Intime & Réflexions

les nombrils

J’ai ouvert mon premier « blogue » quelque part entre 2002 et 2004. J’étais au lycée, et non ce n’était pas un Skyblog (Dieu merci), mais un journal intime en ligne hébergé sur une plateforme qu’un petit génie avait créé.

À l’époque, j’écrivais comme on respire, je transpirais mes émotions d’adolescente en pleine implosion, trouvant un certain réconfort dans l’idée que des oreilles anonymes m’écoutaient, quelque part derrière leur écran. J’avais par ailleurs des carnets, feuilles volantes, brouillons de mots que je crachais un peu partout selon l’inspiration, ou plutôt, lorsque le besoin – ou l’ennui – se faisaient sentir.

Les années ont passé – c’était un temps où on n’était pas nombreux, sur les internettes ; on commentait les uns les autres nos multiples pensées publiques, on s’imaginait pas que de vraies personnes existaient – l’anonymat était possible. J’ai fermé ledit journal en ligne peu après mon bac, emportant avec lui l’origine de rencontres aussi étranges que rocambolesques, d’un amour idoine, et du regard trop bleu d’un reporter mort au combat.

Par la suite, j’ai ouvert successivement d’autres espaces d’expression. J’y jetais mes maux sous des termes obscurs, brouillant les pistes de la réalité, m’amusant dans cet exercice d’auto-fiction. Et puis je suis arrivée à Paris, en Janvier 2009, et j’ai commencé à travailler dans le merveilleux monde des média sociaux.

J’ai ouvert ce blogue, et puis un compte Twitter, en privé. Parce que je travaillais avec d’autres blogueurs, parce que ce milieu était rempli de langues de vipères et potinages, et ressemblait beaucoup trop à une cour de récré, j’ai voulu créer un lieu qui n’aborderait pas mes réflexions plus intimes – simplement un espace d’expression pour jouer, quelque chose que pour une fois ma mère et mes proches pourraient lire. Alors j’ai écrit sur des choses légères, sur la beauté, la mode, les voyages. J’ai raconté des histoires de vie avec plus ou moins d’humour, j’ai donné mon avis – que je croyais le bon (avec désinvolture) -, j’ai partagé des expériences, fait quelques articles sponsorisés – mais surtout, surtout, je ne parlais pas de moi, de l’intime, de ma « vie privée ».

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Avec Montréal, je me suis doucement éloignée de ce petit monde. La blogo a changé aussi, il faut croire, on s’est retrouvé sur Twitter, Instagram et Snapchat pour échanger des photos de chats. J’ai quitté mon domaine professionnel, la France, et avec tout ça, j’ai fini par me débarrasser de cette « peur » du qu’en-dira-t-on, et qu’est-ce que les gens vont penser de moi. J’ai recommencé à écrire pour moi. À poser sur le clavier les mots et les maux qui s’en venaient, au fur et à mesure que je perdais prise sur ma situation.

Il reste encore des zones d’ombres, vous en conviendrez, je ne crois pas écrire dans la transparence la plus pure, et j’imagine bien que parfois, certaines des choses auxquelles je fais allusion ici ne font pas de sens pour beaucoup d’entre vous – ceux qui ne partagent pas mon quotidien, disons. Je me garde une petite gêne, comme on dit ici, histoire d’éviter de m’attirer des ennuis (ce blogue reste public et facilement trouvable pour quiconque connait mon nom) et/ou des jugements inutiles.

Suite à mon dernier post, j’ai reçu un commentaire catégorisant mes posts de (je cite) « masturbation intellectuelle » à tendance « psycho-spirituelle » (oui coucou toi). Mettant de côté le ton condescendant et le fait que cette charmante personne ait tellement de temps à perdre qu’elle m’écrive pour me dire qu’elle ne sait plus pourquoi elle me lit, je reconnais quand même qu’elle a raison. Oui, mon blogue est (re)devenu un journal intime, recueil de mes réflexions sur ma vie, mes émotions, mon nombril. Après tout, je n’ai pas la prétention de penser que j’ai quelque chose à offrir au monde, mais la possibilité d’être lue, de publier ainsi mes réflexions sur un espace public et visible de quiconque me permet de continuer à écrire,  car je suis tout bonnement incapable d’écrire simplement pour moi. Et je n’en tire aucune honte, ni aucune fierté, c’est surtout un support bien pratique : moins cher qu’un.e psy, qui ne me donne pas l’impression de devoir quelque chose à l’autre pour m’avoir gentillement écouté mettre mes idées en ordre (je vous rassure Dany et mes amis font ça très bien quand il faut), et qui me permette de me relire quand, parfois, je veux revenir sur les émotions du passé.

Oui, écrire est de l’ordre de l’onanisme intellectuel, et c’est un exercice que je trouve très sain – grand bien m’en fasse, et tant pis pour les autres. Je n’y vois pas plus d’égo qu’à partager ses looks qu’on imagine inspirants pour d’autres, ses recettes, ou même ses selfies sur Facebook ou Instagram. J’imagine que celleux qui me lisent ici savent ce qu’ils y trouvent, pour les autres je ne leur force pas la main, il y des centaines de blogues remplis de vies parfaites, de contenus utiles et de réflexions intéressantes ailleurs, et ces gens font ça bien mieux que moi.

Peut être qu’un jour je retrouverais le plaisir d’écrire sur d’autres choses – la liste des meilleurs bars de microbrasserie de mon quartier ; comment ça se passe, une immigration réussie ; comment j’ai survécu à une grippe d’homme ; mes meilleurs conseils pour faire un grilled-cheese. Qui sait.

