Intime & Réflexions

les savants les poetes et les fous

Louis-Dumas-Veronneau

J’aimerais vous expliquer à quel point ma vie est bizarre, depuis un moment.

J’aimerais vous expliquer, ma vie, comment ça se passe, où est la frontière floue du non-conventionnel, et comment je me suis retrouvée ici. J’aimerais pouvoir tracer des limites, un profil, détailler tout ça, et me glisser dans une jolie boite avec une étiquette dessus, pour faire plaisir aux gens-qui-aiment-bien-tout-mettre-dans-des-cases-parce-que-c’est-rassurant. Le truc c’est que… j’ai jamais trouvé les choses aussi évidentes que ce qui se passe pour moi depuis quelques temps.

J’ai dit évidentes. J’ai pas dit « normales ». J’haïs ce mot. Pourtant, il faut me rendre à l’évidence, je fais un rapide tour d’horizon de la-plupart-des-gens-autour-de-moi, j’observe, je vois les réactions lorsque je présente mes choix de vie. On respecte, on approuve, ou non, on questionne parfois. On partage rarement. « Ah oui, moi, je pourrais pas ». Et puis je retourne le gant et paf, ça fait une jolie frontière, celle qu’on appelle « la norme ».

N’empêche que, de mon point de vue, le bizarre, c’est les autres.

C’est ceux qui vont au boulot de 9 à 5 (ou, mettons, 9 à 8 pour les plus Parisiens d’entre vous), du lundi au vendredi, et qui gagnent à peine de quoi payer le loyer exhorbitant de leur T2 intra-muros. Ceux qui lisent les magazines féminins pour y trouver des conseils sur comment s’habiller, où partir en vacances, les joies des smoothies verts, comment reconquérir votre mec en lui faisant la pipe de sa vie – et si vous faites pas l’amour au moins une fois par semaine, votre couple va mal. Ceux qui savent où ils seront dans 10 ans, parce que leur job propose une évolution hiérarchique naturelle, avec boni et voiture de fonction. Ceux qui partent en vacances dans des resorts tout inclus ; ceux qui se marient à l’église en robe blanche et baptisent leurs enfants « pour la tradition » ;  ceux qui s’attristent ou se félicitent des stats d’une campagne de pub ; ceux qui se séparent parce que leur conjoint a couché avec quelqu’un d’autre. Ceux qui préfèrent taire leurs idées plutôt que d’entrer en conflit. Ceux qui s’énervent pour rien, ou tout, ceux qui passent leur temps à se plaindre mais trouvent toutes les raisons possibles de ne surtout rien changer. Ceux qui ont peur de tout. Ceux qui acceptent les règles sans réfléchir à leurs fondements, qui se fondent en silence dans la foule, parce que c’est plus simple ainsi.

Louis-Dumas-Veronneau

La vérité, maintenant. J’ai été comme les autres. Pendant des années je me suis pas vraiment posé de questions. C’était normal de rester au bureau 10 heures par jour alors que j’avais rien à faire la moitié de la semaine et que je formais des stagiaires pendant les jours restants – c’est la vie d’agence, faut payer le loyer, les factures. C’était normal de payer 1400 euro pour un 50m2 pour lequel on avait dû fournir un garant alors qu’on gagnait 3 fois le loyer à deux – en fait on trouvait même qu’on était chanceux. C’était normal de me demander le matin si ma robe était pas trop courte, et qu’est ce qu’on va penser de moi si je me tatoue ; normal de me faire mettre une main au cul dans le métro – c’est le métro ; normal que mon mec soit jaloux que je fasse des câlins à un ami (garçon), puis d’ailleurs les câlins ça se fait pas, on touche pas les gens avec qui on a pas de relation intime, c’est pas bien. C’était normal de faire une job « à responsabilités » – j’ai fait des études pour ça, pas question de gâcher mon potentiel ; normal de me remettre en question constamment – parce que peut être que si mon boss/mes collègues/mon client me traitent comme une sous-merde c’est que le problème vient de moi ; de penser que c’est la suite logique des choses que de travailler pour cette entreprise super connue et que ça fera beau sur mon CV, même si elle traite ses employés comme des objets interchangeables et fait son CA sur le dos de stagiaires à durée indéterminée. Pendant des années, j’ai écrit dans mes lettres de motivation que je cherchais une job qui pourrait me permettre de m’épanouir autant professionnellement que personnellement. Et j’y croyais.

