Intime & Réflexions

de ceux

Berlin - Memorial Juif

Dans la vie, je suis pas une anxieuse. J’ai bien mes petites peurs, comme tout le monde. J’ai peur de mettre mes doigts dans un trou de l’évier et que le broyeur se mette en marche (même si ya pas de broyeur, mais j’ai vu trop de films américains je crois). J’ai peur des algues (qu’elles m’attrapent et m’emportent au fond de de l’eau). Par logique, j’ai peur de quand l’eau est sombre, que je vois pas le fond. J’ai peur de m’avancer trop près d’un rebord très haut parce que j’ai un mauvais équilibre. J’ai peur d’être enfermée au milieu d’un tas de gens, ou dans une petite pièce, et surtout j’ai peur d’être enterrée vivante ou qu’on me mette un truc sur le visage pour m’étouffer. J’ai peur de la mer au large – quand le fond est loin et que y a de l’eau partout -, et des films comme Gravity où ils sont perdus dans l’immensité de l’espace. En fait, j’ai peur de tout ce qui se rapporte à l’asphyxie et les espaces confinés (et de la perspective où je serai incapable de bouger les jambes et les bras). Ca reste des peurs « gérables » – je prends le métro, les ascenseurs (sauf celui de chez Ludi et Clem parce que vraiment on dirait un cercueil à la verticale), je survis au milieu d’une foule complètement serrée comme à Igloofest, si je la sens pas hostile. J’évite la plongée, et les trucs potentiellement claustrophobes comme la spéléo ou même passer dans un boyau ou un trou dont je connais pas la longueur.

J’ai peur de la souffrance des autres. Enfin, peur. Disons que ça me met extrêmement mal à l’aise. Je peux pas regarder de films comme Saw, et je suis capable d’imaginer le pire d’une scène où rien n’est montré mais tout suggéré. J’ai pas été voir 127 heures parce que le principe même du gars qui doit s’auto découper le bras pour s’en sortir me met mal. Alors le type qui se coupe la jambe à la tronçonneuse, je t’en parle pas. Ce qui m’a le plus dérangé dans la scène du viol d’Irreversible, c’est les bruits. Je voulais qu’elle se taise, parce que le son, c’est le truc qui passe le mieux ce genre de stress et de tension. 

J’ai peur de me faire mal, parfois. Peur comme quand j’ai pas confiance, en moi ou en quelqu’un/quelque chose. Comme quand je vais trop vite au ski et que je sens que ma cuisse trembler et que là faudrait ralentir un peu parce que je suis pas capable de m’arrêter s’il y a quelque chose. C’est pas des peurs très graves. J’ai pas peur en voiture sauf si je sens que la personne est pas vigilante. En fait, globalement, j’ai pas peur dans les situations que je contrôle pas.

J’ai pas peur de l’inconnu. Pas peur des situations incertaines. J’angoisse pas de pas savoir de quoi sera fait demain, parce que je sais que je serai capable d’y faire face – enfin, je crois. Je vois dans ces situations un nouveau départ, une page blanche à commencer. Je vois l’étendue du possible, et tout ce que je ne connais pas encore et qui va se créer. En fait, j’angoisse rarement sur des situations sur lesquelles je n’ai aucun incidence – à quoi bon, puisque ça ne changera rien ? Parfois, je ne dis que c’est de l’inconscience. Je suis peut être naïve et innocente, parce que rien de grave ne m’est jamais arrivé. Alors je n’ai pas conscience du risque. Je ne prends pas en considération le danger et les conséquences négatives d’un acte ou d’une situation dans laquelle je me suis engagée. On m’a souvent dit, c’est courageux de partir toute seule au Canada. Je n’ai pas compris – où est le courage, puisque je ne voyais pas le risque ?

