Hier, dans le métro. Ma ligne 13 quotidienne, pas si blindée pour une fois. Je suis debout, dans l’allée entre deux sièges. Miromesnil,ou peut être une station avant, il y a cette femme qui monte. Le métro repart, elle vacille et me marche à moitié sur le pied. « Pardon » elle me dit avec un sourire. J’aime les sourires dans le métro. J’aime les gens polis, c’est tellement rare. Deuxième secousse, elle manque de tomber et s’accroche à mon bras, « restez debout ! » je lui dis. Sourire. Elle répond, on échange quelques mots, et soudain il y a comme ce calme qui se fait en moi.
Je ne suis pas réellement une personne tactile. Je n’aime pas particulièrement le contact avec les gens et je ne vais pas « naturellement » toucher les autres, mais cela ne me dérange généralement pas. Dans le Sud, les gens se touchent, posent la main sur toi lorsqu’ils te parlent, ont ce sens du tactile, culturellement. Les hommes se font la bise et ça ne choque personne. En Allemagne, lorsqu’on se connait bien, on se « hug » pour se dire bonjour. A Paris, malgré la promiscuité qu’offre cette ville et ses transports en commun, les gens ne se touchent pas. Ce n’est pas dans la culture, étrangement on cherche plutôt à s’éloigner, à supprimer la proximité que nous impose le mode de vie Parisien. Alors je me suis habituée, à n’être plus touchée, à ne plus toucher les autres. Parce que ça ne se fait pas. Parce qu’ils peuvent être mal à l’aise. Parce que c’est comme ça.
Et puis, de temps en temps, il arrive qu’une personne pose ses mains sur moi, qu’un contact se produise. Un collègue qui vient mettre ses mains sur mes épaules alors que je suis assise devant mon écran. Une amie qui me serre dans ses bras. Une inconnue qui s’accroche à mon bras dans le métro pour ne pas tomber…
Cette femme, plutôt âgée, plutôt apprêtée. Manteau noir, mascara, & rouge à lèvres, un parfum léger. Les yeux mi clos pour lire son magazine, peut être à cause d’une coquetterie qui la retiendrait de porter des lunettes de vue. Un contact pourtant rapide, une discussion entre deux stations, comme deux usagers qui échangent des banalités sur la conduite sportive de certains conducteurs de métro, et pourtant il se passe quelque chose. Nous sommes allées nous asseoir après que deux personnes aient libéré leur place pour descendre, et la sensation a perduré. Comme un état de calme, d’apaisement. Comme si cette femme, sa présence, son parfum, sa voix, avaient sur moi un effet relaxant.
Brochant, il a fallu descendre. Au revoir madame. Et pourtant, j’avais envie de rester là, jusqu’au bout de la ligne près de cette aura reposante. J’ai eu envie de me tourner vers elle et de lui dire, madame, merci pour ce moment, peut être que vous ne le savez pas mais vous avez quelque chose qui émane, une aura, une présence qui m’a fait du bien.
J’ai voulu raconter, alors, l’influence de ces personnes, bien souvent des inconnus, qui apparaissent aussi soudainement qu’ils repartent, et qui, par une voix, un geste, nous donnent envie de nous poser, de rester là sans bouger, parce qu’on se sent bien. Ca m’est arrivé, quelques fois, de me sentir zen, bercée par la voix d’une vendeuse, touchée par une personne de mon entourage. A ce moment je me sens comme une enfant qui aimerait que cette voix continue à lui raconter des histoires pour s’endormir, ou que cette main reste là, posée sur mon bras.
Je ne sais pas si ces gens ont conscience de l’effet qu’ils produisent, ou si c’est juste moi. On parle souvent d’auras, ou de « toucher » qu’auraient certaines personnes, de magnétisme. Je ne sais pas s’il s’agit d’y croire, ou simplement d’apprendre à se laisser porter. Arrêter d’être constamment sur la défensive quand quelqu’un pose sa main sur vous, ou entre dans votre espace « intime ». Peut être s’agit-il juste d’accepter que nous sommes des être sociaux, et que ce contact est important et peut faire du bien. On l’a oublié, je crois, à Paris, dans notre mode de vie. Comme la parole, ou un sourire peuvent aussi déstresser en quelques secondes.
Merci, madame du métro, pour ce moment d’apaisement…