Mais ça veut dire quoi, s’épanouir, quand on rédige des posts Facebook pour mieux vendre des t-shirts? On s’épanouit comment quand on ose à peine demander un jour de vacances de peur de se le faire refuser? C’est quoi l’enrichissement personnel et notre contribution au monde, coincé dans un cubicule?

Je rejette pas tout ça, je veux dire, sur les quelques boites où j’ai bossé, il y a eu de très belles histoires, de superbes rencontres, des projets hyper enrichissants. Mais en travail comme en amour, les expériences, bonnes ou mauvaises, nous permettent de mieux savoir ce qu’il nous faut. M’ont permis de comprendre que je pouvais pas travailler dans de bonnes conditions si on me mettait des objectifs chiffrés dans la face, et une sentinelle derrière mon dos. Que peut-être ce serait pas une mauvaise chose de me mettre à bosser à mon compte – je suis suffisamment exigeante avec moi-même pour pas avoir besoin d’un boss qui me rajoute de la pression.

(petite parenthèse ici pour dire un immense merci aux dernières personnes avec qui j’ai bossé parce que c’était peut être court, mais ça m’a redonné confiance en la possible humanité d’une compagnie) (merci François, Marie-Ève, Sylvain, Audrey, Oli, Carole, Rabbi, Josée, et Maxim, et Mélanie) (bref)

Pendant des années, j’ai eu l’impression que quelque chose collait pas, dans ma vie, que j’étais trop rarement à la bonne place, au bon moment. Pendant des années, j’ai eu l’impression d’être une extraterrestre parce que je considère envisageable – et même plutôt naturel – qu’on puisse avoir du désir (sexuellement) pour une autre personne que son conjoint.e et que je crois qu’on peut apprendre à vivre avec ; parce que je pense pas que le nombre de conquêtes d’une femme ait un plafond au delà duquel on a le droit de la traiter de salope ; parce que j’ai trop souvent dit tout haut ce que je pensais.

Louis-Dumas-Veronneau

On se l’est déjà dit, ya pas un jour où tout bascule, c’est quelque chose qui évolue, chaque jour, infimement, pour un peu qu’on s’ouvre à l’in-habituel, qu’on se mette à penser un peu plus loin, qu’on arrête d’avoir peur des qu’en dira-t-on. On est pas tous égaux devant nos idéaux, on cherche pas tous les mêmes réponses, on a pas tous les mêmes attentes face à la vie, ni les mêmes certitudes, encore moins la même résilience aux coups. J’ai compris doucement qu’assumer mes valeurs et mes choix était une façon de m’affirmer en tant que personne, de gagner en confiance en moi, de me faire un peu estimer. Je passe mon temps, encore, à toujours (souvent) me remettre en question, confronter mes choix avec le point de vue des autres, accepter la différence. C’est pas toujours facile, aujourd’hui je marche à deux, et je vacille parfois entre mon besoin d’affirmer ce que je crois et la peur de blesser cette personne merveilleuse qui accompagne désormais mes pas.

J’aimerais vous expliquer à quel point ma vie est bizarre en ce moment. Parce que j’ai fait des choix de vie, dans ma carrière, dans ma vie amoureuse, dans mon rapport aux autres, qui ne sont pas nécessairement « dans la norme » – ce contexte dans lequel j’ai grandi, et qui m’a, indirectement, aussi appris la liberté de penser. Parce que j’ai choisi de croire en des trucs « insensés ». Parce qu’à un moment je suis sortie du cadre et que je veux plus y revenir. Parce que pour moi, les bizarres, c’est ceux qui se conforment les yeux fermés.

