(Texte écrit en juillet 2005, alors que j’étais en stage à Malte, suite aux attentats de Londres, qui vient de remonter à ma mémoire. Nice, Juillet 2016)
Images
Et puis une explosion.
Ca veut dire quoi Blasts ?
Several Blasts Hit London. C’est écrit là, sous les images. La voix s’entend cette fois, les regards sont vers l’écran. A plusieurs milliers de kilomètres de là, l’œil d’une caméra.
Il ne savent pas quoi dire, ils répètent, et le mot, explosions, qui revient, et cet égarement. Quelque chose de déjà vu pourtant. Même si le soleil était là. Les nuages ne changent rien. On connaît l’histoire par cœur à présent.
Les regards sont vides. Sous l’hélicoptère les tentes, les ambulances, les civières. Mais il n’y a pas de corps. Pas de sang. Pas de débris. Les gens ne courent pas. Ne crient pas. Ne pleurent pas. On sait. L’histoire se répète, à présent, l’acceptation, la résignation.
Une minute de silence.
On pense, étrangement, je connaissais peut être quelqu’un… On a tous des amis, de la famille, des amis d’amis… On pense pas et si c’était nous, parce qu’on y est pas. Parce que c’est pas possible et pourtant on peut compter les rediffusions de ce même scénario catastrophe.
Pas de corps. Pas de sang. Pas de débris. Cette fois l’ombra a avalé l’horreur. Le cœur de Londres a étouffé en son sein la panique.
On ne panique plus à présent. On y croit. On sait. Il n’y a pas d’accident, ni de hasard. Il y a des hommes, seulement des hommes, et à présent des âmes muettes enfermées au fond d’un Tube…
La ville semble morte, tu dis. Elle l’est, peut être, c’est la guerre regarde. Et tout le monde se tait car il n’y a rien à dire. L’ennemi est invisible, la cible impersonnelle. Comment répondre à un aveugle qui frappe sans voir celui qu’il a choisit comme origine de son malheur ? Comment se battre contre l’invisible ? L’inconnu ? Il n’y a pas à prendre les armes. Les visages se ferment. La guerre est dans nos villes, la Mort s’y exprime en autant de noms sur des dalles sombres, et bientôt les grandes villes de l’Occident scintilleront chacune des cierges à la mémoire de leurs innocents…
Le silence. L’œil de la caméra, qui tourne. Le silence. Ces hommes en blanc, croix sang, et rien ne bouge.
La première fois, voilà l’action, des cris, des foules, la fuite, les larmes. Et puis, petit à petit, la surprise n’accompagne plus l’horreur. Celle-ci se masque en profondeur à présent. Ou peut être est ce le flegme britannique qui empêche l’explosion humaine.
A l’incapacité de réagir, et seulement attendre, faire semblant, oublier. Les livres seront réédités, il manquera deux tours, une usine. Des dalles en mémoire des trains. Et là ?
Peut-être avons nous besoin de nous rappeler que la guerre c’est pas seulement les GI à la télévision. Qu’on est pas loin de tout mais que c’est bel et bien la réalité. Qu’il n’y a pas que sous le Soleil qu’on meurt.
Les corrélations vont trop vite. Et si, et si on se dit, et si ça avait été Paris 2012 ? Un rapport. Ou peut être pas.
Hier ils faisaient la fête dans Trafalgar Square. Aujourd’hui…
Et ici, est ce que les gens vont pleurer ?
Comme à l’habitude, un très beau texte, malheureusement de plus en plus contemporain.
Oui, l’horreur, l’indignation, le silence, l’habitude……. ON tue n’importe comment, est ce la guerre ? Ou cela nous mènera… Il n’y a que le silence pour nous répondre.
Merci petit fille.