Intime & Réflexions · Voyages

le Brûle

Photo Manu Al

Eille que j’ai du mal à l’écrire, ce post. Deux semaines que je suis rentrée, et on me demande régulièrement : « alors, c’était comment ? ».

((Résumé des épisodes précédents : je suis partie à Burning Man. Je rêvais d’y aller depuis 2013, c’était planifié pour cet été, et puis non, et puis oui, et on a organisé cette folie avec un mois et demi de préavis.))

C’était comment, Burning Man.

Comment vous dire.

– premier tableau : les éléments –

C’était… la Terre. La Dust, ou poussière, qui vole, au moindre coup de vent, et se transforme en redoutable tempête. Qui se glisse partout, dans les tentes, dans les fringues, dans les souliers, dans la nourriture, dans l’eau. Déposer un objet pour dix minutes, et il se retrouvera couvert d’une fine pellicule blanche. La peau sèche, tire, les cheveux absorbent et refusent de se démêler, les ongles cassent, alors on s’enduit d’huile de coco et on se lave avec du vinaigre pour tenter de contrer l’alcalinité. La Dust et ses tempêtes, terribles, qui t’enveloppent sans s’annoncer, comme un nuage de poudre. Je suis la Dust, il disait. On est tous la Dust, après 8 jours dans le désert. Autour, les montagnes, sèches, superbes, majestueuses, rassurantes, maternelles presque dans ce désert blanc, alors qu’elles se parent de rose et d’orange au coucher du soleil.

C’était… l’Eau. Précieuse. Vitale. Boire entre 4 et 6 litres par jour au minimum pour ne pas se déshydrater sous 40° à l’ombre et 10% d’humidité. Pisser toutes les heures. Checker la couleur, trop foncé, tu bois pas assez, trop clair, tu retiens pas l’eau. Manger salé pour augmenter la rétention, ajouter des électrolytes, du magnésium, et d’autres minéraux. De toutes façons, avec la Dust plus rien ne goûte rien. Pisser dans une bouteille, la nuit, parce que les toilettes sont loin. Se promener avec sa bouteille, et faire des câlins pareil, c’est normal à Black Rock City. Boire, encore. Prendre une douche collective avec 150 autres personnes, tous à poil et on rigole, c’était peut être une de mes expériences les plus délirantes et géniale de la semaine. Se laver dans un seau le reste du temps, et apprendre à faire la vaisselle avec des pulvérisateurs.

Photo Manu Al

C’était… l’Acier. Un 747 posé au milieu d’un désert, un ours polaire, des robots, des robots, des robots (encore), des voitures modifiées, des camions qui crachent du feu, des vélos par milliers, un empilement de voitures, des balançoires géantes, un dôme de feu, une méduse géante. Des camions, des voitures, partout dans la ville, et une file immense sur la route pour venir, et repartir. Des génératrices pleines de gaz, essence, propane. Des carcasses certainement abandonnées après.

C’était… l’Air. Un immense ballon gonflé dans le ciel. Une fausse Lune. Et la vraie. La nuit, on ne voit pas les étoiles à cause de la lumière. Mais la Lune était rouge, au moment de se lever. Et l’air, la nuit, venait geler doucement le creux de nos cous.

C’était… le Bois. Les structures sublimes du Man et du Temple, et une maison dans une maison dans une maison. Le soir où le Temple brûle, on entend le bois craquer, on peut sentir l’odeur du feu et de la flamme, et des étoiles. et.

C’était… le Feu. Bien sûr. Intense. 88 000 personnes dans un désert sec, aride. Un ciel bleu pur, un soleil brûlant. Du bruit, de la musique, des cris, des chants, des discussions, partout, tout le temps. Le jour, la nuit, ça ne s’arrête jamais. Des stimulations constantes. De la lumière, partout, la nuit, des LEDs, des art-cars qui crachent du feu, des arts-cars qui crachent du son, des lasers qui déchirent le ciel. Des camps techno electro trance bass et j’en passe, des scènes prêtes à accueillir 3000 personnes, peut être plus. Des vélos, des manteaux, des oeuvres interactives, ou non, les petites lumières fluos et les lampes frontales sont nos meilleures amies, la nuit.

et-

le Brûle. Le Brûle de l’Homme. Le Brûle du Temple.

Photo Manu Al

– deuxième tableau : les autres –

Je voudrais vous parler des gens, des humains qui font et défont Burning Man, de  ces Burners vétérans, des rangers, des Sparkle Ponies, des milliers de Français (partout) (c’était peut être la 2e langue de Black Rock City après l’anglais), des Virgins comme nous. De l’alcool, de la drogue, du sexe. Des costumes fous, des initiatives, de la beauté des gens. Des liens qui se créent sous l’apparente superficialité des rapports.

Peut être que j’écrirais plus tard, un jour, ou pas vraiment.

Photo Manu Al

– troisième tableau : qui suis-je ? –

Je n’ai pas vraiment souffert de la chaleur, ni du manque de sommeil, ni de l’altitude. Mon corps, globalement, a été un vaisseau solide et rassurant pour traverser cet Océan.

Je n’ai pas été déstabilisée par le contenu. Des gens presque nus, de la sexualité libre, des costumes, une liberté d’expression totale, je m’y sentais parfaitement à ma place, et pas grand chose ne m’a surprise dans la folie de ce quotidien. En quelque sorte, ma réalité Montréalaise, ce que j’ai construit petit à petit depuis plusieurs années, la personne que je suis devenue, se mêlent parfaitement avec cet univers. De plus en plus à l’écoute de ma vérité intérieure, je m’en allais vivre mon premier Burn avec l’impression que je ne subirais pas de décalage brutal entre qui je suis dans le monde normal et ce qui s’exprimerait dans cet espace de liberté totale.