Intime & Réflexions

et puis soudain

Tout va bien, je lui dis, tout va bien, tout est allé super vite, c’est comme si tout d’un coup, tout était rentré dans l’ordre. Alors je suis contente, je crois, c’est positif tout ça, on s’y attendait pas mais c’est bien, on avance vite, plus vite qu’on aurait pensé.

En fait j’ai pas pensé, vraiment, j’ai juste laissé les vides se remplir et pris au vol les opportunités. Pour lui aussi d’ailleurs, on sait pas trop vers où mais ça s’enligne fabuleusement. Peut être que « fabuleux » n’est pas le mot, disons, disons juste que ça s’enligne.

J’ai continué : Ça y est, tout est calme, on est sortis du tunnel, je sais où je vais, je vois l’avenir, et c’est joli. Le présent aussi, d’ailleurs, c’est cool cette nouvelle job, même si c’est pas bien payé je sais que j’ai fait le bon choix, que je vais pouvoir y grandir, y évoluer, être heureuse. Plus de murs. Plus de barrières. Plus de portes fermées et de ponts qui s’écroulent. On est bien. Ya plein de potentiels autour de nous.

Pourtant, parfois, presque imperceptible, y a un truc fragile, un truc qui vibre en dedans, ou plutôt, qui vibre plus. Je sais pas, comment dire, comment expliquer, et c’est sûrement con, mais je le sens. Le vide. La question. Pourquoi je suis là. C’est quoi le sens à donner, maintenant que j’ai plus besoin de me battre pour croire que ça existe. Et j’ai peur, aussi, j’ai peur que tout s’écroule à nouveau, que ce soit juste du beau-stuc, et qu’il nous arrive à nouveau quelque chose et vlan dans ta gueule tu l’as pas vu venir.

Je sais. C’est con. J’ai juste plus l’habitude. Trois ans (quatre ?) que je me construis dans le chaos. Que j’avance vers l’invisible. Que je créée le chemin sous mes pas. Trois ans (quatre ?) que je questionne, explore, découvre, explose, implose, trébuche, dérive, alternative. Et puis soudain, l’ordre. Soudain, le stable. Le calme. Le tangible. La norme, on dirait presque, si on regarde le cadre et qu’on prend la pause en oubliant le chemin pour arriver ici, c’est joli, on pourrait même le présenter à la famille (justement).

Et c’est aussi l’instantané de tout ce que j’ai voulu fuir.

C’est étrange, de voir comment je suis retournée, en quelque sorte, sur mes pas. Comment le bonheur semble trouver sa place dans un cocon pré-dessiné, pré-mâché, pré-digéré. Remplissez bien les petites cases, cochez, soyez rassurés. Moi ça m’angoisse, les cases. Ya quelque chose de bancal à me retrouver là après avoir tant questionné (m)les choix de vie et la construction sociale qui nous y mènent. Ça me fait paniquer, de me dire que si je reste sur les rails, ma prochaine plongée vers l’inconnu et la découverte de moi-même, ça sera faire un bébé – et ça sera alors terriblement normal.

Il y a peu, une amie m’a demandé, pourquoi tu es en couple, pourquoi tu es mariée, pourquoi tu veux des enfants, si tu penses que tu as pas besoin de ça pour être heureuse ? Je crois que la question contient la réponse, intrinsèquement. Que c’est en se trouvant soi-même qu’on peut rencontrer l’autre. Que l’amour, le couple, l’engagement qu’on prend, la construction d’une famille, est un moyen, pas une finalité.

Alors je voudrais toujours me souvenir de ce chemin, et puis l’oublier. Me souvenir que je ne suis pas arrivée là par hasard, que c’est un choix conscient et éclairé. Me souvenir de tout ce qui a motivé et dirigé ma vie pendant les turbulences, et que je suis enfin arrivée à bon port. Me rappeler à quel point le chaos a apporté son lot de doutes, lui aussi, à quel point j’ai souffert, et fait souffrir.

Je voudrais me souvenir de tout ça, et ne surtout pas m’arrêter. Ne jamais cesser de questionner et remettre en cause. Toujours chercher à bousculer, absorber, déconstruire, recracher, apprendre encore.

J’ai le choix aujourd’hui. C’est étrange, tous ces possibles. Au fond de moi, et pas si loin, quelque chose me pousse à continuer d’explorer l’invisible, l’insécure, de continuer de marcher sur un fil et toujours chercher l’équilibre – car si je m’arrête ici, je suis déjà morte.

La question qui reste en suspens et à laquelle je me dois de répondre, c’est comment – comment continuer à explorer le chaos sans pour autant détruire ce qui est ; comment lâcher-prise dans ce bonheur simple que la vie m’offre tout en flirtant avec les limites de ma zone de confort ; comment ne jamais cesser de douter.

 

Je crois qu’il faut avoir manqué d’air pour apprécier de respirer, et qu’il faut avoir eu la sensation de mourir un peu pour se sentir vivant.

Merci Camille Anseaulme pour ces mots très justes…

Intime & Réflexions

un tout petit rien

J’ai dit au revoir à mon Sud natal comme si je revenais demain – c’est à dire, pas vraiment.

