Développement(s) personnel(s)

polyamour 102 – polycule et adaptations

Alors concrètement, le polyamour, ça se passe comment ?

Et bien, ça dépend.

(je sais)

Chaque relation est unique, et il n’y a pas une façon d’être polyamoureux, mais autant d’accords relationnels et de manières de vivre le polyamour que de relations. Il y a des solo-polys, des anarchistes relationnels, des triades, des relations primaires, secondaires, des « nesting » partners… et autant de définitions* que de personnes utilisant ces étiquettes.

Si les réflexions abordées dans mon premier article peuvent rejoindre beaucoup de monde, les déclencheurs à devenir polyamoureux sont multiples. Dans mon cas, il était évident depuis plusieurs années que je ne voulais plus être dans un mode relationnel exclusif. Cela fait partie d’un cheminement personnel et d’une réflexion sociale, qui m’ont amenés à emprunter un mode de vie alternatif à différents niveaux, dans lequel je me retrouve plus que le modèle conventionnel/normatif. J’ai des ami.e.s qui à l’inverse ont décidé d’ouvrir leur couple après 10, 15 ou 20 ans de relation exclusive (plus ou moins) conventionnelle, des enfants, un mariage, etc. Certain.e.s étaient libertins et ont simplement glissé vers le polyamour en ouvrant la possibilité d’engagement romantique. D’autres ont vécu des aventures et ont décidé de ne pas se séparer mais de repenser leur couple à partir de là. Et ce ne sont que quelques exemples…

Dans une même relation, avec les mêmes partenaires, cela peut aussi évoluer. De ce que j’observe, dans mon expérience ou celle de mon entourage, que le plus important pour une relation saine c’est de garder la communication ouverte, et de se donner la possibilité d’adapter constamment le cadre dans lequel la relation et les personnes impliquées évoluent. Ce qui est établi à un moment donné ne sera peut être plus valide 3 mois plus tard. Ce qui fonctionne avec un.e partenaire sera peut être inadapté pour une nouvelle relation. Enfin, si on veut que la relation perdure, grandisse, et reste satisfaisante, il est nécessaire que tout le monde se sente confortable et sécure.

Ainsi que je l’expliquais dans mon premier article sur le sujet, le polyamour est basé sur des valeurs de transparence, de consentement mutuel, de respect et de bienveillance, qui permettent – et je dirais même, sont garantes – de construire et entretenir la confiance nécessaire à ouvrir un couple, et d’apprendre à gérer le monstre qui fait peur à tout le monde en s’engageant sur ce chemin : j’ai nommé  la jalousie.

Plus concrètement, on s’assoit avec saon partenaire et on discute. On discute d’envies et de désirs, mais surtout de triggers (déclencheurs), de limites, de moyens d’être rassuré, de gestion de crise. On essaye d’être à l’écoute, de soi et de l’autre, et de définir un cadre dans lequel on est confortable d’évoluer pour explorer l’ouverture de la relation de la façon la plus sécurisante possible pour tou.te.s les partenaires.

Par la suite, on adapte alors que d’autres partenaires sont impliqué.e.s. Le groupe relationnel ainsi formé est appelé polycule, un ensemble comprenant tou.te.s les partenaires directs, métamours (partenaires de notre partenaire), et parfois même des personnes avec qui on est pas en relation amoureuse mais qu’on considère faire partie de nos proches. Un peu comme une famille recomposée.

Partant du fait que chaque relation – et chaque polycule – est unique, il m’est difficile de vous expliquer concrètement à quoi ressemble une relation poly tant il y existe de façons de procéder : les poly « kitchen table » (table de cuisine) aiment rencontrer les partenaires de leurs partenaires, parfois même le polycule devient un groupe d’amis, et se retrouve pour faire des activités ensemble (c’est un peu mon cas et celui de mes ami.e.s). La règle du « don’t ask don’t tell » (on demande si on veut savoir), pour laquelle les partenaires ont le droit de voir d’autres personnes, mais n’en parlent pas si le sujet n’est pas abordé. Il y a les « solos-polys« , qui ne souhaitent pas être « en couple », et vivent plusieurs relations parallèles non hiérarchisées. Il y a des relations à trois (triades) où chacun.e est engagé.e romantiquement et sexuellement avec les deux autres partenaires, peuvent vivre sous le même toit, parfois même ont des enfants ensemble. Ce modèle est souvent représenté dans les médias lorsqu’on parle de polyamour. On parle de « nesting partner » (partenaire de nidification) pour une relation qui intègre une notion d’engagement matériel/familial : élever des enfants, vivre ensemble, partager une responsabilité financière comme un emprunt immobilier. Ce type de relation se rapproche des modes conventionnels, mais n’empêche pas la possibilité d’autres relations parallèles. Les nesting partners peuvent même ne plus être dans un rapport romantique/amoureux et conserver leurs engagements.

Il n’y a donc pas un modèle relationnel idéal. C’est à chacun de créer et trouver son équilibre, sa zone de confort, et faire évoluer sa relation au rythme qui conviendra à tout le monde.