Les premiers jours à Black Rock City, pourtant, ont été difficiles. Tout ce bruit. Tout ce monde. Toute cette agitation. J’ai eu du mal à trouver mon centre, bousculée par  l’absence de repères, l’hostilité de l’environnement, l’apparente superficialité des connexions, l’hyperactivité, la surconsommation. J’ai douté, que faisais-je ici, pourquoi, qu’y avait-il à Black Rock City pour moi, était-ce bien ça ce rêve dont on m’avait tant parlé ? Où était la spiritualité, l’expérience « life-changing » et transcendante ? Déconnectée de mes habitudes de m’occuper des autres et prendre en charge des projets, loin de ma petite communauté de hippies câlineux et de mes forêts Québécoises, et malgré la présence rassurante du Barbu à mes côtés, je me trouvais seule face à moi-même, sans mes masques et mes outils habituels pour me contenir, me protéger, me reposer. Où planter mes racines, comment me nourrir dans ce désert aride ?

Alors j’ai plongé.

Burning Man is a place to surrender, surrender to the elements, surrender to the environment, surrender to oneself. Surrender, and release.

Burning Man est un endroit pour rendre les armes. Lâcher-prise. Lâcher les apparences, lâcher le contrôle, lâcher les tentatives même de faire. Dans cette aventure, je n’étais plus contenue par le rôle social de prendre soin des autres. Je n’avais plus d’autre responsabilité que m’occuper de moi-même, avec aucune référence sur comment le faire dans ce lieu atypique. Je ne pouvais pas être partout, je ne pouvais plus décider grand chose, je ne comprenais rien à ce dont j’avais besoin. En fait mon mental, quelque part, a disjoncté.

Un après-midi, après avoir cherché en vain toute la journée quoi faire pour soulager mon état de confusion, je suis partie me (re)trouver. J’ai roulé jusqu’au Temple, et je me suis assise, au milieu des gens qui pleuraient, du trop plein d’émotions, des photos de défunts, de chiens, des lettres d’adieu, des pensées. J’ai médité, longtemps.

Photo Manu Al

Alors soudain j’étais juste . J’étais. Pour la première fois depuis le début de l’aventure je me trouvais au centre. Dans le chaos émotionnel qui m’entourait, je touchais à ma Vérité. Je cherchais depuis des jours (des mois ?) à craquer, briser, expulser des émotions retenues. Mais j’étais déjà là, et ce qui restait, ce qui résistait encore, loin d’être enfoui, affleurait la surface, ne demandait qu’à être reconnu. Je n’avais qu’à accepter son existence.

J’ai écrit sur une page de cahier quelques mots pour le Temple, que j’ai pliée et coincée dans un recoin de la structure.

J’ai continué, vers la Deep Playa. Je me suis laissé me perdre dans une tempête de Dust, j’ai croisé les formes étranges des oeuvres et des gens, vélos, chapeaux, masqués. Au milieu d’un whiteout, un homme m’a hélée. Tu es perdu ? J’ai demandé. Non, il dit, je fais une série de photos, portraits de la Deep Playa. Veux-tu poser ?

J’ai posé telle qu’elle. Dusty, les yeux flous par le vent, sans aucune criss d’idée de quoi j’avais l’air. J’étais partie sur la Deep Playa pour me retrouver.

Je suis.

Lorsque le Temple a brûlé dimanche, j’ai ressenti sa force, sa puissance, l’émerveillement devant la charge spirituelle du moment – enfin, le calme, enfin, les soundcamps éteints, enfin, entendre le bruit des flammes, sentir l’odeur du feu, et voir les étoiles. Dans la quiétude du braisier, j’ai reçu un message. J’ai reçu la confiance, c’était beau et pur, et évident. Je suis vulnérable, et forte. Je suis sensible, et c’est un don. Je suis en pleine expansion, et je suis minuscule. Je ne sais rien, et je peux réaliser tout ce que je désire.

J’étais libre.

I can surrender and be loved.

I can approve of myself without guilt.

I can overcome my fears.

Alors, c’était comment, Burning Man ?

C’est l’endroit où j’ai pu reconnecter avec ma vulnérabilité.

Voyages

om shanti

Alors, je suis rentrée cette nuit.

J’ai encore des mantras en sanscrit qui résonnent dans ma tête. Ça s’accroche dur, ces machins là. Je sens mon corps qui bouge, et se contracte différemment. J’ai des nouveaux muscles, je dis. Et puis il y a ce décalage étrange. Mon rythme interne, ma perception des choses, du temps. Ma sensibilité, aussi.

J’ai quitté l’ashram avec un drôle de pincement, entre la tristesse de partir, l’impression d’abandonner quelque chose de moi là bas, et la joie, de retrouver ma vie ici. Je crois d’ailleurs que c’est comme ça qu’on réalise si on l’aime, cette vie. Être heureuse de rentrer à la maison après une semaine dans un endroit paradisiaque, libre de toute responsabilité.

Pour celleux qui ne m’ont pas suivie sur snapchat twitter et autres, je suis partie passer une semaine dans un ashram de yoga Sivananda, aux Bahamas. Un ashram est un lieu dédié à la méditation et la pratique du yoga, avec un mode de vie en accord les principes de l’ayurvéda et la spiritualité. Plus spécifiquement dans ce type d’ashram est pratiqué le yoga selon Swami Sivananda et ses disciples, dont l’un d’entre eux, Swami Vishnu Devananda, a amené le yoga en Occident.

C’est difficile de répondre à la question qui m’a souvent été posée, sur les réseaux sociaux ou par des amis : qu’as-tu retiré de cette expérience ?

Les premiers jours ont été difficiles, honnêtement. Déstabilisant. Se retrouver dans une communauté dont j’ignorais les règles et coutumes, avec l’impression que chacun savait quoi faire et où se placer. Et puis la solitude, qui avait été un semi-choix (je n’avais personne avec qui partir en vacances, c’est aussi pourquoi j’ai choisi ce type de séjour), et qui s’annonçait pour moi l’hyper-sociable comme un défi important. Enfin, le temps. Car là bas, le temps prend une autre consistance. Que faire de ces heures à… ne rien faire ? Mon hyperactivité a été mise à l’épreuve.

En discutant avec d’autres personnes, il semble que ce délai d’adaptation soit habituel. Effectivement, le troisième jour, je me suis levée naturellement pour aller à la pratique de 8 heures, et j’ai commencé à savoir comment remplir mes journées sans avoir l’impression que le temps s’écoulait à une seconde par heure.