C’est toujours comme ça je crois, les adieux ou les au revoirs, on sait plus trop si ça change quelque chose d’y mettre une symbolique. C’est le retour qui fait un petit pincement au coeur, ce qu’on attend, c’est de revenir. Alors je préfère pas me demander c’est quand, la prochaine fois qu’on se retrouve. Je préfère dire au revoir comme si on partait pas loin, comme si on pouvait se serrer dans nos bras aussi souvent qu’envie, comme si l’odeur de la garrigue et la douceur du soleil d’hiver n’allaient pas me manquer, ou (presque).

C’est que, j’ai si vite oublié la morsure de la distance, les blessures immobiles du temps qui passe et des mois qui ne nous voient plus changer. J’ai déjà oublié l’année qui vient de s’écouler, les larmes parce que le manque, parce que c’est dur d’être aussi loin, surtout quand ça va mal, les nuits d’angoisse à décompter les mois qui nous séparent – ceux d’avant, parce qu’on ne sait plus quand sera la prochaine fois qu’on se serrera dans nos bras.

C’était hier pourtant, on s’est quittés il y a neuf, douze, dix-huit mois, il suffit d’un hug, un sourire, quelques mots pour se dire que c’était un tout petit rien.

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Un tout petit mois de voyage. On était usés, fatigués, pressés jusqu’au bout de cette année dont on ne voyait plus la fin. On est partis en se disant, on a besoin de vacances, plus que tout, avant de recommencer à vivre. On a besoin de temps, aussi, pour se retrouver, faire le point, discuter des mois passés, et de ce qui s’en vient. On s’est retrouvés, à coup de 24/24 et 7 jours/7 collés. On n’a pas vraiment fait le point, ni discuté, ni regardé en arrière. Ce qui s’en vient ? C’est le flou artistique. On a juste ouvert une parenthèse douce et chaleureuse, on a pas compté les euros, ni les jours qui passaient ; on a laissé dehors les trucs d’adultes et les responsabilités, on s’est laissés porter par les journées, rythmés par trop de bouffe et trop d’alcool (si vous demandez : + 5 kg). J’ai vécu comme j’avais besoin de vivre – dans l’instant présent, profitant de chaque jour sans penser à ce retour qui se rapprochait.

Ça fait du bien, de décrocher pour vrai. De plus devoir se projeter trop loin car le présent est trop difficile à vivre. De pas avoir à se poser de questions, se soucier des ressentis des autres, ou prendre en compte les potentiels dommages collatéraux.

Ma nouvelle année commence ici, en transit dans cet aéroport d’Amsterdam, à finalement poser quelques pensées et me demander ce que je vais faire demain. J’ai du mal, j’avoue, à me projeter. Comme si avoir passé trois ans sur le fil avaient désactivé ma capacité à construire. Comme si la concrétisation de toutes mes attentes me laissait désarmée devant tant de futurs possibles.

À mon habitude, je n’ai pas pris de « bonnes résolutions ». Je voudrais simplement me donner les moyens d’entreprendre et d’aboutir les projets qui me rendront heureuse et me feront évoluer. Je voudrais être une meilleure personne, pour moi-même, et pour les autres. Je voudrais simplement continuer de grandir, et réapprendre à rêver.

Montréal, Québec

les cadeaux

PIECEPIECE

Une fois n’est pas coutume, je vais sortir de mes posts autocentrés pour aborder un sujet un peu plus grand public. Tsé, ce moment où les Fêtes arrivent, t’as payé ton billet d’avion 1500$ au minimum, et tu vas t’entasser à P.E Trudeau (père) avec des centaines de compatriotes pour rentrer manger du (vrai) foie gras avec ta famille. Voilà.

Qui dit Noël et Fêtes, dit cadeau, et outre le prix exorbitant d’un aller-retour transatlantique (ne remercions pas le taux de change dégueulasse CAD/Euros) (quoiqu’on sera contents d’encaisser les chèques au retour), il y a la sempiternelle question : on rapporte quoi ? Tanné des cannes de sirop d’érable (et ses multiples variations) qu’on laissera pourrir sur une étagère, le Sortilège c’est un peu lourd, et le cidre de glace hors de prix, il reste quoi, si on veut pas dépasser les 23kg et le mini budget ?

Je vous propose une petite sélection d’idées cadeaux « made in Québec » qui auront un peu plus d’allure que le sirop de poteau, et qui ne ruinera pas le coût de votre séjour au bercail. On peut aussi mettre tout ça dans un colis…

1 – Des savons

Tout le monde se lave. Oui même ta Matante. Et ton beau-frère. Des savons faits main, y en a des tonnes, mais j’ai un petit faible pour ceux de Pièce-Pièce, parce que : l’emballage est fancé, les parfums sont originaux (et ça pue pas le hippie patchoulisé) (d’ailleurs ya pas de trucs bizarres genre des morceaux de branches dedans, ça ressemble à des savons bien basiques), ils sont tous doux pour la peau, et pour les hipsters du dimanche, c’est fabriqué avec des produits vegan, bios, et sans huile de palme (yolo).

Pièce-Pièce sera présent au Marché des Deux-Mains dans Rosemont-Petite Patrie ce week-end (28 et 29 nov), et vend aussi via sa page Facebook (outre les savons elles font des jolis aimants à frigo, et des tasses personnalisées – photo en haut)

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2 – Des livres

Il existe au Québec plein d’auteurs talentueux (et complètement fuckés), notamment en BD. J’aime particulièrement les auteurs publiés aux éditions Pow Pow, pour les citer Zviane (ma chouchou, aux histoires très poétiques), Samuel Cantin (humour décapant mais complètement WTF – voir image ci-dessous), ou Pierre Bouchard. L’avantage de la BD, on comprend plus facilement nos expressions locales.

