Intime & Réflexions · Voyages

deux semaines

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Voilà, je suis en France. Non, c’était pas prévu, c’est pas non plus un souci de Visa, ni un retour définitif (ouf). Ma maman a eu un accident de vélo lundi dernier – un accident stupide d’enfant qui s’amuse avec ses copines, une chute version soleil, un voyage en camion rouge avec de jolis pompiers, un passage en chirurgie. Bassin fracturé, poignet cassé, immobilité forcée, plusieurs mois de rééducation à venir, et un voyage prévu au Québec en Mai pour me voir reporté jusqu’à nouvel ordre. J’ai reçu le texto de mon père, et puis j’étais là le ventre serré et puis on s’est parlés au téléphone. J’ai vu ma mère sur un lit d’hôpital, coincée. J’ai imaginé ma mère immobilisée, et comment ça devait la rendre dingue. J’ai senti comme elle devait être triste et en colère de pas pouvoir me voir.  J’ai pas trop réfléchi. J’ai pris un billet d’avion pour dans trois jours, et je suis rentrée. Puisque ma mère ne pourra pas venir à Montréal, c’est Montréal qui viendra à elle.

Deux semaines, comme une éternité. J’ai prévenu mes amis, vu en coup de vent ceux qui vont me manquer, pensé fort à ceux que je pouvais pas voir. J’ai prévenu ma coloc, changé la litière du chat, fini d’installer Albert le nouveau lave-vaisselle, fait le chèque du loyer, envoyé mes impôts, payé mes factures. J’ai mis des robes et des sandales dans ma valise, et pris beaucoup trop de fringues que je porterai pas, comme d’habitude, en me disant que ça me limiterait en shopping (comme d’habitude). J’ai texté les copains de France et pris des billets pour Paris – pour voir les amis, ceux qu’on a vu à Noël, ceux qu’on verra cet été, ceux qui disent « on viendra te voir » et qui n’ont pas l’argent/le temps/autre et dont on a arrêté d’espérer la visite ; et puis deux jours pour aller mettre mes pieds dans l’Océan et respirer l’air iodé, parce que ça fait bien trop longtemps.

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Alors voilà. Je suis chez mes parents. Je sais pas si c’était le truc le plus sensé à faire à ce moment mais c’était la seule chose dont j’avais envie, la seule chose qui me semblait à faire dans ces circonstances, une évidence. Le vol a été long. L’attente à l’aéroport a été longue. J’ai eu envie de m’endormir, plusieurs fois, malgré la douche et le café, et je me suis endormie – pour pas longtemps, parce qu’il fallait partir à l’hôpital, en moto pour éviter les embouteillages, même que j’ai cru que j’allais tomber tellement j’étais fatiguée. Et puis je suis arrivée avec mes 7 heures de vol et mon jetlag dans la gueule, et j’ai vu le sourire sur le visage de ma maman, ce sourire au dessus des draps bleus, dans cette chambre franchement pas joyeuse, avec cette vieille dame quasi momifiée juste à côté, et j’ai su que j’avais bien fait.

C’est bizarre d’être là. Partie si vite que j’ai pas eu le temps de m’y préparer. Deux semaines loin de Montréal, loin de mes amis, loin de Dora, loin de ma vie. Ils me manquaient déjà avant même de partir, et je sais que je serai heureuse de rentrer, en attendant, je profite d’être là. Ici, comme toujours, la sensation d’être partie hier, que rien n’a changé. Ici, les arbres verts purs, le ciel bleu, le soleil pour chauffer mon visage. Ici les pubs avec Tony Parker pour vendre des voitures et Tony Parker qui sort sa ligne de vêtements. Ici le Sud, les gars en full-look survêt’ et les filles trop maquillées, les gens qui parlent fort, les magasins bondés où on te dit pas bonjour. Ici la bouffe qui a du goût, le vin pas cher, les restos pieds dans l’eau, vu sur Marseille. Ici la France. Ici mes origines.

niolon

Je parle beaucoup trop de Montréal. Je dis « au Québec on », et je m’en veux d’avoir repris trop vite mon accent et mes expressions françaises – même si parfois j’hésite sur un mot, me disant qu’ils ne vont pas comprendre. J’ai envie de dire à ma mère et à ma famille d’arrêter de me demander si j’ai un copain, parce que non. J’ai envie de dire à mon père qui fronce les sourcils sur l’achat d’un lave-vaisselle alors que j’ai pas de boulot que non, y a pas à s’inquiéter. De leur raconter ma vie, la vraie, ma liberté, comment chaque jour qui passe est plein de surprises et de petits bonheurs, comment beaucoup de choses ont été bousculées mais que c’est bien. Je suis chez moi comme en jetlag, lieux familiers, rien n’a changé, et pourtant tout. Ce tout en dedans, ce tout bien plus profond, ce qui me fait, moi.

Deux semaines.

aix

9 Comments

  1. « je sais que je serai heureuse de rentrer »
    « Je suis chez moi comme en jetlag, lieux familiers, rien n’a changé, et pourtant tout. Ce tout en dedans, ce tout bien plus profond, ce qui me fait, moi. »

    Tu as mis des mots sur ce que j’ai ressenti en rentrant ce week-end « chez moi », ce chez moi qui n’est plus chez moi et où je sais que je ne resterais pas, où je sais que je ne resterais plus. Tu as mis des mots sur ce que je ressens depuis que je suis partie. Sur ce que beaucoup doivent ressentir finalement. Ton blog est une petite perle, je suis très heureuse que la vie t’ai fait coloc’ de Camille, c’est grâce à cela que j’ai découvert ton blog et quel bonheur !
    Bises

  2. Beau texte et je me reconnais pas mal dans ce passage: « Ce tout en dedans, ce tout bien plus profond, ce qui me fait, moi. », étant parti en échange universitaire à Québec cette année et dont le retour en France approche…

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