Une fois passé ce temps d’adaptation, le rythme est pris. Réveillée par le soleil à 7 heures (je dormais en tente), une pratique le matin à 8 heures, un repas à 10 heures, un atelier, visite, ou temps à bronzer sur la plage ou me promener, pratique de l’après midi à 16 h, le deuxième repas à 18 heures, un moment détente, et me coucher vers 22 heures. Si j’ai essayé de me tenir à ces deux pratiques d’1h45 chacune chaque jour, je n’ai pas vraiment été assidue pour les satsangs, méditations collectives qui commencent et terminent la journée. J’avoue que la présence d’un chanteur de « chansons sacrées » aux paroles vraiment niaiseuses m’a un peu refroidie après la deuxième à laquelle j’ai assisté. J’ai préféré occuper ce temps à lire, marcher, écrire.

Le yoga Sivananda est basé sur les postures du hatha, et sur la pratique de respirations (pranayama) (ainsi que trois autres principes). À chaque classe la même routine, pranayamas, salutations au soleil, et les 12 asanas (postures). Entre chaque asanas, une relaxation. C’est une routine stricte et bien différente des yogas « adaptés » qu’on trouve dans la plupart des studios d’Amérique du Nord, mais extrêmement intéressante, et qui m’a beaucoup appris sur ma pratique du yoga que sur moi-même.

Un des profs, Arjuma, un « vétéran » du yoga Sivananda devenu prof un peu par hasard en 1982, avait l’habitude de dire de certaines postures qu’elles nous mettent face à nous-même, qu’elles viennent chercher des cicatrices absorbées par le corps, et les travailler. Il disait ceci particulièrement concernant le shoulderstand (équilibre sur les épaules, ou la « chandelle » comme in disait quand on était gamins). Je peux dire que j’en ai une grosse, de cicatrice, au milieu de mon dos, je la connais depuis des années. Et qu’elle a travaillé fort.

Petit à petit, jour après jour, pratique après pratique, j’ai senti mon corps et mon esprit abandonner leurs défenses. J’ai senti ce point dans mon dos lancer jusque dans mon bras  droit, puis disparaître. J’ai pu aller de plus en plus loin dans certains asanas, rester dans les postures et les méditations plus longtemps. J’ai senti mon corps se renforcer, ma posture se redresser, l’énergie circuler différemment. Je n’avais plus faim entre les deux repas. Et mon rythme, doucement, s’est ralenti, a pris la forme et la texture de ces journées chaudes, la lenteur de ces pratiques.

Quelque part aussi, une de mes peaux s’est arrachée. Une couche qui tenait encore pour me protéger du monde extérieur. C’est difficile à expliquer, je m’en suis rendu compte à mon retour où, tenant une personne que j’aime dans mes bras, je me suis sentie complètement perdue, vulnérable, pas fragile, mais comme lorsque la peau pèle et que la couche en dessous est plus sensible.

Je me sens changée. Pas en mon centre, celui ci reste fort et solide, je pense que je l’ai bien reconstruit l’an dernier. Non. Changée dans mon équilibre, dans la façon dont mon énergie existe et se produit en moi. Changée dans ma perception des choses (je vais pas commencer à vous raconter mon expérience avec les énergies et les chakras, je passerai pour une folle). Changée dans cette couche qui quelque part a été arrachée à force de shoulderstand, de poisson, et de me « retrouver face à moi-même ». Présentement, il s’agit un retour à la réalité, retrouver mes repères, et le rythme nécessaire pour fonctionner « normalement ». Une décompression, disent les Burners*.

Je sais que je vais retrouver mon équilibre antérieur, rapidement. Mais je voudrais me souvenir que cet état existe, ce sentiment d’être dans le présent et pouvoir ralentir le temps.

« Asana consists in three parts. The two easiest are to enter the posture, and leave the posture. The most difficult is to be. There is the true meaning of yoga. Don’t do. Be. » – Les sages mots d’Arjuma

(« Chaque asana comprend 3 parties. Les deux plus faciles sont d’entrer dans la posture, et sortir de la posture. Le plus difficile est d’être. Voilà le vraie sens du yoga. Ne pas faire. Être. » )

Pour plus d’infos sur le yoga Sivananda, les retraites et les autres façons de pratiquer :

https://www.sivanandabahamas.org

Il y a des ashrams en France, en Inde, et en Amérique du Nord (dont celui de Val-Morin au Québec qui est le premier fondé par Swami Vishnu Devananda), ainsi que des cours dans des centres dédiés dans les grandes villes.

Et pour les questions, les commentaires sont ouverts !

Montréal, Québec · Voyages

le grand écart

Plus d’un an et demi que je n’ai pas mis les pieds en France et je me sens de plus en plus loin de « mon pays ». Le décalage est encore plus flagrant lorsque je parle avec mes amis Français (qui vivent en France), et particulièrement lorsqu’on reçoit de la visite chez nous – je me surprends à corriger les gens sur le fait qu’ici, les gens sont Québécois avant d’être Canadiens, à perdre mes expressions françaises, à ne plus comprendre certaines façon de faire ou de penser, à être susceptible sur les classiques comparatifs « en France, c’est différent ». Plus le temps passe, moins je supporte les « Français du Plateau », l’attitude parfois arrogante de nouveaux arrivants ou de ceux qui, malgré plusieurs mois/années ici, semblent encore agir comme si Montréal était une banlieue lointaine et sympathique de Paris.

Il serait difficile de décrire ce que j’appelle « l’intégration ». Chacun fait son chemin à guise, chacun vit son expérience à sa façon. Je suis malgré tout toujours surprise des Français qui après plusieurs années ici n’ont encore que des amis Français – les mêmes qui semblent dire que les Québécois sont très sympathiques, mais que c’est vraiment compliqué de s’en faire des amis ; les mêmes qui chialent (râlent) indéfiniment sur les différents aspects de la vie ici mais qui vont quand même demander leur citoyenneté canadienne.

Je l’ai déjà écrit, je ne me sens pas ici comme une « expatriée », mais bien comme une immigrante, une nouvelle arrivante qui compte bien faire de ce pays mon futur « chez moi ».

La vérité, c’est que je ne sais plus vraiment où est chez moi. Alors que le Canada est en pleine campagne électorale, je réalise que je ne sais pas comment, en 2017, je vais pouvoir voter – et que d’une certaine façon, j’en sais plus sur les récents scandales politiques de mon pays d’adoption que sur le bordel de la situation socio-economico-politique française. Ne me parlez pas de l’actualité people – je suis perdue sur Twitter, je comprends plus les références, à part celles sur Morano.