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3 – Des DVDs

À l’heure du tout numérique je trouve cute et un peu vintage d’offrir un DVD. Le problème c’est surtout le zonage – qui n’a plus vraiment lieu d’être en 2015 MAIS BON, ceci dit je crois qu’on peut lire n’importe quel DVD sur un ordi ou une console (vous me direz). Sinon, il reste l’option Amazon qui vend certaines productions québécoises en version dézonée.

Donc. Parmi mes coups de coeur made in Québec dont je suis persuadée que l’humour et la décadence (?) traverseront les frontières, il y a le fameux film Starbuck (déjà sorti au cinéma en France et réadapté avec José Garcia), et des séries comme Les Beaux Malaises (de et avec Martin Matte, pas trop d’accent et un humour rès cynique, donc facilement compréhensible pour les Français), Série Noire (ma série chouchou du moment), la websérie Fiston de Jonathan Roberge (pas sûre que ça existe en DVD), ou encore plus classique – série policière assez sombre – 19-2 (il faut les sous-titres pour sûr là).

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4 – Du thé

Et pas n’importe lequel. J’ai beau ADORER les thés Mariages Frères ou Damann, je me laisse toujours avoir par la puissance marketing de David’s Tea (je suis faible). Il faut avouer qu’ils sont très bons pour te donner envie d’acheter environ la moitié de la boutique. Pour les Fêtes, outre leurs thés, ils ont toujours des tas de goodies, jolies tasses, coffrets, bougies et autres joyeusetés parfaites à mettre sous le sapin.

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5 – Des vêtements

On a beau manquer tristement de variété dans l’offre fashion à Montréal, il y a plein de magasins qui n’existent pas en France, comme Aritzia (dont Coline a parlé récemment), ou des marques de créateurs vraiment hot comme Betina Lou, Eve Gravel ou Sokoloff Lingerie (ça prend un budget un peu plus confortable). On trouve pas mal de choix de créateurs Québécois dans des boutiques comme Unicorn, Belle et Rebelle ou Onze. Pour les gars, pensez à Frank&Oak, qui vend en e-commerce dans toute l’Amérique du Nord et qui a aussi un atelier dans le Mile-End.

sokoloff-lingerie-hiver-2015

6 – Des bijoux

Des créateurs/trices de bijoux au Québec, il y en a des centaines. Mon coeur balance tellement les styles proposés sont variés. Parmi mes coups de coeur, Le Cubicule, Louve, l’Atelier Epure

7 – Des jolis mots

Mon ancienne coloc Camille a créé l’an dernier sa collection de posters et de jolies cartes aux typos originales, PaperMiint. C’est cute, c’est drôle, c’est poétique, bref c’est Camille. Ya des exemples d’ailleurs.

8 – Les marchés et boutiques de créateurs

Entre Novembre et Décembre il y a -environ-  200 marchés de créateurs à Montréal. Ok j’exagère un peu, mais ça vaut le coup d’aller y faire un tour car on y trouve des tonnes de trucs super jolis, bijoux, accessoires, déc, produits de beauté, bouffe, posters, objets plus ou moins utiles, trucs pour enfants, (etc), et surtout des millions d’idées cadeaux fabriqués au Québec.

Pour en citer quelques uns : le Marché des 2 mains (Petite-Patrie, 28 – 29 nov), Souk @ SAT (Quartier des Spectacles, 25 au 29 nov), Marché de Novembre (Petite-Patrie, 28 – 29 nov), Puces Pop (Mile-End, 11 au 13 dec), Marché de Noël des designers de la Grover (Ville-Marie, 10 au 12 dec).

Si vous avez (comme moi) zéro motivation pour vous noyer dans une foule, on peut aussi trouver des boutiques ouvertes à l’année comme l’Atelier du Coin de la Rue (métro Laurier).

J’espère que tout ça vous aura donné des idées plus originales à rapporter (ou envoyer) en France 🙂

Et si ce genre de billets vous plait, j’en ferai d’autres avec plaisir pour partager un peu plus de mes découvertes et mon quotidien Québécois et Montréalais :).

Intime & Réflexions

les petites cases

J’ai un problème avec les cases.

Tu sais, celles où on met les gens, avec des petites étiquettes pour savoir où et comment ranger, catégoriser, sélectionner, et indirectement, porter un jugement définitif.

C’est un jugement, que de mettre une étiquette. Une classification qui s’accompagne d’un tas d’a-prioris, de préconçus, de sous-entendus, et puis ça doit rester là toute la vie, sinon quoi. C’est comme si un jour on te disait, tu es là, et tu y restes, et même si tu voulais éventuellement bouger, tsé, t’es sûr parce que c’est compliqué, t’es bien là où t’es, t’es pas content c’est pour ça ? tu fais une petite déprime ? une crise de la quarantaine – ou d’adolescence tardive ?, et puis ça va déranger toutes les étiquettes qu’on a collées depuis le début là, si tu décides de changer ce qu’on pensait de toi, ça bouscule l’ordre établi, et après, on sait plus quoi faire – parce que tu rentres plus dans les cases toutes prêtes de la société.

J’ai un problème avec les cases, parce que je veux pas me sentir obligée de rester dans un cadre préétabli sous prétexte que « c’est comme ça qu’on a toujours fait », et « t’as fait des études », et puis « mais qu’est ce que les gens vont penser ».

