Intime & Réflexions

changer, un pas à la fois

J’aime pas les résolutions. Disons que les trois ou quatre années précédentes ne m’ont pas vraiment aidé à tenir celles que j’ai essayé de prendre, m’apportant pas mal de surprises. Guess what ? J’aime les surprises. Mais pas trop. Début 2012, mon ex et moi avons commencé les démarches pour quitter Paris et nous installer à Bordeaux. Le 3 février 2013, j’arrivais à Montréal pour m’y installer, PVT en poche. Un mois plus tard, je recevais une offre d’emploi. Le 18 février 2014, je me faisais licencier en 15 minutes chrono, pour des raisons pas très claires et après avoir subi plusieurs mois de harcèlement moral de la part de ma supérieure. Le 24 février 2015, j’apprenais que ma demande de changement d’employeur était refusée par l’immigration, grâce à un.e agent.e mal luné.e. Chacun de ces événements a eu des conséquences qui ont très simplement changé ma vie.

2016. On est rendus fin février, date fatidique pour les trois années précédentes, et le ciel ne m’est pas encore tombé sur la tête *touche le banc IKEA en pin à côté de moi*. Miracle. S’il y a eu plein de surprises dans les derniers mois, pour la première fois depuis quatre ans, je sais à peu près certainement où je serais dans six mois. J’ai ma Résidence Permanente, ce qui veut dire que je peux travailler pour n’importe quel employeur (et à mon compte), et que je suis installée au Canada pour une durée indéterminée. Oh yeah. J’ai une job. Une job cool, que j’ai pas choisie par défaut, où on ne me traite pas comme de la merde, où je n’ai aucune obligation de performance si ce n’est aimer ce que je fais, et où, surtout, je passe mes journées à partager du bonheur avec les gens. J’ai un mari adorable qui postule pour des postes dans la fonction publique et qui risque de gagner bien mieux sa vie que moi (si on nous avait dit ça !). Je vis dans un bel appartement-témoin IKEA avec deux chattes un peu bizarres. Et surtout, j’ai confiance en l’avenir.

En revenant de voyage, en retrouvant une vie « normale », j’ai eu un moment de panique. Est-ce que cette vie est vraiment faite pour moi… ? Puis j’ai réfléchi. Ma vie, ce sera ce que je décide d’en faire. J’ai le contrôle, à nouveau, je peux décider des opportunités qui s’offrent à moi, et de me diriger dans une voie, ou une autre. Des choix, j’en ai fait dans tout ce bordel, et je suis là aujourd’hui parce que je me suis battue pour ça.

Alors j’ai décidé de faire des listes. Des listes de choses que je voulais faire, mais que j’avais jamais le temps. Des listes de trucs qui me rendent heureuses, qui me font du bien. Des listes d’idées, de concepts, des notes à la va-vite sur un carnet pour me rendre compte de tout ce qu’il me reste comme latitude pour m’exprimer et me développer là-dedans. J’aime plus autant les surprises qu’avant, mais je veux garder l’ouverture à l’imprévu, au spontané, à être bousculée dans ma vie. Et aussi donner quelques lignes directrices, pour ne plus jamais retomber dans l’état d’impermanence anxieuse que j’ai pu traverser, pensant à tort que le stress ne pouvait pas m’atteindre.

J’ai retrouvé la note du médecin. Je me souviens trop. Je veux plus jamais revivre ça.

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Depuis que je suis rentrée à Montréal, j’ai repris le yoga. Une fois par semaine, au minimum. Pour l’instant, je m’y tiens, je compte commencer le Vinyasa dans les prochains mois pour compléter ma pratique en Hatha.

Je suis allée à la piscine. Une seule fois, c’est pas encore ça, mais ça m’a fait un bien fou. J’ai nagé 500m, trois nages, ça faisait des années que j’avais pas fait de longueurs, j’étais tellement fière de moi.

J’ai diminué de plus de la moitié la quantité de viande que j’achète. J’ai cuisiné des recettes végan (le dhal aux lentilles et coco de Marilou est une petite tuerie, et se réchauffe très bien), et une tartiflette, mais le bacon ça compte pas.

J’ai largement baissé ma consommation d’alcool. En fait, je ne bois plus de bière, puisque j’ai fini par réaliser que ça me donnait à coup sûr d’affreuses migraines et gueules de bois. Ça limite le choix vu le prix du verre de vin, alors dans les bars, je prends du cidre, du Coca, ou du Virgin Bloody Cesar.