J’aimerais surtout vous raconter tous ces gens merveilleux qui sont entrés dans ma vie depuis que j’ai décidé d’assumer ce que je crois être juste, de l’exprimer, d’en faire des valeurs, des certitudes. Des gens comme moi, qui font rien d’extraordinaire, un tas de fous qui ont oublié de juger, et l’énergie de rêver encore. Je suis loin d’être savante, pas vraiment poète, alors quelque part j’assume faire partie de la troisième catégorie. J’ai l’espoir secret que ma folie déteindra sur les autres et qu’on finira tous, d’une manière ou d’une autre, à sortir de nos boites et bousculer l’établi.

photos Louis Dumas-Véronneau, 2014

Au quotidien

parmi vous

aborted-beginingsJ’ai environ trois ou quatre brouillons de cet article où j’essaye de raconter, d’expliquer, le pourquoi du comment, les derniers changements, le bordel continu qui se stabilise aussi d’une certaine façon, le où je suis, où je m’en vais, je fais quoi. J’ai tenté de faire simple, et puis ça ne s’explique pas – enfin, si, j’ai un tas de mots rationnels à poser pour justifier le chemin que j’ai pris, la vérité c’est que c’est une fois de plus un choix par « fait accompli », une issue de secours qui se transforme doucement mais sûrement en une nouvelle voie, la vérité se résume en quelques mots sans équivalent en français : life happens.
« La vie arrive ». On pourrait dire ça. J’ai évoqué tellement de fois le bordel de ma vie, les changements incessants, le flou, les décisions qui n’en sont pas vraiment – parce que si j’avais tracé ma vie il y a quelques mois je ne m’imaginais pas là – et je ne cesse de répéter cette phrase – si j’avais pensé que.

Mais voilà. Aussi étrange que cela puisse paraître, j’ai la sensation que dans tout ce flou, dans toutes ces incertitudes, cette instabilité, j’ai commencé à me trouver. J’ai eu un million de prises de conscience, d’épiphanies plus ou moins heureuses, parfois simplement en réalisant que ce truc que je vivais « par défaut », comme « solution temporaire », était peut être quelque chose qui me convenait. Et par la force des choses, l’impossibilité de continuer la route que je voulais suivre à la base, j’ai fini par prendre tout ça sous un autre angle, et au delà de l’acceptation, m’approprier ce qui se passe. Je pense qu’on passe tous par là à un moment, si on se retrouve privé d’une capacité qui jusqu’ici nous semblait normale, ou bien les choses arrivent, et on change de direction. Je pense à Laura qui a décidé de devenir prof de yoga et dont l’histoire résonne étrangement avec la mienne. Lucie et Thibault qui sont partis s’installer au fond de la Bretagne dans un moulin qui prend l’eau. Fanny qui a découvert il ya quelques mois qu’elle avait un problème à la hanche qui sera un handicap à vie. On fait quoi dans ces cas là ? On apprend à vivre différemment, je crois.

J’ai pas perdu de hanche, ni eu d’accident, je suis en santé ; mon seul « handicap » temporaire, c’est les joies des visa, c’est de ne plus pouvoir travailler. C’est d’avoir décidé de rester ici malgré tout, de m’accrocher, accepter les aléas.

Life happens. Ces derniers mois, après une énième décision arbitraire de l’immigration, j’ai donc perdu une opportunité de job, je me suis mariée, et j’ai repris des études – pour occuper ces longs mois d’attente. Une formation courte (je peux pas étudier plus de 6 mois sans permis d’études) en massothérapie, encore une décision sur un semi-coup de tête, qui mûrit quand même depuis presque un an. Je reviendrais plus en détails dans un autre post sur la massothérapie au Québec, et plus spécifiquement ma formation (c’est très différent de ce qui existe en France, et oui c’est fascinant). Le fait est que, partie à la base pour faire ça « pour m’occuper » et « pour ma culture générale », et « on verra bien ce que j’en ferais quand j’aurais ma RP », je commence doucement à me poser réellement la question d’en faire mon métier, à temps plein, ou en partageant mon temps en freelance avec ce que j’appelle encore mon « vrai » métier, le webmarketing. Il y a aussi ce cap à passer qui m’éloigne définitivement de la France, de ma vie d’avant, le lien qui s’affaiblit, la distance. Suis-je encore parmi eux… ?