Je viens de finir une formation en massothérapie. On me demande, et après, tu vas faire quoi ? Masser. Toucher des gens au coeur de l’intime. Continuer à me former pour les aider à aller mieux, dans leur corps, et peut être même un peu plus loin. Pourquoi pas reprendre d’autres études, en sexologie, cette fois, et en relation d’aide, parce que c’est difficile de s’arrêter une fois qu’on met le pied dedans, parce que je ne peux pas ignorer ce que j’ai traversé cet été. Et le marketing ? Je vais continuer, aussi, parce que j’aime ça, bidouiller des WordPress et engager les gens sur Facebook et rédiger du contenu et imaginer des stratégies. Parce que c’est bien beau la masso mais mon corps est pas fait pour tripoter des gens toute la journée, 39h par semaine, que ça draine, et que faut aussi manger. Parce que j’ai autant besoin de contact humain que de faire travailler mon cerveau, parce que rien ne m’empêche de partager mon temps, même si ça se fait pas, de quitter une job à 2500$/mois avec assurances et « responsabilités » pour un métier « manuel » aux revenus incertains.

Je me suis mariée au printemps dernier. Je ne parle pratiquement jamais de « mon mari », parce qu’à part une bague et une porte ouverte pour un visa*, ça ne change pratiquement rien à ma vie quotidienne. On s’aimait, on s’aime toujours ; on voulait faire notre vie ensemble, on le veut toujours; on a un joli appart plein de meubles IKEA ; ça arrive aussi qu’on s’engueule, qu’on doute, qu’on ne sache plus comment être deux. C’est une jolie case pourtant, mari et femme, on dirait qu’on est enfin rangé quelque part pour la famille et l’administration, et pourtant. Là aussi, ça fitte pas dans le cadre, de se marier avec juste ses amis, sans mairie ni robe blanche, un jour pluvieux d’Avril, en gardant son nom de « jeune fille »**. J’ai tendance à penser que le fait que je sois mariée ne regarde que Dany et moi. Mais ça surprend, souvent, ça bouscule les clichés, on essaye de comprendre.

copyright Jessica Boily 2015

Il y a la vie publique, et la vie privée. Dans ma vie « privée », il m’est arrivé à plusieurs reprises de poser comme modèle photo, pour des séances plus ou moins habillées. J’assume parfaitement avoir fait ces photos, elles n’ont rien de « vulgaire », mais pendant longtemps, j’ai utilisé un pseudo pour publier ces clichés, afin de cloisonner mes différentes existences. Mon identité professionnelle, publique, en webmarketing. Mon identité sur les média sociaux, ce blog, Instagram, Twitter, pour lesquels j’ai utilisé un pseudonyme, parce que je fais partie de cette génération qui a grandi sur les chats et les forums, à l’époque où le web social était un minuscule monde noyé d’anonymat. Je ne voulais pas « tout mélanger », parce que ça ferait pas joli sur un CV, mes live-tweets de Top Chef et mes réflexions d’insomnie – et que dire du fait qu’on trouve mes fesses sur les internettes.

Récemment, j’ai repris des cours d’effeuillage burlesque. J’envisage de monter sur scène un jour, j’espère dans pas si longtemps. Montrer mes fesses sur des photos, montrer mes fesses devant audience, qu’est ce que ça change ? J’aimerais, pourquoi pas, développer cette partie artistique au delà du passe-temps, me réaliser dans l’acceptation de mon corps et de ma féminité.

Plus le temps passe, et plus je décloisonne. Plus le temps passe, et plus « j’assume » l’entièreté de mon identité. Je ne suis pas « plusieurs », je suis une. J’ai de nombreux questionnements, bien sûr – comment présenter un CV si éclectique ? Qui voudra embaucher une femme avec deux métiers (et une tendance exhibitionniste) ? Qu’est-ce qui garantit à mon employeur que je ne vais pas lâcher l’un ou l’autre de mes métiers du jour au lendemain ? Où est la « constance » dans mon expérience et mon cheminement ? Comment présenter cette identité entière à mon avantage, et déjouer les éventuels craintes et préjugés qui seraient associées à mon profil ?

Si tout va bien, d’ici quelques semaines, je pourrais à nouveau reprendre une vie « normale », me tasser un peu, recoller les étiquettes, et rentrer dans la case. Si je le souhaite, il me suffirait d’envoyer des CVs joliment arrangés et passer quelques entrevues pour retrouver le chemin sur lequel j’étais en arrivant à Montréal, il y a deux ans. Je sens pourtant qu’il n’y aura plus jamais rien de « normal ». Trop de choses ont changé, profondément, qui m’interdisent de revenir en arrière.

On m’a parfois reproché mon « trop de transparence » ou de « spontanéité », on m’a aussi dit de faire attention, que ça pouvait être une faiblesse. Avec la mentalité Française, dans certains milieux professionnels peut-être ; ici, avec ce que je fais, je ne crois pas. Je souhaite au contraire croire que mon authenticité est un atout, une richesse autant sur le plan professionnel que dans mes relations inter-personnelles. Cela me fermera peut être quelques portes, mais je ne suis plus à ça près. Si on refuse de travailler avec moi parce que je suis moi-même, ça ne m’intéresse pas. Je ne veux pas m’entourer de gens qui se cachent derrière des profils types, qui ont à tout pris besoin de faire rentrer les gens dans des petites cases.

