Dans quelques heures, j’ai 28 ans. Je dis dans quelques heures car si on est encore le 16 en après-midi au Québec, je suis née un 17 juillet à 2h15 du matin en France. Ce qui fait qu’ici, on était encore le 16, vers 8 heures du soir. Je vais donc changer de date d’anniversaire.
(oui cette réflexion est un peu mindfuck mais très cohérente…)
Comme souvent à l’approche de mon anniversaire, je suis prise d’un étrange blues. Je veux me persuader que non c’est pas grave de prendre un an de plus, que date d’anniversaire ou non c’est un jour comme les autres, qu’on vieillit tout le temps, que tout ça n’a pas vraiment d’importance. Pourtant, cette année encore et malgré mon état d’esprit généralement très positif de ces derniers mois, j’appréhende. Quelque mélancolie me prend doucement au ventre, et je sais que le jour J, je vais passer par toutes les émotions, pour finir au fond de moi avec cette pensée : tout ça pour ça.
Le pourquoi de cette sensation, je ne l’ai pas. On me donne bien moins que mon âge – souvent début vingtaine si on ne me connait pas – , je ne me sens pas « vieille » dans mon mode de vie – tout l’inverse – et pourtant. Je sens mes 28 ans. Pas physiquement, mais en dedans. Je sais les années, l’expérience, le temps passé. Je regarde en arrière et j’ai la sensation d’avoir déjà vécu plusieurs vies, tout en ayant encore tout à découvrir, tout à vivre, tout à réaliser. Je suis heureuse, j’ai trouvé depuis un an mon équilibre, doucement, ce que je veux vraiment, ce qui me semble bon pour moi se précise. Je ne sais pas où je serai dans 3 mois, encore moins dans un an, mais je n’ai plus peur – cette incertitude, étrangement, m’est plus confortable que le « tout est sous contrôle » qui rassure beaucoup de monde. Ma seule évidence : Montréal. Montréal mon amour, Montréal ma belle, Montréal ma vie, mes amis, mon chat, le rythme des saisons, tout ce qui reste encore à vivre ici.
Comme ça m’arrive régulièrement je ressens à chaque anniversaire le besoin de faire un rapide tour du propriétaire. Où étais-je l’an dernier. Il y a deux ans. Plus. Je ne me rappelle pas précisément tous les gâteaux que j’ai mangé, même si c’est facile, avec ma famille c’est toujours le même depuis des années, le framboisier apporté par mon grand-père pour nos anniversaires respectifs (il est du 12 juillet), fait sur commande par sa pâtisserie à Pertuis – ce sera la même chose cette année encore, monsieur Venturini ? On l’aime, ce gâteau là, comme ces habitudes qui rassurent. Cette année, mon grand-père a eu 89 ans. Je voudrais toute ma vie fêter nos anniversaires ensemble, je ne vois pas pourquoi ça s’arrêterait – pourtant. Je me souviens de l’an dernier, des messages de quasi inconnus sur Facebook et Twitter, et des oublis de ceux que j’attendais, cette sensation étrange de ne plus vraiment savoir ce qui compte à ces moments. De cette soirée improvisée où on a failli se retrouver à deux avec la copine Maryne à danser sur Marie Gillain, et puis finalement Aurélie et son chum sont arrivés, et Nico et Carole qui venaient de faire avorter Dora. Je me souviens d’il y a deux ans, une soirée de départ aussi, quitter Paris – m’imaginais-je alors que ce serait pour partir bien plus loin que Bordeaux ? Je crois. Je ne sais plus vraiment. Je me souviens de cet été de mes 19 ans où je suis rentrée en catastrophe de Malte, mon père en colère parce que j’avais écourté de quelques jours le stage qu’il m’avait trouvé dans une filiale son entreprise. Cet été là j’étais loin encore de quelqu’un qui me rendait heureuse – si j’avais su à l’époque que ça deviendrait une habitude.
28 ans c’est juste un chiffre et j’ai la vie devant moi, mais. Il y a cette envie de voyage qui est là, et penser que les PVT ferment à 30 ans pour la plupart. Compter les années. Il y a le bonheur de vivre au jour le jour, sans me poser de questions, et me dire qu’un jour j’aurais envie d’enfants, et qu’alors il faudra grandir. Il y a l’apparence d’être forte, ma capacité à passer au travers de situations qui feraient paniquer un tas de monde, et prendre des décisions à l’instinct sans avoir peur de l’avenir parce que bah, yaura toujours quelque chose de bon au bout du compte, et pourtant la peur stupide de m’attacher et souffrir à nouveau.
Je m’appelle Élodie, j’ai 28 ans et toujours l’air d’en avoir 18, je suis forte la plupart du temps, mais chaque année c’est pareil, pour mon anniversaire je redeviens une petite fille. J’ai beau être entourée des meilleures personnes, j’ai peur d’être déçue, j’ai peur qu’on m’abandonne, j’ai peur de grandir encore un peu.
Dis, c’est quand qu’on devient adulte ?