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Je suis loin d’avoir une réponse. Là encore il y a des listes qui s’écrivent dans ma tête tous les jours, des pros et des cons, des questionnements, des doutes, des envies, des projets, et tout ça qui se mélange. J’ai toujours pensé qu’un jour je changerais de voie, reconversion, autre, mais pas là, pas à 29 ans, pas avec si peu d’expérience dans mon domaine. Je m’éclate aujourd’hui dans ma formation, mais c’est nouveau, qu’en sera-t-il si j’en fais mon métier ? De l’autre côté, je m’éloigne de plus en plus d’internet, de la comm, j’observe les opés et les événements d’un oeil blasé, qui se dit « à quoi bon ? » (et je te parle pas de ce que je pense des « tendances », des magazines féminins et du bullshit général bien pensant…). C’est pas le cas pour tout, bien sûr, il y a encore des projets qui me font vibrer comme ceux auxquels j’ai participé – trop brièvement – l’été dernier et cet hiver ; et je suis certaine que je retrouverais la « flamme » si je replongeais pour de bon dedans.

Mais.

L’année est loin d’être terminée. Les questionnements se posent, doucement. J’accepte moi aussi ce changement qui s’est fait, dans ma vie, en moi. Je cherche l’équilibre. J’ai la chance de n’avoir aucune obligation, aucune responsabilité, aucun engagement, et des gens qui me soutiennent sans me juger. J’ai l’impression d’avoir fait les choses dans le désordre, d’avoir agi en réaction à des événements, presque dans l’urgence, et maintenant que cette urgence n’est plus, je réfléchis enfin à ce que je vais faire de tout ça. Peut être que c’est ça la vie, finalement. Une succession de réactions qui finissent par s’ancrer définitivement, tout ça parce qu’un jour, on a décidé de sortir du chemin. 

La suite, au prochain épisode…

 

Au quotidien

homéostasie

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De quand datent vos dernières vacances ?

C’était écrit dans le questionnaire. J’ai répondu « Euh…« . Mes dernières vacances. Tu veux dire plus de 4 jours où je décroche complètement ? Sans compter les retours en France qui ressemblent surtout à un marathon pour voir tout le monde ? Et puis c’est quoi, des vacances, quand ça fait plus d’un qu’on travaille plus vraiment régulièrement ? Alors je sais plus. Ma vie est un sacré bordel depuis que j’ai quitté Paris il y a 3 ans – résumons le comme ça.

Elle a souri. On a continué les questions. Elle me dit « pourquoi tu ne consultes pas pour tes problèmes de sommeil ?« . Je réfléchis. Ça ne m’embête pas, de mettre du temps à m’endormir. C’est rare que je passe des nuits blanches à tourner dans mon lit, finalement. Depuis que je suis toute petite, j’ai du mal à m’endormir. C’est devenu normal.

Elle sourit encore. On parle de mes problèmes de digestion, elle dit, le ventre c’est le deuxième cerveau, et c’est pas la première fois que je l’entends dire. Et puis du chemin qui m’a amenée ici, de ces périodes de fatigue intense qui me prennent, parfois, des journées incapable de faire quoi que ce soit car mon corps ne suit plus – pourtant, je suis très rarement vraiment malade. Des vaginites, tendinites, de mes problèmes de dos. Elle demande, es-tu stressée ?

Non. Jamais. Je ne me sens pas stressée, je gère.