Si tout va bien, d’ici quelques semaines, je pourrais enfin construire ce projet multiple de ma nouvelle vie – devenir travailleuse autonome, partager mon temps (pourquoi pas) entre un emploi à temps partiel dans un spa, des clients à domicile, et des contrats à la pige en web-communication – et peut être, gagner aussi un peu ma vie en montrant mes fesses sur scène et devant l’objectif. Tout est possible. Je l’avoue, j’ai peur, mais j’ai hâte en même temps. Hâte de pouvoir sortir des cartes d’affaires sur lesquelles j’écrirais :

Elodie J. // massothérapeute, stratège-web

Mademoiselle LaNe // performeuse burlesque, modèle photo

 – Femme libre –

copyright Jessica Boily 2015

Photos Jessica Boily, 2015
Notes :
*Contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, le fait de me marier avec un Québécois ne m’apporte pas automatiquement la citoyenneté Canadienne, même en tant que Française la demande de résidence permanente par parrainage (dans mon cas depuis l’extérieur du Canada – je reviendrais peut être là dessus un jour pour les explications) prend de 6 à 8 mois à être traitée. En attendant j’ai un permis visiteur ne m’autorisant ni à travailler ni à bénéficier de couverture santé, mais j’ai pu étudier sur une période courte (inférieure à 6 mois)
**Au Québec, depuis la Révolution Tranquille, c’est absolument normal de garder son nom. Légalement, on a le droit d’utiliser le nom de notre mari/femme comme nom d’usage – par exemple dans un cadre professionnel – mais sur le papier, on conserve son nom de famille original. 
Intime & Réflexions

se taire

Émotion, du latin « ex movere », « ex » signifiant « au dehors », et « movere », se mouvoir, agiter, ébranler, bouger – le mouvement.

Depuis l’enfance, on nous apprend à contrôler nos émotions. Ne pas être en colère, c’est mal. Ne pas être triste, sauf si on a une « vraie » raison, mais faudrait pas que ça dure trop longtemps, reprends toi. L’envie fait partie des 7 pêchés capitaux, comme la colère. On grandit, il faut agir comme un adulte. Il ne faut pas pleurer en public, on ne dit pas je t’aime « comme ça » il faut assumer les conséquences, on tait ses peurs, on absorbe le stress. C’est pas bien, de s’exprimer trop fort. Même le bonheur, parfois, il faut pas trop le montrer – ça pourrait rendre jaloux les autres, d’étaler son bonheur comme la confiture sur les réseaux sociaux, ça fait se sentir minables tous ceux qui n’ont pas une vie parfaite.

Moi aussi, pendant des années, j’ai gardé mes émotions bien au fond de moi. Enfin, j’ai appris. J’étais en colère, ado, en colère contre tellement de choses parce que c’est ce qu’on vit à cet âge là. Parce que j’étais amoureuse de deux garçons et que ça se faisait pas. Parce que des inconnus au lycée qui me connaissaient à peine se permettaient de m’appeler « cochonne » lorsqu’ils me croisaient dans les couloirs, sous prétexte que je portais des jupes un peu trop courtes et que je parlais librement de sexe. J’étais en colère parce que comme beaucoup d’autres filles, j’ai subi un (des ?) abus sexuels, que je me suis sentie à la fois coupable et victime, coincée entre une immense injustice, mais c’était plus facile de se taire. Je suis restée en colère longtemps, mais j’ai rien dit, parce que ça aurait fait trop de mal si j’avais parlé, parce que j’étais indirectement responsable, parce que anyways personne ne pouvait rien faire pour moi. Je me suis tue. J’ai gravé une cicatrice à l’encre sur ma peau pour ne jamais oublier. J’ai arrêté de manger.

Les années ont passé. J’ai croisé le chemin de personnes merveilleuses qui m’ont réappris à m’estimer, à me respecter, à m’aimer. On m’a aimé, très fort, et puis c’était fini, comme ça. J’ai frappé dans des murs, déchiré des t-shirts, cassé une table, mais ça ne changeait rien, alors j’ai tout mis dans une petite boite, et poussé ça au fond de ma gorge, encore une fois. J’ai continué à me taire. J’ai été là pour les autres, et c’est comme ça que je me suis sauvée. J’ai rangé bien au fond les émotions négatives, j’ai construit une jolie carapace de fille forte, optimiste, de bonne humeur, une fille sur qui on peut compter. J’ai rarement craqué. J’étais là pour apaiser les crises de panique de L., là pour faire la fête, là pour aimer les cons, les gentils, ceux qui ne resteraient pas, là pour pardonner.

Je suis tombée amoureuse, à plusieurs reprises, j’ai souvent cru que c’était « le bon ». À nouveau, j’ai aimé et désiré deux personnes en même temps, mais ça se faisait pas, non. Il fallait rentrer dans le cadre. Il fallait garder bien caché mon point de vue sur l’amour, le sexe, la liberté de s’exprimer, d’exister, de se réaliser. Parce qu’une femme ça doit pas parler trop fort. Ça doit pas s’habiller trop sexy. Ça doit être jolie et intelligente, mais pas gagner plus que son mari. Ça doit pas trop donner son avis au bureau, et surtout pas dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, parce qu’on passerait pour une hystérique. Sois belle, et tais toi. Je pensais alors réaliser ce qu’on attendait de moi.

