Au quotidien · Chroniques

la vérité sur les écoles de commerce

Certains d’entre vous le savent, d’autres pas encore, mais voilà, j’avoue-et-j’assume: j’ai fait une école de commerce. Enfin, j’ai fait, je n’ai techniquement pas encore mon diplôme. Reste à terminer MonJob (qui est un stage au cas où vous n’auriez pas encore compris), commencer écrire mon mémoire de fin d’études (et oui, pour valider un Master c’est ce qui arrive…) et valider un tas de trucs compliqués très spécifiques à MonEcole et dont il serait totalement inutile de parler ici, puisque seuls quelques initiés seraient à même, après trois ans de pratique, de comprendre cette pédagogie étrange  (et encore, comprendre est un bien grand mot).

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Alors là, après cette déclaration publique, je sais ce qui se passe dans vos petites têtes. Ecole de commerce. Ce mot est associé à un tas de clichés pour ou moins réalistes. Je vous vois déjà en train de m’imaginer fille à papa, cabriolet, mèche et prénom bourgeois. Quant à mes amis, ils seraient fils à papa (aussi), habillés en costard tous les jours, ou du moins en mocassin-polo-mèche. Nous aimerions l’argent -beaucoup-, et nous serions des genre de requins du marketing et de la vente à tout prix, des futurs PDG en puissance, ou encore amenés à finir Jérôme Kerviel de notre état, traders cocaïnés mourants de stress à force de vouloir à tout prix nous enrichir.

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Voilà. La réalité est bien différente. Et chaque année qui passe apporte son éventail de « positionnement ».

7D’abord, la prépa, où certains rabâchent que nous sommes « la future élite de la France« . J’en ris d’avance. Ok, on est peut être amenés à faire partie des déciles supérieurs au niveau revenus (et encore), mais il suffit de voir le lot de gens stupides qui aterrissent (comme partout) dans nos amphis. Sans compter la perte de neurones durant la scolarité, liée à l’alcool (premiers alcooliques parmi les étudiants français, sisi).

5Ensuite, arrivés en école, il existe un genre de clivage entre « regardez notre école est n°truc dans le classement« , (et quand on passe dans le Top10 je vous en parle pas) et « vous faites pas de rêves, les jeunes, le monde de l’entreprise est difficile« . Bon, évidemment, on nous raconte pas toute la vérité, on paye déjà sufisamment cher, faudrait pas qu’ils perdent la crédulité de leurs clients (c’est nous les clients, les étudiants). On nous dit qu’on est bien préparé à la vie en entreprise. Qu’on va gagner en premier emploi en moyenne 35 K€/an. Ce qu’on nous dit pas, c’est que c’est le salaire brut, et que c’est après 2 ans de boulot.

8Et puis arrive la recherche de stage. Et là, c’est le drame. On s’attendait à ce que les entreprises nous tombent dans les bras à la vue de notre super CV (et du nom de notre école, qui investit une bonne partie du budget dans la comm’). Et on se retrouve avec quatre pauvres réponses (sur 100 CVs envoyés) de stages rémunerés 30% du SMIC. Elle est où l’arnaque ?? Pire encore, vient le passage en entretien. Et le moment fatidique où la recruteuse en face, qui emploie 8 stagiaires sur les 10 postes de l’entreprise (vive les boites de comm’ je vous dis), et à qui vous venez de déballer votre CV en version « j’ai appris grâce à cette expérience que » (merci aux séminaires de développement personnel et autres simulations d’entretien), vous regarde et vous fait « et… VotreEcole, c’est quoi en fait ?« .

Bam.

Alors t’es gentille, et tu lui réponds « c’est l’ancien Sup de Co truc, on est classé X dans le classement des Grandes Ecoles« . T’as déjà honte d’avoir dit Sup de Co Truc, parce que Sup de Co Truc c’est une école toute pourrie dans l’imaginaire des recruteurs( d’où le changement de nom). Et que t’as placé ton rang d’Ecole dont tu croyais avoir rien à faire, pour tenter de rattraper le coup. Et là, elle te répond « oué je m’en fous« .

21 000€ pour que la meuf en face sache même pas ce que c’est ton truc. Et qu’elle s’en foute du classement.

Ca craint.

4Forcément, il faut aussi avouer que les écoles de commerce aiment jouer sur leur nom. Entre les IS quelque chose (I pour Institut, et S pour supérieur, déjà, ça commence mal) qui tentent de cacher leur absence de notoriété derrière un sigle absurde, et les nouvelles apellations ‘école de management‘, ‘Truc Management‘ det autres ‘business school‘ qui fleurissent à tout va (internationalisation oblige), les pauvres recruteurs sont complètement perdus. Où sont passées les bonnes vieilles « sup de co + nom de la ville » ?

Je reviendrai sur ces changements d’appellation, qui somme toute sont tout à fait justifiés. En effet, en école de commerce, on fait beaucoup d’autres choses.

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Heureusement, il y a certains recruteurs qui font semblant de connaitre connaissent ta super Ecole de Management, et bon, t’aterris finalement quelque part en stage. Payée un peu plus que le SMIC. Et contente d’avoir des tickets restos. Et c’est là que tu découvres (enfin) le vrai visage de ce fameux monde de l’entreprise dont on nous parle depuis des années. Et que tu te rends compte que ce sentiment vague et confus qui t’a habité pendant ces deux ans se confirme… tu n’as RIEN appris. Mais RIEN. Les anciens avaient raison. On nous ment. On nous spolie. Mais comme on est plutôt de droite on s’arrêtera là.

La deuxième prise de conscience arrive assez rapidement. Les 35 k€ qu’on t’a fait miroiter… c’est pas demain que tu les gagneras (vive le monde de la comm’). Si tu commences à 1700€ brut/mois sur ta fiche de salaire, t’es content d’être au dessus du salaire médian français. Tu te rends soudain compte que finalement la grande distrib’ ça paye pas si mal, avec les primes. Et que t’aurais aimé écouter les cours de Finance, au lieu de mater les seins refaits de ta prof thésarde de 25ans.

Voilà. Etudiants en école de commerce. Futures élites de la France. Fils à papa. Welcome to the RealWorld.

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(to be continued)

– jeu : des images issues de différentes écoles se sont glissées dans ce post. saurez vous retrouver leur origine ? –