Je suis en transit. Quelque part au milieu de l’Océan Atlantique, un pied sur chaque rive, je garde un étrange équilibre. Je suis et je resterai toujours Française, avec une éducation, une mentalité, une culture, un caractère que les Québécois, si amoureux et fascinés par « les Europes » soient-ils, ne comprendront sans doute jamais. Et inversement. Le Québec est une anomalie de l’Amérique du Nord, coincé quelque part entre sa volonté féroce de conserver sa langue, sa culture, sa religion, et pourtant immergé dans une culture Nord-Américaine anglophone, protestante et fondamentalement métissée. On se sentirait vite chez soi, l’accueil est chaleureux, la langue ressemble à notre français, Montréal est belle, joyeuse, attirante, ils sont tellement gentils, nos « cousins » Québécois. Et pourtant, on est ailleurs. Sur un autre continent, dans un autre pays, encore en pleine affirmation de sa personnalité.

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Je pourrais y passer des heures, je ne pourrais jamais expliquer tout ce qu’il y a dans ce pays qui me fascine. La beauté des paysages, immenses. Le rythme violent des saisons qui nourrit chaque année un peu plus nos discussions sur la météo. La richesse et la simplicité des gens. Le respect de l’autre, la tolérance, et le sentiment de liberté qui découle de l’idée que tout est possible, car personne ne se permettra choisir à votre place ce qui est mieux pour vous (sauf si vous avez le malheur d’être musulmane et voilée).

Bientôt 3 ans à Montréal. Je ne me suis jamais faite harceler dans la rue. Je n’ai plus peur depuis longtemps de rentrer seule le soir. Je me promène habillée comme j’en ai envie, sans me faire siffler, sans me faire accoster, sans une main au cul ou un commentaire désobligeant. J’ai des tatouages qui couvrent tout mon dos, et les cheveux mauves depuis 3 mois, et les seules fois où je me suis fait arrêter dans la rue, c’était pour des compliments. Je n’ai pas peur de me faire voler mon téléphone, dans un bar. Il n’y a pas de code pour entrer dans mon immeuble. Je sors dans des soirées où les gens sont costumés, où les garçons portent des jupes car le genre n’a pas d’importance, où on est accueillis par des câlins, où les filles se promènent en pasties (nippies, pour les françaises). Je vis dans une ville où les gens s’excusent quand ils te bousculent, ne poussent pas dans le métro (pas sans avoir dit « pardon »). C’est pas le pays des Bisounours (preuve : ils ont élu Harper), mais c’est doux, et reposant. Et je pense que ça retourne un peu nos habitudes.

Pourtant. Ça me manque, parfois, les débats d’opinion, de pouvoir échanger sans toujours devoir arriver à un consensus, pour le pur plaisir de la rhétorique. Ça me manque la densité, la variété, les odeurs et les couleurs de Marseille ou Paris. Ça me manque l’accent du Sud, la mer, les montagnes, le bruit des cigales, l’été. Ça me manque de pas toujours comprendre ce qu’on me dit, parce que j’ai beau être devenue fluent en Québécois des villes, j’en apprends encore tous les jours. Ça me manque de prendre le TGV, d’être dans un autre pays en 1h d’avion, le vin pas cher, les rayons de produits laitiers du Monoprix ou du Géant Casino, les recettes en grammes et pas en « cup », la lingerie cheap et sexy, les millions d’enseignes de magasins de fringues et de chaussures, et même de déco, rentrer à pieds parce que tout est à côté, voir la Tour Eiffel scintiller à minuit.

Je n’échangerai ma vie ici pour rien au monde, et surtout pas pour mon ancienne vie parisienne. C’est un mal différent qui m’a prise ces derniers mois. Un mal de mes racines. Je n’appartiens plus à  là d’où je viens, et je ne suis pas encore ici vraiment chez moi – je ne le serai sans doute jamais complètement.

J’appréhende mon voyage en France en Décembre comme la claque que je risque de prendre. J’appréhende ce décalage de trois ans d’absence, de mon intégration québécoise, des changements de route, de revoir ces paysages familiers au travers d’un regard différent.

Montréal, Québec · Voyages

immigrante

immigration-clandestine(photo)

Quand j’étais à l’école, en cours d’histoire-géo, on a appris la différence entre émigrer et immigrer. Émigrer : quitter son pays. Immigrer : arriver dans un nouveau pays. On notait les flux migratoires avec des grosses flèches de couleurs, et on apprenait l’histoire de tous ces peuples qui s’étaient baladés d’un continent à l’autre. Plus tard, j’ai étudié l’histoire des États-Unis, les différentes couches de population européennes, le commerce triangulaire, et l’hispanisation de cet immense pays via cette frontière poreuse avec le Mexique.

Pendant des années, en France, j’ai entendu parler de l’immigration. Des immigrants, ces méchants étrangers qui volaient le travail des gentils Français. L’immigration, avec la question de l’intégration, les plombiers polonais, les musulmans, et les discours radicalisés. La question des sans-papiers, des sans-abris, les arrestations, les extraditions. Les migrants qui traversaient la Méditerranée au péril de leur vie pour s’installer en France, ce pays où ils vivaient avec presque rien et trouvaient malgré tout de quoi pour envoyer une partie à leur famille, là-bas, en Afrique.

