Les TGV passent, rugissent sous la charpente de verre et d’acier de la gare. Avec ma mère, j’attends mon train. Pour rentrer. Ou partir. Je ne sais plus tellement. Que définir comme « chez moi » ? Mon 15m² à Paris ? Ma Provence natale ?
Wagon 7, ou plutôt voiture, c’est comme ça qu’on dit. Place 51. Dans le « bon » sens, de la marche. Dehors les dernières lueurs du soleil s’éteignent sous quelques nuages. Au revoir…
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Quatre jours.
Mercredi soir. Gare de Lyon, mon sac, dernier appel du chef de gare. Sifflet. Voiture 7, place 41, dans le « mauvais » sens. Je regarde s’éloigner les lumières de Paris. Je regarde les champs défiler. Je rentre chez moi. Trois heures quinze de TGV comme une coupure, l’ouverture d’une parenthèse, d’une bulle. Un exil de quelques jours. Un répis. Je ne sais plus. La dernière fois -il y a deux mois- la coupure si nette avec les kilomètres. C’est moins évident cette fois. Je me débats avec des textos parisiens, je n’arrive pas à me laisser emporter par l’intrigue de Millénium, et des gamins qui hurlent derrière. Pourtant, je suis déjà chez moi. Les gens, ce côté Sud typique, l’accent, la famille aux gosses intenables, les lunettes de soleil Dolce&Gabanna.
Marseille. Ma ville. Fée Lait qui devait m’attendre n’est pas là. Plus de batterie sur mon portable. Je sors sur l’esplanade de la gare Saint Charles, il est 23h30, le ciel est couvert d’étoiles, la Bonne Mère éclairée. Il souffle un vent tiède chargé d’iode. Je respire. Je suis chez moi.
Quelques pas en descendant les escaliers de Saint Charles, Boulevard d’Athènes, quelques bars ouverts, des kékés me proposent de m’aider à porter mon sac, m’appellent Princesse car je ne réponds rien. Canebière. Au tournant face au commissariat, rien n’a changé. Un fou grelotte en comptant je ne sais quoi sur un panneau, on voit les mâts sur le Vieux Port qui se balancent doucement pendant que la ville dort.
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Il y a cette atmosphère particulière à Marseille. Cité populaire, cité fière, un port chargé d’histoire. Quand le lendemain je m’arrête rue de Rome dans un magasin avant de remonter chez mes parents, le vendeur me demande d’où j’arrive.
– Paris. – C’est beau, Paris. C’est mieux qu’ici. Il y a plus de choses à faire.Je ne réponds pas vraiment. Il y a à Marseille le temps de ne rien faire. L’envie de flâner. Il y a ce ciel immense dont j’avais oublié comme il pouvait être bleu. Il y a ces odeurs, ces gens, la mer. Il y a à Marseille une richesse rare et unique qu’il faut savoir apprivoiser.
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Aix en Provence. J’ai laissé mon sac dans la maison de mon enfance, pris la navette de la RN8. Le chauffeur conduisait le bus scolaire quand j’allais au lycée. Je croise quelques visages familiers. A Aix, les platanes sur le Cours Mirabeau sont verts et les filles commencent à porter jupes et sandales. De nouveaux magasins ont ouvert, la Poste de la Rotonde a enfin fini d’être rénovée, mais au fond rien n’a changé. Les mêmes filles trop jeunes et trop maquillées. Les mêmes prix excessifs pour un cocktail à la BE. Les mêmes pavés pas droits pour aller jusqu’à chez MonFrère.
Un autre soir, j’irais au restaurant -un italien- et puis boire un verre à la Suite -le bar branché. Les gens sont jeunes. Les prix prétentieux. Les garçons sont des clones. Le rosé mauvais, et servi avec des glaçons. Il fait bon dehors, et je sais que lorsqu’on vit ici on adhère aux coutumes – se promener sur le Cours mirabeau le soir, payer trop cher un verre, attendre pour entrer au Mistral, où il faut payer 20€ en liquide pour de la mauvaise house et un plafond trop bas, mais où la moitié des clients sont des habitués qui tapent la bise au videur et ne payent pas l’entrée. Après quoi on ressort, puant la clope et la transpiration, pour rentrer en zig zag jusqu’à chez soi. La nuit est calme, les rues étroites, il y a encore du monde sur le Cours Mirabeau.
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Lorsque je rentre, après cette dernière journée passée entre les pins et les collines, presqu’au pied de la Sainte Victoire, il y a en moi quelque chose d’appaisé. Le TGV vient de Nice, je serais bientôt à Paris. J’ai attrapé des tâches de rousseurs et quelques couleurs, j’ai mal au ventre, un peu, d’avoir trop mangé, trop bu. Décrochage. J’ai traversé avant de partir le village où j’ai grandit – rien n’a changé, ou des détails, nouvelles maisons, façades rénovées, arbre coupé. Les souvenirs restent les mêmes.
Passé Valence, le TGV roule désormais dans l’obscurité. Je repense à une histoire de trente minutes gagnées sur ce trajet – est ce que la coupure aurait le temps de se faire ? Dans le train, les gens sont bronzés, mais c’est déjà Paris. Je referme la parenthèse…