Mais mon corps, lui, dit le contraire. Mon corps somatise, fragilisé par le manque de sommeil, il ya ces semaines où je me sens lourde, le foie chargé comme si j’avais trop bu, ces soirs où je m’écroule, et ces tensions dans la nuque et les trapèzes qui ne se relâchent jamais. J’ai tatoué cette épaule pourtant, comme un mantra, lâcher-prise. J’apprends. J’essaye. Il y a tant de choses sur lesquelles je n’ai pas d’emprise, aucun contrôle, à quoi bon s’énerver, chercher à comprendre. Et puis il y a le reste, ces trucs du quotidien qui doivent être faits d’une certaine manière, ces matins où le moindre défaut et manquement me contrarie. Des oeufs mal cuits, un gâteau raté, un plan de travail pas nettoyé, et j’explose.

Je sais que c’est stupide, de s’accrocher sur ces détails quand il y a beaucoup plus en jeu, que la propreté d’une baignoire ne changera rien à ma vie, que cet oeuf sera aussi bon qu’un autre, qu’on a voulu me faire plaisir. Alors que je me débats à peine face à une administration qui me fait tourner en rond et bloque ma vie depuis des mois, je m’énerve pour l’insignifiant, je renvoie mon stress et ma frustration sur ce que je peux atteindre facilement.

J’aimerais expliquer, c’est pas si facile. Le lien, il n’existe pas. J’ai une maman maniaque, sûrement que ça vient un peu de là. J’ai ces sautes d’humeur, les matins où tout semble aller mal, quoiqu’on fasse, où le seul fait de sociabiliser est un effort. Je ne contrôle pas ça. Parfois, je préfère ne plus parler, parce que je sais que si j’ouvre la bouche, ce sera pour blesser, renvoyer à l’autre cette énergie négative inexplicable qui brûle en moi. Parfois, je préfère couper toute communication, parce que je ne suis pas capable de gérer les problèmes des autres – ceux qui se trouvaient habituellement en moi une oreille attentive et des conseils. Parfois, il suffit d’une étincelle, et plus rien ne tient.

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C’est dur de lâcher-prise. Dur de lâcher le contrôle, de laisser faire, laisser glisser. La vie, ses averses, ses pluies torrentielles, elles coulent sur ma peau sans que je frémisse. Le reste, ces petites choses du quotidien sur lesquelles pour une fois j’ai une emprise, je les retiens, je m’y accroche, je les chéris et les protège, exagérément, je voudrais parfois que tout soit parfait.

Mais ça l’est pas, parfait, la vie, en vrai. C’est pas possible, et ça voudrait dire que quelque part on sait ce que ce mot veut dire. C’est difficile d’accepter de lâcher-prise sur des détails insignifiants lorsque tout nous file entre les doigts et qu’on peut juste regarder aller.

J’apprends. Doucement, je cherche l’équilibre. Le juste milieu, entre ce que j’accepte avec parfois un peu trop de facilité, et ces choses mineures que j’ai tant de mal à laisser passer. La balance, entre la motivation d’avancer et ces matins vides. Apprendre à dégager ce stress que je ne ressens pas mais qui me ronge en dedans. Chaque jour un peu plus, apprendre à (m’)écouter.

Juste le temps de battre des cils

Un souffle, un éclat bleu, un instant qui dit mieux

L’équilibre est fragile…

Au quotidien

de ma fenêtre

laptopChaque matin, c’est la même routine. Je comate sous ma couette en checkant Twitter et Instagram, échange de textos avec les copains/copines, puis je me lève et je m’installe dans la cuisine. J’ouvre mon ordi, je prépare mon déjeuner, et j’observe ce qui se passe dehors. J’ai la journée devant moi, tout est calme, je peux choisir de mettre la musique trop fort et traîner en pyjama si je veux. De ma fenêtre, j’observe l’arrivée du printemps. La famille d’écureuils qui s’agite pour regagner le gras perdu pendant l’hiver. La neige qui fond, et puis la nouvelle chute de neige, et le vent, et la pluie, et l’herbe sèche qui commence doucement à apparaître sous les plaques de neige sale. La buse qui se fait un festin d’un malheureux moineau, et l’écureuil qui vient pointer son nez parce que c’est SON arbre. Les couchers de soleil. Les dizaines de couchers de soleil, les jours qui rallongent, le chat qui perd ses poils, les branches grises de l’arbre qui vont bientôt se couvrir de vert.