Un jour j’ai commencé à faire des crises de panique. J’étouffais, mon corps explosait de toutes ces choses que je lui avais fait avaler, ce trop plein d’émotions enfouies, ces tonnes de boites accumulées. Des vieux souvenirs moches sont remontés à la surface – tellement présents que je ne savais parfois plus faire la différence entre le passé et la réalité. J’ai consulté. J’ai vu une psy géniale qui m’a énormément aidé. J’ai fini par regarder ma vie en face, cette belle cage dorée qui ne me convenait pas, et m’envoler pour Montréal, décorant mon corps de lignes de vie.

se taire

J’ai encore continué à me taire, pourtant. Je n’ai rien dit face à cette boss tyrannique et perverse qui me faisait sentir plus incompétente à chaque jour. Je suis restée sans voix lorsqu’on m’a viré sans explication, en 15 minutes chrono, et que mon projet de rester à Montréal s’est soudainement effondré. Je n’ai pas su dire je t’aime à toutes ces belles personnes avec qui j’ai fait un petit bout de chemin, par peur de les faire fuir. J’ai écouté mes ami.e.s qui en avaient besoin, en évitant de trop parler de moi quand ça allait pas, parce que c’était pas le rôle que j’avais pris. J’ai jamais dit à mes parents que j’avais peur, non, je voulais leur prouver que je savais ce que je faisais, je voulais leur montrer que j’assumais mon choix, malgré les obstacles, que je me prenais en main. J’ai jamais été capable de demander de l’aide. Je pensais que j’avais une telle réserve, une force qui me permettrait de traverser tout ça comme une grande, qu’il suffisait juste d’y croire, et surtout, de ne pas flancher. J’ai à peine pleuré, quand j’ai eu un nouveau refus de permis, l’hiver dernier. J’ai continué à empiler des boites tout au fond dans mon ventre, les unes après les autres, pour ne pas m’encombrer. J’ai décidé de faire un métier où je pourrais faire du bien, parce que c’est ça que je sais le mieux faire, m’occuper des autres, pour enterrer le fait que moi ça va pas.

Et puis.

Rebelote. Le corps qui ne suit plus, les boites qui explosent les unes après les autres, la douleur, les insomnies, les larmes, les f*cking décharges émotionnelles, les crises d’angoisse, les crises de panique, les anxiolytiques, tout foutre en l’air, tralala. La réponse que je n’attendais plus, et réaliser que je ne suis même plus capable de m’en réjouir. J’ai tellement bloqué mes émotions que même la joie ou le soulagement ne sont plus capables de s’exprimer que par l’isolement et l’agressivité.

Thérapie, bis. Après avoir pleuré tout mon corps je vomis des mots. Ça ne s’arrête plus, j’exprime, j’exprime, et ça sort petit à petit, on a ouvert les vannes, des mois (des années ?) de silence, de musellement. Je sors les peurs, l’anxiété, l’insécurité ; la joie, l’amour, le bonheur ; et puis la frustration, la tristesse, le manque, le trop plein qui reste encore, malgré tout ce qui est sorti. Mon émotion se nourrit d’elle même, et en s’exprimant, fait réagir les autres, générant à nouveau de nouvelles émotions.

On est là, dans ce cercle infernal. C’est libérateur, et pourtant paniquant. J’aurais aimé enlever une boite par une boite, évaluer une à une les émotions qui s’expriment, contrôler le flux, mais ça se passe pas comme ça. Tout s’effondre, tout s’exprime, et c’est l’anarchie totale. À fleur de peau, je voudrais laisser sortir ce qui me bouffe à l’intérieur – et c’est brouillon, bordélique, brutal, parfois violent ; mais il y a les autres – ceux qui reçoivent en pleine face, ceux qui subissent, ceux qui ne comprennent plus, ceux qui voudraient, eux aussi, qu’on les écoute. Je voudrais demander de l’aide, mais on ne sait pas quoi faire avec moi. Je me suis toujours occupée de moi toute seule, après tout, c’est pas comme ça qu’on a construit les bases, alors ça déstabilise, puis moi non plus, je sais pas (me laisser) faire.

Le problème, quand on exprime ses émotions, c’est l’impact que ça a sur les autres. Et c’est pas vrai, qu’on s’en fout de ce qu’ils pensent. C’est pas vrai qu’on s’en fout de faire du mal. On avance, pourtant. On casse des oeufs, on fait des omelettes, on verra bien ce que ça donne. On essaye d’éviter les dommages collatéraux, trop souvent inévitables.

C’est peut être ça, le plus difficile dans tout ça. Penser à soi, protéger les autres. Ne plus se taire, épargner ceux qui peuvent en souffrir. Manger des coups, éviter de les rendre. Rester humble, conscient, reconnaître lorsqu’on est allé trop loin, accepter que ce soit parfois trop tard.

J’aimerais qu’un jour à l’école de la vie, on nous apprenne à exprimer nos émotions, mais aussi à accueillir celles des autres. Qu’on nous explique comment vivre et ressentir sans être toujours en contrôle. Qu’on n’ait pas peur d’être aimé, ou de trop demander. Qu’on apprenne à poser nos limites, aussi, pour se protéger. Apprendre l’équilibre étrange entre bienveillance, conscience, et lâcher-prise.

Montréal, Québec · Voyages

le grand écart

Plus d’un an et demi que je n’ai pas mis les pieds en France et je me sens de plus en plus loin de « mon pays ». Le décalage est encore plus flagrant lorsque je parle avec mes amis Français (qui vivent en France), et particulièrement lorsqu’on reçoit de la visite chez nous – je me surprends à corriger les gens sur le fait qu’ici, les gens sont Québécois avant d’être Canadiens, à perdre mes expressions françaises, à ne plus comprendre certaines façon de faire ou de penser, à être susceptible sur les classiques comparatifs « en France, c’est différent ». Plus le temps passe, moins je supporte les « Français du Plateau », l’attitude parfois arrogante de nouveaux arrivants ou de ceux qui, malgré plusieurs mois/années ici, semblent encore agir comme si Montréal était une banlieue lointaine et sympathique de Paris.