J’ai recommencé à lire, un peu. Pendant mes journées à la boutique, dans le métro. J’ai toujours du mal à m’installer pour lire à la maison et ai encore le réflexe d’allumer mon ordi ou Netflix, mais je suis beaucoup plus rarement sur mon ordi la journée, ça compense.

D’ailleurs, j’ai aussi décidé d’arrêter le réflexe Netflix/série qui coupe toute communication de couple. Essayer de penser à d’autres choses à faire ensemble plutôt qu’une semaine de binge watching parce que c’est la facilité de continuer Jessica Jones. Et quand je suis seule, écouter des films et documentaires plutôt que des séries random.

Je prépare un dossier pour m’inscrire à l’université en Sexologie, à temps partiel. La rentrée n’est qu’en Septembre et je ne suis pas encore certaine à 100% de le faire mais les inscriptions sont jusqu’au 1er mars et je veux me donner cette option – plutôt que de regretter et devoir attendre 2017 pour le faire. Mon travail actuel me plait beaucoup mais ce n’est pas hyper stimulant sur le plan intellectuel, et je sais que je vais finir par m’ennuyer. Je veux continuer à explorer ma fascination pour l’humain, à travers ce domaine très polyvalent.

Je me maquille à nouveau, pour sortir ou travailler. Je fais un peu plus d’efforts pour m’habiller, porter à nouveau des robes, de la lingerie. J’ai eu une phase où mon apparence était très secondaire et ça m’a fait beaucoup de bien de m’en détacher, mais je me rends compte que j’ai besoin de me sentir jolie et séduisante, de me regarder dans le miroir et me trouver belle. Parlant de retrouver la conscience de mon corps et de ma sensualité, je compte poursuivre les cours de burlesque (j’ai fait deux classes l’an dernier et j’ai adoré). Je me donne pour objectif de monter un numéro et le présenter sur scène cette année.

J’ai passé une semaine seule sans Dany, parti travailler à l’extérieur de Montréal. Il vient de repartir pour 13 jours, et je n’ai plus l’appréhension d’être sans lui. Pour une fille hyper indépendante comme je peux l’être c’est étrange de dire ça, mais dans mon état de l’an dernier il était ma bouée de sauvetage et je me sentais complètement paniquée à l’idée de son absence. J’avais besoin de me prouver que j’étais à nouveau capable d’être seule, de m’occuper, d’exister individuellement. Ça fait extrêmement de bien de retrouver ça.

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C’est une longue liste, des petites choses sûrement insignifiantes, qui pourtant me tiennent à coeur, qui font partie de mon « projet » de développement personnel, de mes « résolutions » de début d’année. Des petites choses anodines mais dont je suis tellement fière, à ces quelques semaines d’intervalle. Je sens que j’ai l’énergie de tenir, l’énergie d’aller de l’avant, et je voudrais maintenant pouvoir embarquer avec moi tou.te.s celleux qui peinent encore à avancer. Je peux pas sauver le monde, évidemment, alors on y va à petits pas. Moi d’abord, j’ose croire que les autres bénéficieront ainsi de l’effet d’entraînement.

Tout est arrivé en même temps, quelque part, la vie m’offrait une page presque blanche qu’il ne me reste plus qu’à remplir. Je n’oublie pas les rouleaux précédents, les brouillons, les ratés. J’ai encré des gribouillis sur ma peau, pour symboliser le lâcher-prise. Mais la ligne qui représente Montréal est droite, étrangement. Elle ne se termine pas, vraiment, un point virgule. La suite reste à écrire…

Intime & Réflexions

et puis soudain

Tout va bien, je lui dis, tout va bien, tout est allé super vite, c’est comme si tout d’un coup, tout était rentré dans l’ordre. Alors je suis contente, je crois, c’est positif tout ça, on s’y attendait pas mais c’est bien, on avance vite, plus vite qu’on aurait pensé.

En fait j’ai pas pensé, vraiment, j’ai juste laissé les vides se remplir et pris au vol les opportunités. Pour lui aussi d’ailleurs, on sait pas trop vers où mais ça s’enligne fabuleusement. Peut être que « fabuleux » n’est pas le mot, disons, disons juste que ça s’enligne.

