Cet été aura duré deux ans, up and downs, les amis, les soirées, le soleil, les chalets, et aussi la pluie, cette semaine d’automne en avance qui plombe le moral et renfile jeans et bottes. Les soucis, parce qu’on réalise qu’il faut repartir à nouveau en recherche de boulot, parce que le compte en banque se vide plus vite qu’il ne se remplit. Et le manque, implacable, celui qu’on a pas vu venir, celui qui te coupe les jambes et te bouffe toute envie de bouger, manger, dormir. Les nuits à tourner. Les larmes qui montent parfois. Le goût de rien.
Et puis on y est. On a beau en avoir parlé, avoir imaginé ce moment, 10 fois, 100 fois, on sait pas trop bien ce qui va se passer, finalement. Ya cette jolie robe qu’on porte pratiquement jamais, même s’il fait bien trop froid pour la saison. Ya un hall d’aéroport, rempli de monde qui se retrouve, qui attend aussi, beaucoup, fucking série noire ou retour de vacances, la moitié des vols est annoncée comme retardé. Ya ces pas qu’on fait d’un bout à l’autre, le ventre qui se serre, le coeur qui bat trop vite, l’ascenseur émotionnel qui appuie sur tous les boutons, ça monte et ça descend, on sait plus trop où se poser. Les minutes trop longues, les messages, et puis.
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Ya plus de mots, à un moment, on a juste nos yeux et nos bouches et nos mains, et le goût que ça s’arrête plus jamais. Ya rien à dire, on a trop parlé, il faut vivre. Alors on est partis, un peu plus loin au Nord, pour retrouver le goût du sel et du vent dans nos cheveux. Quelques jours pour oublier, oublier cet été trop long, oublier l’automne qui s’en vient avec ses obligations, ses responsabilités, son stress. On y pensera plus tard. Là, on veut du présent. On veut être seuls au monde parce que c’est comme ça. Loin pour faire chier personne avec des sourires niais sur nos faces et le besoin constant de se toucher pour se dire c’est bon, t’es là, pour vrai, on se sépare plus, promis. Avoir à nouveau 17 ans.
C’était beau, le Saint-Laurent. On dirait presque la mer, tu sais, l’odeur de l’iode, je t’en avais parlé. On se croirait un peu en Bretagne, sur cette île venteuse, de gros cailloux d’ardoise qui descendent jusque dans l’eau. On a chevauché sur la plage entre les rochers ronds et sur les galets. On a grimpé cette montagne pour voir de loin, tout en haut la crête râpée par le vent et le froid, et cette nature. On s’est assis autour d’un feu de camp immense, écouté la musique jam, discuté avec des matantes en goguette dans un Westfalia. On a marché, les pieds dans le sable, jusqu’à quelque part à mi-chemin de l’horizon, et nos Vans pleines de la vase qui fait comme des limaces entre les orteils ; on a mangé beaucoup trop de fromage, de burgers et de saucisson et bu de la bière IPA ; on pris des covoitureurs – encore des Français, partout ; on a roulé roulé roulé jusqu’à rentrer sur l’île. Montréal. Retour à la réalité.
J’ai pas vraiment les mots pour raconter, et puis ya pas besoin, ya juste des sourires et le vent qui fait qu’on se sent étrangement libres. Libres et heureux.
Dis, on repart quand ?