Peut être que cette inconscience c’est simplement de la légèreté, de l’inconsistance. Je vis au jour le jour, je n’ai que peu d’enjeux – pas d’enfants, je ne suis responsable que de moi-même et si je tombe, je n’entraînerais que moi dans ma chute – du moins c’est ce que je préfère penser. Peut être que si un jour je deviens mère, tout ça changera, mais pour le moment je suis seule maître à bord – avec la responsabilité de mes bons choix, et les conséquences de mes erreurs. Pour protéger mon navire, il m’arrive de fuir les gens négatifs qui pourraient entamer mon optimisme global. Ceux qui chercheraient à démonter mon fragile équilibre par des assertions qui contrediraient mes appuis. Je fuis ceux qui ne cherchent qu’à se trouver des raisons de rester là au lieu de se battre – ça les regarde, laissez-moi mon énergie, laissez-moi y croire tant que c’est encore possible.

La vérité derrière tout ça, c’est que oui, j’ai peur parfois. Parce que j’ai beau minimiser les conséquences, ne chercher que le positif, les options qui feront s’arranger les choses et m’offriront une porte de sortie, je les vois, les points noirs. Je vois cette finalité qui sera l’échec, la soumission à une réalité contre laquelle je ne peux rien, la force des choses. Je vois mes limites, je vois mes faiblesses, je vois mes erreurs. Je vois tout ce qui se met entre moi et mon objectif – parce que parfois, c’est une telle montagne à gravir qu’on ne peut pas faire comme si elle n’existait pas. Et je vois surtout ce que j’ai à perdre. Et ça me fait peur, cette fois, parce que je sais à quel point c’est important pour moi.

C’est là. C’est dans ma tête et mon ventre, c’est là le matin au réveil et ça m’empêche de dormir le soir. C’est là, avec tout le « j’y peux rien, il faut faire avec ». La seule solution, c’est d’avancer. Quelque soit l’issue. De se donner les moyens d’atteindre le but, même si le chemin n’est pas droit et facile. Même si ce sera plus difficile que prévu. Même si ya des jours où j’ai juste envie de me dire fuck, let it go. Laissez aller, mais pour faire quoi ? Quelles sont ces autres solutions si je décide de changer d’abandonner cet objectif ? Ai-je vraiment envie de m’arrêter là ?

Il y a des jours où j’ai peur, des jours où je me sens complètement inconsciente, et stupide, des jours où je doute du bien fondé et de la rationalité de mes choix. Des jours où je me dis que je m’entête pour rien, que tout est contre moi, que je tourne le dos à des situations que d’autres trouveraient pourtant tellement rassurantes et préférables. Mais j’ai pas besoin d’être rassurée, j’ai besoin d’être heureuse. J’ai besoin de savoir pourquoi je fais les choses, et d’avoir une raison de me lever, même si c’est dur de pas savoir ce qui se passera demain, et long d’attendre, et que ça  prendra du temps pour retrouver une situation à peu près stable, mais au moins j’ai quelque chose qui me motive.

Je sais surtout que je suis pas seule. Il y a ces gens merveilleux tout autour. Des gens qui me serrent dans leurs bras et me disent « ‘t’inquiètes pas, ça va s’arranger, il y a une solution pour toi ». Des gens qui écoutent et soutiennent mes idées saugrenues et mes choix de vie, sans jugement – même s’ils les partagent pas. Des gens qui m’ont dit « mais go, pars au Canada, tu vas aimer ça ». Qui sont restés malgré la distance. Qui me disent que non je fucke pas tout dans ma vie en ce moment. Que ça peut marcher. Je sais qu’ils sont là, ils me le prouvent chaque jour. Ils sont là aussi parce que je suis rendue capable de dire, « j’ai besoin de toi ». Et grâce à eux je me dis que je suis pas la seule tarée à croire en mes rêves, même si j’ai parfois l’impression d’aller contre toute rationalité.

