Intime & Réflexions

et puis soudain

Tout va bien, je lui dis, tout va bien, tout est allé super vite, c’est comme si tout d’un coup, tout était rentré dans l’ordre. Alors je suis contente, je crois, c’est positif tout ça, on s’y attendait pas mais c’est bien, on avance vite, plus vite qu’on aurait pensé.

En fait j’ai pas pensé, vraiment, j’ai juste laissé les vides se remplir et pris au vol les opportunités. Pour lui aussi d’ailleurs, on sait pas trop vers où mais ça s’enligne fabuleusement. Peut être que « fabuleux » n’est pas le mot, disons, disons juste que ça s’enligne.

J’ai continué : Ça y est, tout est calme, on est sortis du tunnel, je sais où je vais, je vois l’avenir, et c’est joli. Le présent aussi, d’ailleurs, c’est cool cette nouvelle job, même si c’est pas bien payé je sais que j’ai fait le bon choix, que je vais pouvoir y grandir, y évoluer, être heureuse. Plus de murs. Plus de barrières. Plus de portes fermées et de ponts qui s’écroulent. On est bien. Ya plein de potentiels autour de nous.

Pourtant, parfois, presque imperceptible, y a un truc fragile, un truc qui vibre en dedans, ou plutôt, qui vibre plus. Je sais pas, comment dire, comment expliquer, et c’est sûrement con, mais je le sens. Le vide. La question. Pourquoi je suis là. C’est quoi le sens à donner, maintenant que j’ai plus besoin de me battre pour croire que ça existe. Et j’ai peur, aussi, j’ai peur que tout s’écroule à nouveau, que ce soit juste du beau-stuc, et qu’il nous arrive à nouveau quelque chose et vlan dans ta gueule tu l’as pas vu venir.

Je sais. C’est con. J’ai juste plus l’habitude. Trois ans (quatre ?) que je me construis dans le chaos. Que j’avance vers l’invisible. Que je créée le chemin sous mes pas. Trois ans (quatre ?) que je questionne, explore, découvre, explose, implose, trébuche, dérive, alternative. Et puis soudain, l’ordre. Soudain, le stable. Le calme. Le tangible. La norme, on dirait presque, si on regarde le cadre et qu’on prend la pause en oubliant le chemin pour arriver ici, c’est joli, on pourrait même le présenter à la famille (justement).

Et c’est aussi l’instantané de tout ce que j’ai voulu fuir.

C’est étrange, de voir comment je suis retournée, en quelque sorte, sur mes pas. Comment le bonheur semble trouver sa place dans un cocon pré-dessiné, pré-mâché, pré-digéré. Remplissez bien les petites cases, cochez, soyez rassurés. Moi ça m’angoisse, les cases. Ya quelque chose de bancal à me retrouver là après avoir tant questionné (m)les choix de vie et la construction sociale qui nous y mènent. Ça me fait paniquer, de me dire que si je reste sur les rails, ma prochaine plongée vers l’inconnu et la découverte de moi-même, ça sera faire un bébé – et ça sera alors terriblement normal.

Il y a peu, une amie m’a demandé, pourquoi tu es en couple, pourquoi tu es mariée, pourquoi tu veux des enfants, si tu penses que tu as pas besoin de ça pour être heureuse ? Je crois que la question contient la réponse, intrinsèquement. Que c’est en se trouvant soi-même qu’on peut rencontrer l’autre. Que l’amour, le couple, l’engagement qu’on prend, la construction d’une famille, est un moyen, pas une finalité.

Alors je voudrais toujours me souvenir de ce chemin, et puis l’oublier. Me souvenir que je ne suis pas arrivée là par hasard, que c’est un choix conscient et éclairé. Me souvenir de tout ce qui a motivé et dirigé ma vie pendant les turbulences, et que je suis enfin arrivée à bon port. Me rappeler à quel point le chaos a apporté son lot de doutes, lui aussi, à quel point j’ai souffert, et fait souffrir.

Je voudrais me souvenir de tout ça, et ne surtout pas m’arrêter. Ne jamais cesser de questionner et remettre en cause. Toujours chercher à bousculer, absorber, déconstruire, recracher, apprendre encore.

J’ai le choix aujourd’hui. C’est étrange, tous ces possibles. Au fond de moi, et pas si loin, quelque chose me pousse à continuer d’explorer l’invisible, l’insécure, de continuer de marcher sur un fil et toujours chercher l’équilibre – car si je m’arrête ici, je suis déjà morte.

La question qui reste en suspens et à laquelle je me dois de répondre, c’est comment – comment continuer à explorer le chaos sans pour autant détruire ce qui est ; comment lâcher-prise dans ce bonheur simple que la vie m’offre tout en flirtant avec les limites de ma zone de confort ; comment ne jamais cesser de douter.

 

Je crois qu’il faut avoir manqué d’air pour apprécier de respirer, et qu’il faut avoir eu la sensation de mourir un peu pour se sentir vivant.

Merci Camille Anseaulme pour ces mots très justes…