J’ai ouvert mon premier « blogue » quelque part entre 2002 et 2004. J’étais au lycée, et non ce n’était pas un Skyblog (Dieu merci), mais un journal intime en ligne hébergé sur une plateforme qu’un petit génie avait créé.
À l’époque, j’écrivais comme on respire, je transpirais mes émotions d’adolescente en pleine implosion, trouvant un certain réconfort dans l’idée que des oreilles anonymes m’écoutaient, quelque part derrière leur écran. J’avais par ailleurs des carnets, feuilles volantes, brouillons de mots que je crachais un peu partout selon l’inspiration, ou plutôt, lorsque le besoin – ou l’ennui – se faisaient sentir.
Les années ont passé – c’était un temps où on n’était pas nombreux, sur les internettes ; on commentait les uns les autres nos multiples pensées publiques, on s’imaginait pas que de vraies personnes existaient – l’anonymat était possible. J’ai fermé ledit journal en ligne peu après mon bac, emportant avec lui l’origine de rencontres aussi étranges que rocambolesques, d’un amour idoine, et du regard trop bleu d’un reporter mort au combat.
Par la suite, j’ai ouvert successivement d’autres espaces d’expression. J’y jetais mes maux sous des termes obscurs, brouillant les pistes de la réalité, m’amusant dans cet exercice d’auto-fiction. Et puis je suis arrivée à Paris, en Janvier 2009, et j’ai commencé à travailler dans le merveilleux monde des média sociaux.
J’ai ouvert ce blogue, et puis un compte Twitter, en privé. Parce que je travaillais avec d’autres blogueurs, parce que ce milieu était rempli de langues de vipères et potinages, et ressemblait beaucoup trop à une cour de récré, j’ai voulu créer un lieu qui n’aborderait pas mes réflexions plus intimes – simplement un espace d’expression pour jouer, quelque chose que pour une fois ma mère et mes proches pourraient lire. Alors j’ai écrit sur des choses légères, sur la beauté, la mode, les voyages. J’ai raconté des histoires de vie avec plus ou moins d’humour, j’ai donné mon avis – que je croyais le bon (avec désinvolture) -, j’ai partagé des expériences, fait quelques articles sponsorisés – mais surtout, surtout, je ne parlais pas de moi, de l’intime, de ma « vie privée ».
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Avec Montréal, je me suis doucement éloignée de ce petit monde. La blogo a changé aussi, il faut croire, on s’est retrouvé sur Twitter, Instagram et Snapchat pour échanger des photos de chats. J’ai quitté mon domaine professionnel, la France, et avec tout ça, j’ai fini par me débarrasser de cette « peur » du qu’en-dira-t-on, et qu’est-ce que les gens vont penser de moi. J’ai recommencé à écrire pour moi. À poser sur le clavier les mots et les maux qui s’en venaient, au fur et à mesure que je perdais prise sur ma situation.
Il reste encore des zones d’ombres, vous en conviendrez, je ne crois pas écrire dans la transparence la plus pure, et j’imagine bien que parfois, certaines des choses auxquelles je fais allusion ici ne font pas de sens pour beaucoup d’entre vous – ceux qui ne partagent pas mon quotidien, disons. Je me garde une petite gêne, comme on dit ici, histoire d’éviter de m’attirer des ennuis (ce blogue reste public et facilement trouvable pour quiconque connait mon nom) et/ou des jugements inutiles.
Suite à mon dernier post, j’ai reçu un commentaire catégorisant mes posts de (je cite) « masturbation intellectuelle » à tendance « psycho-spirituelle » (oui coucou toi). Mettant de côté le ton condescendant et le fait que cette charmante personne ait tellement de temps à perdre qu’elle m’écrive pour me dire qu’elle ne sait plus pourquoi elle me lit, je reconnais quand même qu’elle a raison. Oui, mon blogue est (re)devenu un journal intime, recueil de mes réflexions sur ma vie, mes émotions, mon nombril. Après tout, je n’ai pas la prétention de penser que j’ai quelque chose à offrir au monde, mais la possibilité d’être lue, de publier ainsi mes réflexions sur un espace public et visible de quiconque me permet de continuer à écrire, car je suis tout bonnement incapable d’écrire simplement pour moi. Et je n’en tire aucune honte, ni aucune fierté, c’est surtout un support bien pratique : moins cher qu’un.e psy, qui ne me donne pas l’impression de devoir quelque chose à l’autre pour m’avoir gentillement écouté mettre mes idées en ordre (je vous rassure Dany et mes amis font ça très bien quand il faut), et qui me permette de me relire quand, parfois, je veux revenir sur les émotions du passé.
Oui, écrire est de l’ordre de l’onanisme intellectuel, et c’est un exercice que je trouve très sain – grand bien m’en fasse, et tant pis pour les autres. Je n’y vois pas plus d’égo qu’à partager ses looks qu’on imagine inspirants pour d’autres, ses recettes, ou même ses selfies sur Facebook ou Instagram. J’imagine que celleux qui me lisent ici savent ce qu’ils y trouvent, pour les autres je ne leur force pas la main, il y des centaines de blogues remplis de vies parfaites, de contenus utiles et de réflexions intéressantes ailleurs, et ces gens font ça bien mieux que moi.
Peut être qu’un jour je retrouverais le plaisir d’écrire sur d’autres choses – la liste des meilleurs bars de microbrasserie de mon quartier ; comment ça se passe, une immigration réussie ; comment j’ai survécu à une grippe d’homme ; mes meilleurs conseils pour faire un grilled-cheese. Qui sait.