Au quotidien

les vacances

Alors voilà, je suis rentrée.

C’est drôle, quand j’y pense, depuis Montréal, je dis « je rentre en France », et depuis la France, je rentre chez moi. On devient schizophrène quelque part, avec tous ces avions, ces kilomètres, les gens ici, là bas, le là bas qui devient ici tandis qu’on se demande un peu étrangement c’est où, chez soi.

C’était douze jours un peu flous – la parenthèse prévisible. Comme cet été, ce séjour en France m’aura laissé un goût étrange. Quelque chose de l’ordre du fluide, pas vraiment des vacances car on connait par coeur ces lieux, les pas qui nous mènent d’un endroit à l’autre et les lignes de métro; pas vraiment dépaysant, et pourtant la sensation de ne plus vraiment appartenir à cette vie.

Alors voilà, je suis rentrée.

Pendant douze jours, j’ai mangé du fromage, du pain, du foie gras. J’ai bu du vin, beaucoup, et du champagne. J’ai serré des gens dans mes bras, encore, dit bonjour comme si on s’était vus hier, et au revoir sans savoir quand sera la prochaine fois. J’ai oublié mon accent et mes expressions Québécoises au moment où j’ai posé le pied sur le sol Français – mais ça va revenir. J’ai été au cinéma, j’ai vu la Tour Eiffel, et Notre-Dame, j’ai marché dans Marseille, et dans Paris, la nuit, parce que c’est beau. J’ai mangé des sushis, aussi, été au hammam, au théâtre, et chez des gens que je connaissais pas. Je me suis couchée tard, j’ai rencontré des Singapouriens en transit, aidé des Hollandais un peu perdus et discuté avec un fan de Pokémon ; dansé dans un club gay sur Vanessa Paradis et Lady Gaga (en total cliché), relu le livre d’or des chiottes de ma coloc étudiante, mangé dans mon ancien GQ. J’ai dit un nombre incalculable de fois « tu m’as manqué » et « faut absolument que vous veniez à Montréal » et aussi « ça me fait tellement plaisir de te voir ». J’ai fantasmé sur les Snapchat de l’ami Paingout en Australie, mais en vérité j’étais contente d’être à Paris. J’ai eu chaud et quand même attrapé un rhume. Je me suis levée tard, j’ai grasse-matinée, et sieste crapuleuse, fêté le Nouvel An sur les quais de Seine et partagé une bouteille de champagne avec un couple de jeunes mariés Australiens. J’ai pensé « à Montréal, c’est dans 6 heures », et qu’à Sidney c’était déjà passé, et j’ai trouvé ça extrêmement poétique, quelque part, que le décompte arrive toutes les heures du monde entier.  J’ai loupé un train, et voyagé en Premium Air France, avec du foie gras (encore) et de la place pour les jambes. J’ai eu le coeur serré en survolant le Québec enneigé, parce que sans exagérer, c’est un des paysages les plus fascinants que j’ai pu observer. J’ai passé la douane en croisant les doigts pour pas qu’on chipote sur le fait qu’il me reste plus qu’un mois de visa. Et puis -17°C, et ce ciel, et le blanc partout, et. Continue reading « les vacances »

Intime & Réflexions

everything is in the right place

Lundi, j’ai touché Marseille du bout des doigts. On est allées au J4, avec ma mère et Candice, ma belle-soeur.

Je dis « ma belle-soeur » même si MonFrère et Candice ne sont pas mariés, mais c’est parce qu’elle fait partie intégrante de la famille. Un peu comme une soeur, sans les souvenirs d’enfance en commun. Elle fait partie des rares personnes qui peuvent m’offrir un bijou et tomber juste dans ce que j’aime – je suis compliquée du bijou – compliquée du cadeau aussi d’ailleurs.

