Je réalise pas vraiment je crois, il est 1 heure du matin et je suis un peu en train de pleurer dans mon lit en me disant toutes les 30 secondes « merde c’est réel », et je réalise tout ce que j’ai porté ces derniers mois.
J’ai eu le mail cet après midi qui disait « vous avez un message dans votre compte MonCIC », mais j’étais en train de faire autre chose et j’avais pas le temps de regarder alors j’ai dit « on verra plus tard, en rentrant », et j’ai oublié. Ca parait un peu débile d’oublier un truc qu’on attend depuis des mois, mais c’est ça, comme si à force de plus y croire, à force de me trouver face à un mur et d’essuyer les plâtres des coups que je prenais, ça avait perdu de l’importance. Les gens autour vous diraient que j’avais l’air d’aller bien, l’air de pas me faire de soucis, et c’était vrai. J’attendais plus vraiment, le dossier était en cours, je savais que « normalement » ça allait passer, que « normalement » c’était accepté, que c’était une question de jours. Et les jours passaient, et je me fie plus aux « normalement » depuis Décembre 2013 – ya eu beaucoup trop de « normalement » qui ont pas fonctionné comme prévu.
Depuis plusieurs mois je vis comme si la vie continuait, mais au dessus de moi plane cette incertitude, la réalité qui te rappelle que t’es en sursis, tant qu’une solution n’aura pas été trouvée, tant qu’une décision n’aura pas été prise, qu’on est juste des immigrés acceptés là par la décision d’un type de l’administration qui sait à peine qui on est. Ca rend humble, ce genre de truc, et je vous assure qu’en tant que Français au Québec, on est très bien considérés. Alors on remet en perspective…
Et puis ce soir en me couchant, je me souviens tout d’un coup que j’ai un message à lire, un message de l’immigration qui peut faire à nouveau tout basculer. Alors j’ouvre mon ordi, je me connecte et ça dit « accepté ». Ca dit que mon Jeune Pro pour la Pépinière, compagnie dans laquelle un ami m’a proposé de m’intégrer, a été validé. Que j’ai un PERMIS DE TRAVAIL pour au moins un an.
Il est minuit quelque chose et j’ai envie de crier mais ya Camille et Fanny qui dorment, alors je fais ce que tout le monde s’attend à ce que je fasse pour partager mes émotions : je poste ça sur Facebook, et Twitter. En France c’est le matin, en Inde aussi et ya Marion qui twitte cet article dans lequel elle parle de Matt, Matt disparu depuis 6 mois, Matt qui a été retrouvé, Matt qui est parti pour toujours ; et en lisant les lignes je me mets doucement à pleurer. Ca sort, ça s’arrête plus, je devine dans ses mots tout ce qu’elle peut ressentir, je lis la tristesse, et aussi le soulagement, et je lis l’amour, et je repense à Rémi disparu il ya plus de deux ans, au texte qu’avait écrit Emilie pour lui rendre hommage. Je pense à ces au-revoir dont on ne sait pas quand on se reverra, si on se reverra un jour, et tout ce qui peut se passer. Je pense à comment parfois la vie nous joue des tours, et que c’est la vie. Et je pleure parce qu’au milieu de cette tristesse et de ces larmes que je ne comprends/contrôle pas, il y a la joie, je me dis « merde c’est fait, je l’ai ce fucking visa, je vais pouvoir retravailler, je vais rester à Montréal » et j’ai le ventre qui se serre, et je pleure à nouveau. Je voudrais fêter ça avec quelqu’un mais ya personne – que Twitter qui fav et Facebook qui like, et je vais jusque dans la cuisine pour faire un câlin à Dora avec les yeux mouillés.Ca sort par à coups et je crois que c’est un peu comme quand j’ai perdu mon boulot – et mon visa par la même occasion – je vais mettre quelques jours à réaliser que ça y est, c’est (presque) terminé ; que je suis à quelques semaines de demander la résidence permanente, que ça y est, le Canada, « normalement », c’est à durée indéterminée.
Ca fait encore beaucoup de « normalement » à acquérir avant d’arriver au Saint Graal de la RP, mais on y croit.
Je sais pas quoi dire, je pense à Marion et Matt, et je pense que pour moi tout est enfin arrangé, et je suis toute mélangée avec ce gros bordel émotionnel en dedans. Comme dit Lauriane « c’est le stress qui se barre, c ‘est comme quand tu crèves une ampoule ya plein de liquide qui sort et c’est pour la bonne cause ». Et elle a sûrement raison…