Peut être que c’est pour ça que j’ai pas peur. Parce qu’on est un tas de fous, un tas de rêveurs, un tas de croyants en la vie. Parce qu’on est de ceux qui savent qu’il n’est jamais trop tard, ou que c’est trop compliqué, de ceux qui osent, même si ça veut dire sortir des ornières, même si ça veut dire se prendre des murs et gravir des montagnes pour y arriver. De ceux qui savent qu’on sera jamais seuls. Jamais.

3 Comments

  1. Je sors pas souvent ma plume, elle reste bien cachée en général. Mais elle a le mérite d’être là, et parfois, ça en vaut la peine. Sur ton internet, ton terrain de jeu, avec tes règles, parce que les amis, c’est fait pour se soutenir. Don’t turn your back on the pack. Alors reste, putain.

    Il y a des endroits qui prennent aux tripes, qui respirent. Je ne suis pas là depuis longtemps, mais j’ai déjà compris que cette ville se nourrit des âmes de ceux qui la traversent, et qu’on y laisse toujours un morceau de la sienne. C’est chez nous. Reste, putain.

    Je sais pas si je suis courageux ou inconscient, ou plus probablement un mélange un peu barré des deux, mais des peurs, moi j’en ai pas beaucoup. Par contre j’ai toujours eu une peur viscérale de perdre les gens. C’est fou, j’ose même à peine t’en parler alors que normalement on se dit tout. Parce que j’ai pas envie d’entendre tes réponses si elles ne me plaisent pas. Un peu comme éviter un mauvais coup en pleine mâchoire, qui te fait cracher carmin et qui te laisse un goût ferreux et âcre dans la bouche. J’en écris même comme si c’était de ta faute. J’ai pas envie qu’tu t’en ailles. J’ai pas envie qu’un pan entier de ta vie s’effondre comme ça. Pour toi, et égoïstement un peu pour moi aussi, parce que par glissement de terrain, ça m’enlèverait un bout de la mienne. Un petit, mais de ceux qui sont jolis. Et qui comptent pour de vrai. Hold on. Et reste, putain.

  2. « Mais j’ai pas besoin d’être rassurée, j’ai besoin d’être heureuse. »
    Pfiou ! Merci, ça remet les idées en place !
    C’est toujours un plaisir de te lire. Je suis dans une situation délicate en ce moment, plein de choix à faire, et l’avenir juste là. J’ai peur, et c’est dur de s’accrocher des fois, mais tu as raison, mieux vaut s’accrocher pour être heureuse, que de laisser tomber par lassitude et facilité.

    Laisse jamais tomber ton bonheur, et tant que tu crois en toi et tes chances, ça va aller !

    Marianne.

  3. Tu es de celles qu’on n’oublient jamais, ça c’est un fait.
    Tu es aussi de celles qui malgré son fort caractère et ses idées, nous accroche totalement par sa sensibilité et ses peurs quand on te connait mieux.
    Tu es clairement de celles qui expriment ce qu’elle pense.
    Tu es de celles qui nous manque profondément quand elle part au Canada mais à qui on ne peut pas en vouloir tellement on te soutient dans tes envies et tes rêves.
    Tu es aussi de celles pour qui je m’inquiète peu, car je sais. Je sais que tu y arriveras toujours. Je sais que tu trébucheras parfois sur des bosses à la con, mais que les pleurs ou la peur partiront plus vite que tu ne le pense.
    Tu es de celles avec qui je suis souvent en phase, qui juge peu ou juste, celle qui comprends de nombreuses choses, qui sait quand il faut remettre les points sur les i et quand il faut encourager des envies.
    Tu es de celles qui comptent.
    Tu es de celles qu’on ne veut jamais abandonner.
    Tu es de celles qui peuvent changer un peu ce monde, cet entourage, à sa façon.
    Enfin, tu es de celles pour qui je serais toujours là. Toujours. Toujours. Et avec le sourire 🙂

    PS/ Et bordel, tu es de celles que je comprends le mieux quand elle parle ou qu’elle écrit !! <3

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