Le J4, avant, c’était un espèce de no man’s land où on organisait les Docks des Suds et Marsattack. L’été, y avait des gamins qui se baignaient. Et après, les bateaux. Avec Marseille-Provence 2013 (comprenez : Capitale de la Culture Européenne), ils ont construit le MUCEM. J’étais jamais allée là bas, le MUCEM a ouvert après mon départ, et cet été j’ai pas eu le temps, alors voilà. Je voulais voir.

Il y avait des nuages jusque loin sur la mer, et le soleil entre eux. Il y avait l’eau bleu pétrole, et émeraude, selon où on regarde. Il y avait Notre Dame, et la Major, et le Vieux Port, et les quartiers Nord qui s’étendent là, entre l’Étoile et l’Estaque. Les ponts du chemin de fer de la Côte Bleue. Les immeubles tordus. Le Fort Saint Jean, et le truc que Napoléon a construit pour Joséphine et dont j’oublie toujours le nom. Et le Frioul derrière, mais sans le Château d’If.

On avait jamais vu Marseille sous cet angle. Vue d’en bas, vue du J4 et de la Tour du Roi René (qui était en fait Comte de Provence, mais ici on est un peu chauvin, et on aime bien exagérer). D’habitude, Marseille, on la regarde d’en haut, de la Bonne Mère, avec le Vélodrome d’un côté et les docks de l’autre. Cette vue depuis le bout du Port, c’est nouveau, c’est pas un coin où on va vraiment, ça existait même pas avant. Alors c’était comme redécouvrir sa ville. Et c’était magique.

Alors le soleil a fini de se coucher sur la rade, et le ciel a disparu dans une tâche d’encre sombre, avec le chapiteau du cirque Medrano qui se découpait devant.

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Intime & Réflexions · Voyages

la parenthèse

Dans quelques heures, je serai dans un avion d’Air France, direction Paris. Dans quelques heures, j’atterrirais à Roissy, dans ce grand terminal tout beau tout neuf. Je réalise pas. C’est l’impression que mes dernier pas sur les pavés français ont eu lieu hier, et que ce hier, c’était il y a une éternité. C’est l’impression que ces six mois qui me séparent de ce mois de Juillet, à l’aéroport Marseille-Provence, à dire au revoir à mes parents au milieu des sacs colorés. C’est savoir que quelqu’un m’attendra, là bas, demain à Roissy, dimanche à la gare TGV d’Aix-en-Provence, que je vais serrer dans mes bras tous ces gens qui sont si loin, les toucher, les embrasser, leur parler en vrai.

C’est une chose étrange que la distance. Si loin d’ici je ne me rends pas compte des kilomètres qui nous séparent, et encore moins des mois. J’entraperçois des bouts de vie et de visages au détour d’un post Facebook ou Instagram, je partage sur Snapchat les pérégrinations dans Paris, les textos échangés au milieu de la nuit alors que de l’autre côté de l’Atlantique c’est déjà le matin.

Je ne réalise pas cette distance, la plupart du temps. Ma vie ici est tellement différente, tellement intense, en tous points, que je ne ressens pas de manque. Et puis il y a ce moment où tu prends ton billet et tu te dis « putain, ça fait six mois ». Il y a cette amie qui a perdu tellement de poids qu’elle est méconnaissable. Cette autre qui a coupé ses cheveux. Les grands-parents qu’on a pas vus depuis des mois. Et puis celui dont on a presque oublié l’odeur, le parfum, le goût de la peau, et les nuits blanches…

J’ai parfois la sensation d’avoir deux vies. Ici, et là bas. Deux chez moi. Deux existences en parallèle qui parfois se croisent en un ballet étrange coincé entre les fuseaux horaires. Et si j’ai hâte de retrouver Paris, la Provence, ma famille, mes amis; si j’ai hâte de voir s’illuminer la Tour Eiffel et de sentir le soleil du Sud sur mon visage; je sais que tout ça va me manquer. Ma coloc, mon chat, mon lit, Montréal, mes amis, chez moi. Que je serai contente, dans dix jours, de remonter dans cet avion, rassasiée de la France.

En attendant, je vais fermer ma valise. Et ouvrir cette parenthèse, pour mieux revenir.

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