(ce post a été inspiré par une discussion Twitter avec @Garko et @Gachoue. Oui, parfois sur Twitter on parle de choses intéressantes)
Il y a des livres qu’on lit étant gamin, des films qu’on voit étant ado, des lieux qu’on visite, qui prennent selon le moment une dimension différente.
Il y a ce film, qui nous avait semblé merveilleusement profond, beau, et émouvant face à nos 16 ans, et qu’on télécharge (légalement) un jour en se disant « poua ça fait loooonnngggttteeemmps que je l’ai pas vu« , et qui, lors du visionnage, nous parait soudain juste… nul. Avec un peu de chance, on a proposé à sa nouvelle conquête de le regarder ensemble. Mais tu vas voir, il est super ce film, j’ai trop pleuré quand je l’ai vu ! Allez, ne riez pas, ça vous est déjà arrivé de pleurer, et surtout de vous sentir con en imaginant un instant les pensées de votre dulciné(e) devant ce film vendu « fabuleux » et qui est loin de l’être…
Il y a à ce genre d’expérience de nombreuses explications. La première ? On a grandi. Dur de se l’avouer, notre adolescence n’est pourtant pas si loin. L’autre explication: le contexte. Etrangement, une salle de cinéma silencieuse permet à chacun de se plonger dans un film, dans une forme d’intimité pudique. Revoir un film devant un écran de télé, plein jour et en tête à tête avec quelqu’un doit avoir un impact – dérangement de notre « bulle », impossibilité de se plonger à nouveau dans l’ambiance du film. Enfin, nos histoires personnelles influent.
Et oui, j’avoue avoir pleuré toutes les larmes de mon corps devant Moulin Rouge, qui ne m’a pas fait plus d’effet que ça aux visionnages suivants, tout ça à cause d’un chagrin d’amour d’actualité. D’autres exemples de films qui, pour moi, ont été une claque car liés à un contexte et un moment: Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Parle avec Elle, Requiem for a Dream, American Beauty. Certains sont restés des films fétiches. D’autres, dont je ne me souviens plus, sont passés dans des souvenirs brumeux.
Il y a aussi ces romans, qu’on redécouvre. La discussion Twitter portait sur Werber. Werber, kisséssa ? (ouuuu la honte, ceux qui connaissent paaass !!) Werber, c’est l’auteur de la trilogie des Fourmis. Et d’autres choses. Typiquement le genre de roman que j’engloutissais étant plus jeune, plein de philosophies et d’idées novatrices, révolutionnaires. Ca collait parfaitement avec la nature romantico-passionnée de mes 16 ans, à rêver d’un monde meilleur et de révolution. C’est à ce moment là qu’on sent qu’on a grandi: lorsqu’à 22 ans, on rachète le livre (emprunté à l’époque à la bibliothèque du village parental), et qu’en relisant, on n’y trouve plus cette flamme en nous, on est à peine concerné par les sentiments de l’héroine qui découvre l’amour, et encore moins par les problématiques pseudo-écolos développées par l’écrivain.
Voilà, on a grandi. 16 ans, 22 ans, c’est rien, et pourtant. On a perdu entre temps la capacité de s’émerveiller de tout, de croire aux histoires extraordinaires, de rêver. On se met à lire du Beigbeder, Zeller, Besson et autres Olmi pseudo suicidaires, mais réalistes.
Il y a enfin ce livres qui ne vieillissent pas, ou plutôt, vieillissent avec nous. Le Petit Prince est l’un de ceux là – peut être même le seul, dans mes livres fétiches.
Petite, c’était la voix de Gérard Philippe qui racontait l’histoire du Petit Prince, et de Saint Exupéry. A cette époque, le Petit Prince à la fin rejoignait son astéroïde, et la rose sous cloche de verre existait réellement. Plus tard, lorsque ma prof de collège nous l’a fait relire, j’y ai découvert un joli compte, mais m*rde il meurt le Petit Prince à la fin… J’en ai pleuré. Puis de relectures en relectures, avec l’âge, se dévoilent encore d’autres axes, d’autres interprétations. Aujourd’hui, le Petit Prince, c’est cet enfant qui s’est éteint, peut être parce qu’il a grandit.
En 2009, le Petit Prince est un film, une comédie musicale, une bédé, que sais je. Trop commercial ? Je me fous de la réponse. Car au fond de moi, la voix de Gérard Philippe résonne toujours lorsque je (re) lis les mots de Saint Exupéry.
– Les épines, ça n’sert à rien. C’est d’la pure méchanceté de la part des fleurs.
(mon passage préféré du livre, je crois…)