Il serait difficile de décrire ce que j’appelle « l’intégration ». Chacun fait son chemin à guise, chacun vit son expérience à sa façon. Je suis malgré tout toujours surprise des Français qui après plusieurs années ici n’ont encore que des amis Français – les mêmes qui semblent dire que les Québécois sont très sympathiques, mais que c’est vraiment compliqué de s’en faire des amis ; les mêmes qui chialent (râlent) indéfiniment sur les différents aspects de la vie ici mais qui vont quand même demander leur citoyenneté canadienne.

Je l’ai déjà écrit, je ne me sens pas ici comme une « expatriée », mais bien comme une immigrante, une nouvelle arrivante qui compte bien faire de ce pays mon futur « chez moi ».

La vérité, c’est que je ne sais plus vraiment où est chez moi. Alors que le Canada est en pleine campagne électorale, je réalise que je ne sais pas comment, en 2017, je vais pouvoir voter – et que d’une certaine façon, j’en sais plus sur les récents scandales politiques de mon pays d’adoption que sur le bordel de la situation socio-economico-politique française. Ne me parlez pas de l’actualité people – je suis perdue sur Twitter, je comprends plus les références, à part celles sur Morano.

Je suis en transit. Quelque part au milieu de l’Océan Atlantique, un pied sur chaque rive, je garde un étrange équilibre. Je suis et je resterai toujours Française, avec une éducation, une mentalité, une culture, un caractère que les Québécois, si amoureux et fascinés par « les Europes » soient-ils, ne comprendront sans doute jamais. Et inversement. Le Québec est une anomalie de l’Amérique du Nord, coincé quelque part entre sa volonté féroce de conserver sa langue, sa culture, sa religion, et pourtant immergé dans une culture Nord-Américaine anglophone, protestante et fondamentalement métissée. On se sentirait vite chez soi, l’accueil est chaleureux, la langue ressemble à notre français, Montréal est belle, joyeuse, attirante, ils sont tellement gentils, nos « cousins » Québécois. Et pourtant, on est ailleurs. Sur un autre continent, dans un autre pays, encore en pleine affirmation de sa personnalité.

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Je pourrais y passer des heures, je ne pourrais jamais expliquer tout ce qu’il y a dans ce pays qui me fascine. La beauté des paysages, immenses. Le rythme violent des saisons qui nourrit chaque année un peu plus nos discussions sur la météo. La richesse et la simplicité des gens. Le respect de l’autre, la tolérance, et le sentiment de liberté qui découle de l’idée que tout est possible, car personne ne se permettra choisir à votre place ce qui est mieux pour vous (sauf si vous avez le malheur d’être musulmane et voilée).

Bientôt 3 ans à Montréal. Je ne me suis jamais faite harceler dans la rue. Je n’ai plus peur depuis longtemps de rentrer seule le soir. Je me promène habillée comme j’en ai envie, sans me faire siffler, sans me faire accoster, sans une main au cul ou un commentaire désobligeant. J’ai des tatouages qui couvrent tout mon dos, et les cheveux mauves depuis 3 mois, et les seules fois où je me suis fait arrêter dans la rue, c’était pour des compliments. Je n’ai pas peur de me faire voler mon téléphone, dans un bar. Il n’y a pas de code pour entrer dans mon immeuble. Je sors dans des soirées où les gens sont costumés, où les garçons portent des jupes car le genre n’a pas d’importance, où on est accueillis par des câlins, où les filles se promènent en pasties (nippies, pour les françaises). Je vis dans une ville où les gens s’excusent quand ils te bousculent, ne poussent pas dans le métro (pas sans avoir dit « pardon »). C’est pas le pays des Bisounours (preuve : ils ont élu Harper), mais c’est doux, et reposant. Et je pense que ça retourne un peu nos habitudes.

Pourtant. Ça me manque, parfois, les débats d’opinion, de pouvoir échanger sans toujours devoir arriver à un consensus, pour le pur plaisir de la rhétorique. Ça me manque la densité, la variété, les odeurs et les couleurs de Marseille ou Paris. Ça me manque l’accent du Sud, la mer, les montagnes, le bruit des cigales, l’été. Ça me manque de pas toujours comprendre ce qu’on me dit, parce que j’ai beau être devenue fluent en Québécois des villes, j’en apprends encore tous les jours. Ça me manque de prendre le TGV, d’être dans un autre pays en 1h d’avion, le vin pas cher, les rayons de produits laitiers du Monoprix ou du Géant Casino, les recettes en grammes et pas en « cup », la lingerie cheap et sexy, les millions d’enseignes de magasins de fringues et de chaussures, et même de déco, rentrer à pieds parce que tout est à côté, voir la Tour Eiffel scintiller à minuit.

Je n’échangerai ma vie ici pour rien au monde, et surtout pas pour mon ancienne vie parisienne. C’est un mal différent qui m’a prise ces derniers mois. Un mal de mes racines. Je n’appartiens plus à  là d’où je viens, et je ne suis pas encore ici vraiment chez moi – je ne le serai sans doute jamais complètement.

J’appréhende mon voyage en France en Décembre comme la claque que je risque de prendre. J’appréhende ce décalage de trois ans d’absence, de mon intégration québécoise, des changements de route, de revoir ces paysages familiers au travers d’un regard différent.