J’ai grandi à quelques kilomètres de Marseille. Dans ma classe il y avait Annaëlle, qui parlait Espagnol dans sa famille et qui avait une maison en Catalogne. Il y avait Idriss et Yanis, les beaux gosses à la peau bronzée. Il y avait Thomas, dont j’ai appris plus tard qu’il était juif et petit-fils de déportés polonais. Il y avait Maëva, métisse d’une maman vietnamienne, et d’un père espagnol. Et Myriam, qui faisait du scoutisme avec moi. Plus tard, j’ai travaillé avec Farah, qui rentrait au bled pendant les vacances. Malanto, au nom de famille imprononçable, dont on aimait à dire pour l’embêter qu’elle venait de Malgachie. Pelin, Turque. Dounia, Marocaine. Joseph, Libanais catholique dont la barbe et les cheveux l’auraient aisément fait passer pour un terroriste (ou, dans d’autres temps, un révolutionnaire Cubain). J’ai grandi au milieu de tous ces noms Italiens qui ne m’ont jamais semblé plus étrangers que les Espagnols, Arabes, Portugais, Asiatiques, Europe de l’Est, Juifs, et autres. Je n’ai réalisé le métissage dans lequel j’évoluais qu’en voyageant – l’Allemagne d’abord, puis  le reste de l’Europe, et bien sûr, le Québec. Ma mère s’appelait Venturini. Elle a du sang Italien, et Belge. Mon père est Français, de l’Est de la France – ce coin qui a changé de langue et de nationalité un bon nombre de fois au siècle dernier. J’ai fait des études où m’a parlé de la mondialisation, où on m’a formée à travailler dans un contexte multi-national, j’ai étudié en Allemagne, et c’était normal, et mes amis sont partis faire des stages au Panama, au Pérou, à Londres, en Chine.

Pour moi, l’immigration, c’était ces migrants d’Afrique qui se dépensaient toutes leurs économies pour traverser le détroit de Gibraltar dans un canot de sauvetage en espérant trouver une vie meilleure. Pour moi, les étrangers, c’étaient ceux qui ne parlaient pas ma langue, qui n’avaient pas ma culture. C’étaient pas mes camarades de classe, mes collègues de travail, ou mes voisins.

Et puis je suis partie. J’ai Émigré depuis la France pour Immigrer au Canada.

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Quand tu pars, dans ces conditions – faire un PVT sur un coup de tête, pour t’installer dans un pays occidental, aisé, où on parle français et anglais – à aucun moment tu t’imagines comme ces migrants entassés dans un camion avec un sac et un jean pour tout bagage. Quand t’arrives au Québec (à Montréal), on t’accueille les bras ouverts. Bienvenue ! te dit le douanier. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, on est là, dit la dame d’Emploi Canada qui te donne ton NAS (numéro d’assurance sociale – requis pour travailler). On réalise pourtant bien qu’en effet, malgré une langue à peu près commune, et une certaine culture partagée, on est dans un autre pays, à l’étranger. Et c’est normal, après tout – on a traversé l’Atlantique, on a beau partager quelques ancêtres (ces fous qui avaient décidé de quitter leur Normandie humide pour ce pays gelé la moitié de l’année), on est loin d’être en France. Et c’est bien.

Doucement, on s’acclimate. On découvre, on apprivoise. Ya plein de Français, ici, et le Québec voue une forme d’amour-haine au Vieux Continent, alors on se sent à la fois chez soi, et pas trop dépaysés, et à la fois dans une nouvelle vie. C’est grisant. On découvre cette terre d’immigration, à Montréal, ces quartiers multi-ethniques, où Latinos, Italiens, Vietnamiens, Maghrebins, Indiens et Haïtiens se côtoient. On discute avec les chauffeurs de taxi qui racontent que là bas (ie en Haïti ou au Maghreb), ils étaient profs, médecins, ingénieurs. Que ça prend 6 ans, d’avoir une résidence permanente. Qu’ils avaient jamais posé le pied ici avant, qu’ils ont tout quitté là bas, qu’ils ne sont pas rentrés depuis.

On se trouve chanceux, à ce moment, d’être Française. De parler cette belle langue, d’avoir des diplômes reconnus ici, et des facilités pour avoir un visa, et trouver du boulot. On dit à nos amis « venez, c’est cool ici, c’est simple de venir s’installer ».

Puis les galères avec l’immigration commencent. En 2 ans, j’ai cumulé des « malchances », des décisions qui m’ont semblé très arbitraires et qui m’ont amenées récemment à perdre un boulot qui me plaisait, et pour lequel j’étais pourtant qualifiée. Je ne rentrerai pas dans les détails, ça n’est pas le but de ce billet. Deux ans après être arrivée au Québec, et malgré un « plan de match » bien planifié au départ (je vois souvent des gens qui, arrivés à la fin de leur visa, commencent à se poser la question de comment rester – ce n’est pas mon cas), je n’ai toujours pas de statut permanent ici – et en fait je n’ai pas vraiment de statut tout court.

Ces derniers mois, j’ai passé beaucoup de temps à évaluer les différentes options, parcourir le site de Citoyenneté Immigration Canada, les forums, etc. Le fait est que des décrets sont passés, des changements ont été mis en place, les délais de traitement des dossiers sont devenus extrêmement longs par rapport à quelques années en arrière. Parallèlement à ça, le Canada et le Québec traversent comme le reste du monde une « crise » économique, et des mesures d’austérité sont mises en place. Qui dit austérité dit coupes de personnel, ce qui peut expliquer l’augmentation des délais de traitement et la complexification des critères – pour limiter les demandes peut être. Des discours émergent ça et là, particulièrement au Québec, reprochant doucement à l’immigration son influence sur la situation socio-politique (notamment par rapport à la souveraineté du Québec). Réaction humaine face à l’adversité, et similaire à ce qu’on observe depuis un moment en France : on pointe du doigt les étrangers. Ici, pourtant, l’immigration est choisie, quantifiée, qualifiée. Ici pourtant, la tolérance est une réalité. Mais on a peur.

Ces dernières semaines, malgré 2 ans ici, malgré ma volonté d’intégration (que je pense réussie, même si j’apprends tous les jours et que je me sens toujours Française, je pense faire ce qu’il faut pour m’adapter à la culture et la mentalité Québécoise), malgré un accueil toujours chaleureux et des bras grands ouverts, malgré la possibilité de trouver du travail, je me sens comme une immigrante – dans le sens péjoratif qu’on donne en France. Je n’ai aucune possibilité d’influer sur ce qui décidera de ma situation ici. Je n’ai pas le droit de vote. Je n’ai pas la possibilité de contacter directement les bureaux d’immigration – seulement envoyer des dossiers. Je dois attendre. Attendre sans avoir le droit de travailler, sans couverture santé, sans savoir combien de temps ça prendra pour régulariser ma situation – et sans pouvoir quitter le Canada, sous réserve de prendre le risque qu’on me refuse de rentrer à nouveau.