Vous l’avez peut-être compris, mais depuis plusieurs semaines, je « travaille » chez moi. Un concours de circonstances, Jeune Pro refusé*, mouvements dans la compagnie où je travaillais, bref ça a été un début d’année très complexe, et je me suis retrouvée du jour au lendemain en congés-sans-solde-à-durée-indéterminée (parce qu’en tant que PVT-iste, pas de chômage pour moi, et sans visa, impossible de travailler), à quelques semaines de pouvoir lancer ma demande de résidence permanente**. Ca a été des semaines intenses sur pas mal de plans, car il a été clair dès le début que je ne voulais pas rentrer – pas tant que je n’aurais pas épuisé toutes mes options. J’ai donc envisagé toutes les solutions possibles pour rester dans cette ville que j’aime, dont celle de retourner aux études. Passé le moment de panique, j’ai aussi pris cette situation comme une opportunité pour me recentrer sur moi-même (souvenez vous, mon post de « résolutions ») et avancer sur la liste de toutes ces choses que j’avais envie de faire, tous ces projets que je trouvais pas le temps d’avancer. 

J’ai beaucoup dormi, j’ai refait le design de mon blog, j’ai enfin lancé un projet dont je parlais depuis des mois, j’ai repris les publications sur mon ancien blog cuisine (ça a pas duré mais bon on y croit), j’ai fait du jardinage, on a revu la déco de notre cuisine, j’ai lu, rattrapé des séries, des films. De manière étrange suite à la perte de ma job, une fois le choc passé et les conséquences « acceptées », j’ai pris cette nouvelle comme un soulagement. On est parfois pas bien dans une situation, mais on ne trouve pas la force/la motivation/les bonnes raisons pour changer. Alors on absorbe et on serre les dents. C’est là que je réalise que j’en pouvais plus, moralement, que j’encaissais mais que ça n’était pas sain comme situation, que je n’épanouissais pas du tout.

Il y a quelques semaines, on m’a proposé un nouveau boulot. Un boulot vraiment intéressant, le genre pour lequel je crois que j’aurais pas de difficulté à me lever le matin, le genre avec un projet qui m’emballe, le genre où on te dit « c’est à toi de créer et développer ton poste » ; et puis avec ce boulot, la possibilité d’avoir un visa. En une heure, l’horizon s’est ouvert et tout est redevenu possible. Ca a été tellement soudain et inattendu que j’ai cru à un rêve, un truc un peu irréel que j’attendais sans vraiment y croire, et je pensais qui n’arriverait jamais.

Je suis en ce moment dans les joies des dossiers pour présenter une demande de permis de travail. Rien n’est encore joué, je suis pour le moment revenue en statut « visiteur » (touriste longue durée) et je n’ai pas de garantie que cette nouvelle demande de visa soit acceptée, mais je crois vraiment que ce qui s’est passé a été un mal pour un bien. Pour la première fois de ma vie (je pense), je me suis « battue » (c’est un grand mot mais bon) pour quelque chose qui me tient à coeur, pour un choix que j’ai fait. J’ai pris conscience de l’importance d’être à Montréal pour moi, d’à quel point j’aime ma vie, à quel point je suis bien, et ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé de me sentir au bon endroit, au bon moment. Quelques mois qui m’ont aussi permis de me rendre compte de la chance que j’ai d’être entourée par des personnes géniales, ces (belles) rencontres dont on sait jamais vraiment comment elles vont évoluer – la réponse est : bien. Comme un d’entre eux m’a dit, « tu vois, tu avais raison d’y croire. »

A venir, encore beaucoup d’autres couchers de soleil…

coucher-de-soleil

* je ne rentrerai pas dans les détails ici mais pour résumer le JP a été refusé car on n’a pas établi que mon poste à Montréal constituait une évolution pour moi sur le plan professionnel. **Quant à la RP je comptais faire le PEQ qui nécessite 12 mois de travail à temps plein pour être lancé. J’étais à 11 mois.