Je ne sais plus dire je t’aime.
Enfin, je crois. Bientôt deux ans que je suis « célibataire ». Avec des avec et des sans, des coups de coeur, des moments tendres, des moments doux, d’autres plus violents. Des gens qui s’en vont, des qui sont loin, des qui n’iront nulle part parce que c’est comme ça – question qu’on est pas compatibles. Deux ans que je vogue d’un corps à un autre, sans jamais m’accrocher vraiment. Deux ans que je n’ai pas dit je t’aime à quelqu’un d’autre que ma famille, mes amis et mon chat. Pourtant j’ai eu des papillons dans le ventre, souvent ; je suis tombé amoureuse, parfois ; j’ai pleuré tard le soir, et eu envie de frapper dans des murs quand ça faisait trop mal au ventre. J’ai crié des mots d’amour très fort dans ma tête et sur le papier quelques fois parce que c’était vrai, sur l’instant, mais j’ai gardé tout ça pour moi parce que c’est toujours éphémère, ces émotions, parce que ça implique tellement de les sortir ; parce que je sais bien que ça prend du temps d’aimer pour de bon.
Parce qu’il y a toujours eu un au revoir.
Je vais avoir 28 ans, et à 28 ans on se case et on fait des projets de vie à deux, alors j’ai droit à cette question à chaque fois – de mes parents, mon grand-père – et les amours ? Je ne réponds rien. À quoi bon raconter les histoires qui ne dureront pas – je le sais d’avance. À quoi bon engager un espoir, prendre le temps d’expliquer, alors que je ne suis jamais sûre, que tout peut changer du jour au lendemain. Comment raconter les amours impossibles, les belles rencontres, les moments tendres, et le sexe, qui s’arrêteront au petit matin, dans une semaine, ou dans deux mois.
À ma mère la dernière fois, j’ai demandé si c’était important, qu’il y ait quelqu’un dans ma vie. Si ça la rassurerait, quelque part, de me savoir « en couple ». Que j’ai quelqu’un à qui dire je t’aime, quelqu’un qui prendrait soin de moi. Ma mère m’a répondu « c’est pas important, si tu es heureuse comme ça. » Et puis « tu as l’air d’être heureuse. Tu as l’air de n’avoir besoin de personne. Tu trouveras quelqu’un, mais ce sera pas pour combler un manque. »
J’ai pas de manque. J’ai pas besoin de quelqu’un. Parce qu’en vérité, des amours, j’en ai plein : il y a mes amis (les plus géniaux du monde), il y a Dora (le seul être vivant à qui je dis mon amour), et il y a Montréal.
Voilà. C’est peut être là, le fond des choses. La réponse au pourquoi je n’ai pas réussi (mais ai-je vraiment cherché ?) à me remettre dans une relation. Parce que ma liberté importe plus à mes yeux que tous les jolis garçons que j’ai rencontrés jusqu’ici. Parce que j’ai pas besoin qu’on me sauve, pas besoin qu’on me répare, pas besoin qu’on me console, pas besoin d’un mec-béquille pour avancer. Parce que j’ai plus l’envie de cette vie là dont j’ai eu un avant-goût – vivre ensemble, acheter un appart, se marier, faire des enfants. Parce que je veux rien devoir à personne, je veux ma liberté et mon indépendance, et je chéris ces dernières plus que tout le reste – même si c’est au prix de mon « célibat ».
J’ai arrêté de croire au coup de foudre. Comme un tas de monde dans mon entourage, je ne cherche pas l’amour, ni rien de très sérieux. N’empêche, ça me dérangerait pas de tomber dessus par hasard, un peu comme on trébuche et on perd l’équilibre. C’est jamais sérieux de perdre l’équilibre. Ça fait rigoler. Ça rend un peu heureux. Je cherche rien d’engageant, mais c’est toujours rassurant de savoir que y a quelqu’un pour répondre à tes SMS tard le soir parce que « j’arrive pas à dormir ». Quelqu’un qui voudra bien partir sur un coup de tête en voyage à l’autre bout du monde – ou en week-end un peu moins loin. Quelqu’un avec qui le silence ne sera jamais pesant. De ces rencontres où tout est fluide, où chaque jour passe sans se poser de questions et où on se dit « on verra bien demain », et soudain, ça fait des mois que c’est demain, on a pas vu le temps passer, et on a toujours envie de se voir et des choses à se dire. On sait que l’autre sera encore là le jour suivant, et tous les jours d’après. On a pas besoin de se le dire, c’est une évidence. Quelqu’un à qui peut être je pourrais dire je t’aime sans avoir peur que ça nous enferme et nous détruise. Et y croire cette fois-ci, sans date de péremption.