Autour de moi, plusieurs personnes sont dans des cas similaires – complications par rapport à leurs demandes, délais de traitements indécents, changements au niveau des conditions pour obtenir un permis de travail qui compliquent leurs recherches… Entre Français, on en parle, on sait, mais la plupart des Québécois ne comprennent pas. Tu as un boulot, tu es qualifiée, tu parles français, alors pourquoi ?

quebequisationphoto Urbania

Je n’ai pas de réponse, je ne veux pas chercher à comprendre. Mais je veux rester. Le pire, c’est que notre situation de Français immigrants au Canada est relativement enviable par rapport à la plupart des situations d’immigration dans le monde (je ne parle même pas de la France…). Certains s’accrochent. D’autres doutent. Comment aimer un pays qui nous met des bâtons dans les roues ?

J’ai le « malheur » d’être tombée en amour avec le Québec. Avec ses gens. Sa météo. Sa culture. Avec ce barbu Québécois. Avec Montréal. Il va falloir plus que ça pour me décourager de rester, mais j’aurais aimé que le chemin soit plus facile.

Je voulais simplement témoigner de mon expérience – oui, le Canada est une terre d’accueil, mais ce n’est pas l’Eldorado que la télé française nous décrit. Avoir un permis de travail temporaire est – sur le papier – facile, mais ne garantit rien par la suite. Être francophone ne donne finalement que peu d’avantages, à moins d’avoir un métier très en demande ici (ingénieurs, développeurs, réseau, infirmiers, médecin). Et surtout, on reste des immigrants. Des étrangers. En sursis.

Je rêve d’un monde sans frontières – celui dans lequel j’ai grandi -, je rêve de n’avoir à justifier mon envie de vivre ici que par l’amour que je porte à ce pays, même si je n’oublie pas d’où je viens. Je rêve du jour où j’aurais enfin la reconnaissance légale, et la liberté à durée indéterminée de me sentir pour de bon chez moi.

Montréal, Québec · Voyages

trente mots pour dire neige

ruelle villeray

Deux ans.

Ça faisait deux ans le 4 février que j’ai posé mes valises à Montréal, et deux ans que j’apprivoise doucement cette nouvelle vie qui me semble pourtant si naturelle. Il y a deux ans, en survolant le Québec, j’avais été submergée d’une émotion difficile à décrire. Sous les hublots de mon Boeing Air France s’étendait à perte de vue des plaines blanches, striées de tâches sombres et de lignes déboisées – le tracé des kilomètres de lignes électriques qui traversent le pays pour alimenter un bon bout de l’Amérique. Au Nord, cette immensité vallonée, ces fjords, ces lacs recouverts de glace. Au Sud, une énorme trouée bleue, cicatrice coupant le pays en deux rives que j’apprendrais plus tard à connaître : le majestueux Saint-Laurent. J’avais sans le savoir survolé Baie Saint-Paul, l’Île aux Coudres, et l’ïle d’Orléans. Vu du ciel, le fleuve était couvert d’écailles de glace formant de mystérieux dessins. Et puis Montréal. Je ne me lasse pas d’atterrir au dessus de ce qui est désormais ma ville, d’observer le tracé des rues, le Mont Royal qui parait si petit vu d’en haut, les tas de neige, les parcs.

En deux ans, j’ai apprivoisé une nouvelle culture, mais j’ai surtout apprivoisé une nouvelle météo.

On vous a dit que l’hiver était long, et rude, par ici. On vous a parfois aussi mentionné que l’été est tout aussi brutal, lourd d’orages violents et d’une humidité poisseuse. On vous a raconté cet automne flamboyant, l’été des Indiens qui recouvre ce territoire de couleurs indescriptibles, comme le bouquet final avant d’entrer dans l’hiver. Ce long hiver. Ce dur hiver.

jacques cartier

Ici, j’ai appris la neige, ou plutôt les neiges. Les premiers flocons de Novembre ou Décembre, qui fondent aussitôt cristallisés. Les premières vraies tempêtes de Décembre, qui piègent la ville dans un doux manteau cotonneux, et marquent le coup d’envoi de la saison hivernale. J’ai découvert qu’il pouvait neiger par -25, que cette neige est sèche, brillante, et qu’on ne peut pas faire de boule de neige car elle ne s’agglomère pas. J’ai découvert aussi que la neige et la glace peuvent fondre à des températures négatives, sans quoi on serait sous l’eau de Décembre à Février. Et la slush, pourriture des trottoirs, cette sensation de marcher dans de la vase glissante pendant trois mois, ces gravillons qui collent et se foutent partout, qu’on retrouve encore lors des grands ménages de printemps.

J’ai appris le froid. Ce froid tellement différent de notre climat Européen. Un froid sec, et presque agréable quand on reste entre -5 et -15, qui se fait cassant et brûlant si le vent s’installe ; et qui glace tout sur son passage lorsque la neige tombe à l’horizontale. J’ai réalisé que j’aimais mieux ce froid là de Janvier-Février que celui de Novembre, ce froid parisien humide et pluvieux qui s’immisce partout et nous colle à la peau. J’ai fini par comprendre pourquoi les gens se mettent en t-shirt dès les premiers beaux jours de Mars, lorsque le thermomètre atteint les 0. Ils ne sont pas fous. Ils sortent d’hibernation.

J’ai appris les pluies d’hiver, les pluies verglaçantes qui gèlent à peine l’eau touche le sol – ou les arbres, ou les vêtements, ou. Le sol gelé par une couche de glace qui ne s’en va pas, piégeant de trous les routes et les trottoirs. J’haïs la pluie, tellement.

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Et surtout, j’ai réappris les saisons. Le printemps, qui dure deux semaines. Le printemps qu’on attend, ou qu’on n’attend plus, pogné quelque part entre fin Avril et mi Mai. Une vision extraordinaire de la nature qui se réveille en sursaut, alors que le sol finit enfin par dégeler, que l’herbe et les feuilles sortent en même temps que les fleurs, dans une inconcevable anarchie végétale.