J’ai continué : Ça y est, tout est calme, on est sortis du tunnel, je sais où je vais, je vois l’avenir, et c’est joli. Le présent aussi, d’ailleurs, c’est cool cette nouvelle job, même si c’est pas bien payé je sais que j’ai fait le bon choix, que je vais pouvoir y grandir, y évoluer, être heureuse. Plus de murs. Plus de barrières. Plus de portes fermées et de ponts qui s’écroulent. On est bien. Ya plein de potentiels autour de nous.

Pourtant, parfois, presque imperceptible, y a un truc fragile, un truc qui vibre en dedans, ou plutôt, qui vibre plus. Je sais pas, comment dire, comment expliquer, et c’est sûrement con, mais je le sens. Le vide. La question. Pourquoi je suis là. C’est quoi le sens à donner, maintenant que j’ai plus besoin de me battre pour croire que ça existe. Et j’ai peur, aussi, j’ai peur que tout s’écroule à nouveau, que ce soit juste du beau-stuc, et qu’il nous arrive à nouveau quelque chose et vlan dans ta gueule tu l’as pas vu venir.

Je sais. C’est con. J’ai juste plus l’habitude. Trois ans (quatre ?) que je me construis dans le chaos. Que j’avance vers l’invisible. Que je créée le chemin sous mes pas. Trois ans (quatre ?) que je questionne, explore, découvre, explose, implose, trébuche, dérive, alternative. Et puis soudain, l’ordre. Soudain, le stable. Le calme. Le tangible. La norme, on dirait presque, si on regarde le cadre et qu’on prend la pause en oubliant le chemin pour arriver ici, c’est joli, on pourrait même le présenter à la famille (justement).

Et c’est aussi l’instantané de tout ce que j’ai voulu fuir.

C’est étrange, de voir comment je suis retournée, en quelque sorte, sur mes pas. Comment le bonheur semble trouver sa place dans un cocon pré-dessiné, pré-mâché, pré-digéré. Remplissez bien les petites cases, cochez, soyez rassurés. Moi ça m’angoisse, les cases. Ya quelque chose de bancal à me retrouver là après avoir tant questionné (m)les choix de vie et la construction sociale qui nous y mènent. Ça me fait paniquer, de me dire que si je reste sur les rails, ma prochaine plongée vers l’inconnu et la découverte de moi-même, ça sera faire un bébé – et ça sera alors terriblement normal.

Il y a peu, une amie m’a demandé, pourquoi tu es en couple, pourquoi tu es mariée, pourquoi tu veux des enfants, si tu penses que tu as pas besoin de ça pour être heureuse ? Je crois que la question contient la réponse, intrinsèquement. Que c’est en se trouvant soi-même qu’on peut rencontrer l’autre. Que l’amour, le couple, l’engagement qu’on prend, la construction d’une famille, est un moyen, pas une finalité.

Alors je voudrais toujours me souvenir de ce chemin, et puis l’oublier. Me souvenir que je ne suis pas arrivée là par hasard, que c’est un choix conscient et éclairé. Me souvenir de tout ce qui a motivé et dirigé ma vie pendant les turbulences, et que je suis enfin arrivée à bon port. Me rappeler à quel point le chaos a apporté son lot de doutes, lui aussi, à quel point j’ai souffert, et fait souffrir.

Je voudrais me souvenir de tout ça, et ne surtout pas m’arrêter. Ne jamais cesser de questionner et remettre en cause. Toujours chercher à bousculer, absorber, déconstruire, recracher, apprendre encore.

J’ai le choix aujourd’hui. C’est étrange, tous ces possibles. Au fond de moi, et pas si loin, quelque chose me pousse à continuer d’explorer l’invisible, l’insécure, de continuer de marcher sur un fil et toujours chercher l’équilibre – car si je m’arrête ici, je suis déjà morte.

La question qui reste en suspens et à laquelle je me dois de répondre, c’est comment – comment continuer à explorer le chaos sans pour autant détruire ce qui est ; comment lâcher-prise dans ce bonheur simple que la vie m’offre tout en flirtant avec les limites de ma zone de confort ; comment ne jamais cesser de douter.

 

Je crois qu’il faut avoir manqué d’air pour apprécier de respirer, et qu’il faut avoir eu la sensation de mourir un peu pour se sentir vivant.

Merci Camille Anseaulme pour ces mots très justes…