie les photos de la neige et cette météo improbable – il faisait 16°C à Aix hier soir -, et je sais à nouveau que je n’appartiens plus à ce ici – mon ici, ma vie, c’est là-bas, dans ce pays si froid où le vin et le fromage coûtent cher et où on parle un français un peu croche avec un si bel accent.
Et la parenthèse prend tout son sens – alors que je serre les gens dans mes bras une dernière fois – quand se reverra-t-on ? Je ne sais pas. Mais je sais qu’on ne se perdra pas. Je sais que j’ai trouvé ma place. Elle est là-bas.
Tes photos sont magiques (la lumière est complètement exceptionnelle). Joyeux noêl 😉
merci de décrire Marseille avec autant d’amour et de poésie! on aurait pu se rencontrer dans une autre vie! Qui sait?! Joyeux Noël! Take care! Ita
Juste magnifique !!!!
Bon retour un peu plus tard 🙂
Je ne suis jamais jamais allée à Marseille, mes tes très belles photos me donnent envie ! (Et le MUCEM c’est bien ?!)
Ton texte me touche, on est souvent tiraillé entre plusieurs endroits sur terre, encore plus quand on aime voyager, et c’est important de trouver SON endroit, celui où notre vie est.
Et bonnes fêtes 🙂
Tu as trouvé ta place.
Frissons.
Très belles photos, la luminosité qu’offre le Mucem, même les jours de grisaille, on y retrouve toujours de jolies perspectives et une lumière si particulière!
A bientôt,
Laury