Et puis l’été. Cet été si court, et si long à la fois. Juin, Juillet, Août. Le 38 degrés facteur humidex qui te plaque au sol. La chaleur liquide qui s’écoule sur les trottoirs, rendant la marche difficile. Les journées passées allongée sous un ventilateur, parce qu’il n’y a pas d’autre solution, que bouger est rendu impossible. Les orages, qui éclatent en quelques minutes et noient Montréal telle une mousson, faisant des rues des torrents, inondant tout sans exception d’une eau tiède et vivifiante.

Été, Hiver, coincés entre un printemps et un automne de deux semaines, noyés dans l’existence plate des intersaisons.

Montréal est une réalité saisonnière, notre quotidien rythmé par des phénomènes météorologiques qui seraient une apocalyspe ailleurs, et qui ne sont ici qu’une réalité avec laquelle il faut vivre. Deux ans pour me laisser bercer dans cet univers. Deux ans à apprivoiser ces humeurs. Et je l’espère encore beaucoup à venir…

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De Rosemont à Jarry

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Voilà bientôt 2 ans que je vis dans ce quartier (oui,ça fera 2 ans en Février, laissez moi les quelques mois qui manquent…), d’abord côté Rosemont-Petite Patrie, puis j’ai emménagé dans la Coloc’ Bien, deux blocs plus au Nord, et je suis passée du côté Villeray de la Force. Ce quartier, c’est mon quartier. Arrivée là par hasard (je voulais vivre sur le Plateau – comme tous les Français – j’ai finalement trouvé une chouette coloc rue Bélanger où j’ai passé 6 mois), je suis tombée sous le charme, et lorsqu’il a fallu déménager je n’ai pas voulu m’éloigner. Alors oui, on me dira « Jean-Talon ? c’est loiiiinnn ». Mais loin de quoi ? D’Hochelag’ ? De St Henri ? J’y vais très rarement…

Non, Villeray ce n’est PAS loin. Je suis environ à 30 min de à peu près partout où je vais régulièrement. En vélo c’est encore plus rapide. Et surtout, j’ai une vraie vie de quartier, comme il me semble qu’on ne trouve plus sur le Plateau ou dans le Mile End, parce que well, c’est rendu super fancy-touristique-hipster. C’est clair que Petite Patrie / Villeray a bien changé en quelques années. Je ne connais pas ce coin depuis un bout mais en 2 ans (ok, 20 mois) ça a déjà pas mal évolué, et plein de commerces, bars, restos et cafés sur sympas se sont ouverts.

Je voulais donc partager ici quelques bonnes adresses et places que j’apprécie et qui font à mon sens le charme du coin, et valent presque le coup de prendre le métro pour dépasser Laurier. Je vous jure, il y a de la vie au Nord de la voie ferrée. Tu peux passer le pont, même que le métro se rend au delà, et que le soir ya le 361 pour rentrer. Promis, on mord pas.

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Au Nord de Laurier, on peut boire du bon (du très bon) café. Et des chaïs, aussi. Parce que le chaï latte, c’est la vie. Ya même des cafés avec wi-fi pour venir travailler avec ton laptop – trop MODERNE. Ça commence sur Beaubien avec le Moustache Café (1). Juste à côté, le café Odessa (2) – plus pour emporter – à mon goût un peu moins bon et je préfère la déco et le service du Moustache. En remontant un peu, RDV chez Larue & Fils (3), un petit café au coin de Castelnau et Henri Julien (NDLR : ils viennent d’ouvrir une succursale sur Jarry /St Denis!), et encore un peu plus haut sur Villeray, le Café Vito (4) propose des cafés à emporter (ou à siroter sur une chaise à l’ombre des arbres…) de 6am à 11pm. Toujours sur Jarry, le OUI MAIS NON (5) a ouvert il y a peu – je n’ai pas encore testé mais on en dit du bien sur À la Mode Montréal.

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Au Nord de Laurier, on peut aussi boire de la bonne bière. Et d’autres choses. Pour commencer par les microbrasseries, mon bar chouchou est bien sûr le Vices et Versa (1), sur Saint Laurent (juste en face du parc de la Petite Italie). Le choix de bières est assez fou, la bouffe correcte, et il y a une super terrasse ben cute et ombragée à l’arrière. Je n’ai pas eu l’occasion de tester le petit dernier, l’Isle de Garde (2) (Beaubien et Christophe Colomb) mais ils semblent avoir une très belle sélection de bières locales. Je n’ai pas non plus encore été à la Brasserie EToH (3), sur Jarry et Saint Denis, qui propose aussi une belle carte de bières locales et d’ailleurs.

Côté apéro, entre bar et resto, le Huis Clos (4) (St Denis / Villeray) est un bon endroit pour un plateau de fromages – un peu cher mais la qualité est là. De retour sur Beaubien, je décerne une mention spéciale au Nacho Libre (5), pour sa communication Facebook complètement WTF et ses soirées à thème. Pas de la grande cocktaillerie, mais on y mange bien pour de la bouffe de bar à partager (tacos), et il y a des balançoires ! Le soir, j’ai passé quelques soirées sympas au « NDQ », le Notre Dame des Quilles (6) (Beaubien et St Laurent, en face du Café Moustache) qui comme son nom l’indique a une piste de bowling en dedans. Les cocktails sont à des prix très corrects, l’ambiance est hipster-gaie (gaie comme dans LGBT) et la musique plutôt bonne. Le Pub Saint-Édouard (7), sur Rosemont, a été notre QG pendant un temps avec la copine Maryne. Enfin, pour une ambiance plus décalée, le Miss Villeray (8) est un bar de quartier ben le fun.

Je mentionne ici au passage la SAQ Sélection (9) sur Beaubien et Boyer, qui est une des plus grandes SAQ de Montréal et qui propose un très beau choix avec un étage entier dédié aux vins de « cave » pas toujours plus chers que ceux d’en bas.

bottega-montreal-pizza

Voilà pour le boire ! Et pour le manger ?

C’est important le manger. Et on a de la chance : ya de très bons restos dans mon quartier. Je vais cependant limiter ma sélection à ceux que j’ai testés (et ceux qui sont pas trop chers). Burgers, brunch, asiatique ou italien… Il y en a pour tous les goûts et j’adore sortir manger pas loin de chez moi.

Le coup de coeur burger : La Boulette (1), sur Beaubien et de Lorimier. Ok, c’est un peu loin mais ça vaut le coup. Et c’est juste en face du Cinéma Beaubien – parfait pour une 2e partie de soirée. J’avais déjà parlé de la Boulette ici -> à la recherche du burger presque parfait

Le coup de coeur italien / pizza : À mon goût de Sudiste élevée à la pizza maison et aux camions de pizza (les foodtrucks n’ont rien inventé), je trouve que les pizzas sont généralement dégueulasses à Montréal. C’est là que j’ai atterri un jour à la Bottega (2). Pizzas au feu de bois à un prix « raisonnable », le resto est toujours bondé même si les vins, quoi qu’excellents, sont chers. Tant pis, on se fait plaisir !

Le sushi pas cher quand on a la flemme de cuisiner : Sushi Futago (3) sur Bélanger / de Normanville. Ils livrent dans le quartier, la madame au téléphone est adorable mais parle un français mitigé et comprend pas grand chose, mais c’est toujours bon, pas cher, et livré rapidement.

regine-pain-dorele pain doré du Régine Café – photo blog.artv

Le(s) brunch(s) qui font du bien par où ça passe : trois adresses.

Pour la version pas chère mais vraiment bonne : le Vieux Vélo (4) (Beaubien / St Dominique) . On mange pour 10-12$ une belle assiette de deux oeufs bénédictines sur muffins anglais. Le café est à éviter (jus de chaussette) mais les jus (de fruits) se défendent bien.

Le Régine Café (5) (Beaubien et Papineau), mon chouchou, là où je vais pour m’exploser le ventre, où j’emmène les amis de passage. Un beau choix d’assiettes plus ou moins classiques, de la gaufre aux tartines salées, la carte s’adapte à la saison. On se régale, et OUI ça vaut le coup d’attendre 30 minutes pour entrer.

Le Santa Barbara (6) (St Zotique et St Vallier). Un resto semi-végé qui mélange la cuisine Nord et Sud-Américaine. La carte évolue régulièrement, c’est pas donné mais ça vaut le détour. Ils font aussi resto « normal » les soirs de semaine.

Enfin, une petite note pour faire son épicerie. ÉVIDEMMENT le Marché Jean-Talon, mais aussi cette épicerie bio et pas chère : Mondiana. On y trouve à peu près les mêmes produits que Rachelle Bery ou Aliments Tau, mais en moins cher (et plus bordélique). Je fais pratiquement toutes mes courses là bas.

Alors non j’ai pas fait le tour. Je vous ai pas parlé de la Plaza St Hubert qui est pleine de magasins bien surprenants et pas si quétaine, ni de mon nouveau coiffeur trop bien où on se fait laver et masser la tête allongé sur un matelas, ni du Pourvoyeur (10) ou du Café Beaufort. Mais bon cet article fait déjà 1200 mots alors on va arrêter là pour cette fois !

 

Intime & Réflexions · Voyages

le vent nous portera (encore)

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Cet été aura duré deux ans, up and downs, les amis, les soirées, le soleil, les chalets, et aussi la pluie, cette semaine d’automne en avance qui plombe le moral et renfile jeans et bottes. Les soucis, parce qu’on réalise qu’il faut repartir à nouveau en recherche de boulot, parce que le compte en banque se vide plus vite qu’il ne se remplit. Et le manque, implacable, celui qu’on a pas vu venir, celui qui te coupe les jambes et te bouffe toute envie de bouger, manger, dormir. Les nuits à tourner. Les larmes qui montent parfois. Le goût de rien.

Et puis on y est. On a beau en avoir parlé, avoir imaginé ce moment, 10 fois, 100 fois, on sait pas trop bien ce qui va se passer, finalement. Ya cette jolie robe qu’on porte pratiquement jamais, même s’il fait bien trop froid pour la saison. Ya un hall d’aéroport, rempli de monde qui se retrouve, qui attend aussi, beaucoup, fucking série noire ou retour de vacances, la moitié des vols est annoncée comme retardé. Ya ces pas qu’on fait d’un bout à l’autre, le ventre qui se serre, le coeur qui bat trop vite, l’ascenseur émotionnel qui appuie sur tous les boutons, ça monte et ça descend, on sait plus trop où se poser. Les minutes trop longues, les messages, et puis.

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Ya plus de mots, à un moment, on a juste nos yeux et nos bouches et nos mains, et le goût que ça s’arrête plus jamais. Ya rien à dire, on a trop parlé, il faut vivre. Alors on est partis, un peu plus loin au Nord, pour retrouver le goût du sel et du vent dans nos cheveux. Quelques jours pour oublier, oublier cet été trop long, oublier l’automne qui s’en vient avec ses obligations, ses responsabilités, son stress. On y pensera plus tard. Là, on veut du présent. On veut être seuls au monde parce que c’est comme ça. Loin pour faire chier personne avec des sourires niais sur nos faces et le besoin constant de se toucher pour se dire c’est bon, t’es là, pour vrai, on se sépare plus, promis. Avoir à nouveau 17 ans.

C’était beau, le Saint-Laurent. On dirait presque la mer, tu sais, l’odeur de l’iode, je t’en avais parlé. On se croirait un peu en Bretagne, sur cette île venteuse, de gros cailloux d’ardoise qui descendent jusque dans l’eau. On a chevauché sur la plage entre les rochers ronds et sur les galets. On a grimpé cette montagne pour voir de loin, tout en haut la crête râpée par le vent et le froid, et cette nature. On s’est assis autour d’un feu de camp immense, écouté la musique jam, discuté avec des matantes en goguette dans un Westfalia. On a marché, les pieds dans le sable, jusqu’à quelque part à mi-chemin de l’horizon, et nos Vans pleines de la vase qui fait comme des limaces entre les orteils ; on a mangé beaucoup trop de fromage, de burgers et de saucisson et bu de la bière IPA ; on pris des covoitureurs – encore des Français, partout ; on a roulé roulé roulé jusqu’à rentrer sur l’île. Montréal. Retour à la réalité.

J’ai pas vraiment les mots pour raconter, et puis ya pas besoin, ya juste des sourires et le vent qui fait qu’on se sent étrangement libres. Libres et heureux.

Dis, on repart quand ?

 

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