Le polycule de Kimchi Cuddles

L’exemple de mon polycule : 

J’ai d’abord été en relation ouverte avec D. Dans ce contexte, nous avons rencontré J., et cette relation s’est transformée en triade. Une relation amoureuse à 3, qui a malheureusement subi de grosses contraintes car j’étais en plein burn-out, et que j’avais beaucoup de mal à gérer mes émotions. La triade n’a pas duré, et il est resté 2 relations : D. et moi, et J. et moi. Pour diverses raisons, D. et moi avons fini par nous séparer (ce n’était pas directement lié à l’ouverture de notre couple mais ça a mis en valeur certains stress et problématiques), puis J. et moi avons mis fin à notre relation de « couple » pour transitionner vers un autre type de relation.

J’ai ensuite commencé à fréquenter E. J. était déjà dans ma vie à ce moment, et E. a intégré et accepté cette relation préexistante.

Plus d’un an plus tard, je suis toujours en relation avec J. et E., que je considère tous les 2 comme des partenaires « principaux ».

E. est mon partenaire amoureux, notre relation ressemble globalement à n’importe quelle relation amoureuse classique. On ne vit pas encore ensemble, mais on a des projets de vie commune, voyager, acheter, faire des enfants. Il est mon nesting partner.

J. est mon « amiereuse », pour définir une amitié romantique. On a découvert ce terme qu’on trouve très pertinent pour notre relation. On vit ensemble (en colocation), c’est ma meilleure amie, ma confidente, mon meilleur soutien moral, et réciproquement. On se fait des câlins, on dort parfois ensemble, on a aussi une intimité sexuelle de temps en temps. On envisage de continuer à vivre ensemble, avec E., et de coparenter (élever nos enfants ensemble). C’est une relation qui a beaucoup moins de pression qu’un couple « classique », vu de l’extérieur on est comme des meilleures amies, mais avec quelque chose en plus – par exemple on se consulte pour les décisions importantes qui peuvent impacter l’une et l’autre, on communique sur nos insécurités liées à notre relation, on s’organise des dates, on se chicane, et on a parfois des crises relationnelles… En quelque sorte, J. est aussi une nesting partner, mais avec moins d’engagements. 

J. et E. sont amis et on fait régulièrement des activités ensemble tous les trois et avec notre groupe d’amis. 

Lorsque je rencontre et/ou souhaite fréquenter une nouvelle personne, j’en parle avec les deux. Avant les fêtes, j’ai rencontré quelqu’un d’autre, ce qui a amené à discuter des insécurités de E. et J. par rapport à cette nouvelle relation, et à adapter le temps et l’énergie dédiés à chacune des relations. ((edit de juin 2018 : cette relation est terminée mais j’ai d’autres partenaires occasionels ou réguliers)). Ces autres partenaires sont bien évidemment au courant de l’existence de E. et J. 

Depuis quelques mois aussi, J. est en couple avec D. Mon amiereuse sort avec mon ex, et ça se passe très bien. Ça nous a permis, à D. et moi, de se retrouver, comme amis. Cela a aussi amené des changements plus importants dans la dynamique relationnelle entre J. et moi, mais tout va bien. 

De plus, il arrive que nous ayons des partenaires occasionnels.

Mon polycule

Tout ça semble bien compliqué, mais les rapports sont en réalité assez fluides. Évidemment, cela requiert une certaine organisation : nous utilisons des agendas partagés pour savoir qui est dispo quand, et trouver des moments pour se voir. Chez certain.e.s polys, partager son agenda est un peu le symbole d’un engagement relationnel (aka : ça devient assez sérieux pour que tu saches ce que je fais de ma vie ^^).

Comme on peut aussi le lire ici, cela ne signifie pas que nous démultiplions les partenaires à l’infini « parce qu’on peut ». Le monde a beau être un terrain de jeu immense de potentielles futures relations, le principe reste de pouvoir « satisfaire » et respecter tout le monde – et avant tout, de se respecter et s’écouter soi-même. Lorsqu’un.e partenaire souhaite entamer une nouvelle relation, on en discute, on parle de nos peurs, des limites avec lesquelles on est à l’aise, des étapes. Si l’Amour est une denrée illimitée (oui oui), le temps et l’énergie de chacun ont des limites.

Gérer une seule relation demande du temps et de l’énergie, il est donc mieux de garantir une certaine stabilité émotionnelle et relationnelle avant de décider d’ouvrir son couple – car si une chose est sûre, c’est que le polyamour finit par déterrer tous les malaises, frustrations, insécurités, blocages, vulnérabilités… de chacun. Impossible de se voiler la face longtemps et espérer que ça tienne. Malgré son apparence de « solution miracle », le polyamour n’EST PAS une solution viable à tous les problèmes de couple, et être en relation poly demande d’énormes investissements personnels et émotionnels.

La bonne nouvelle, c’est que si on est ouvert.e, prêt.e à travailler sur soi, et qu’on a la chance d’avoir un.e partenaire bienveillant.e, c’est un chemin incroyablement enrichissant.

À lire :

*un petit glossaire du vocabulaire polyamoureux chez mon amie Hypatia : http://hypatiafromspace.com/glossaire-vocabulaire-polyamoureux/

LA référence en matière de polyamour : le site More The Two https://www.morethantwo.com , dont les auteurs ont aussi publié un livre

Les articles sur le thème communication chez Hypatia : http://hypatiafromspace.com/theme/communication

Une présentation de la communication authentique/non violente (sous titres en français dispos)

 

 

 

 

Développement(s) personnel(s)

polyamour 101

Alors voilà, je suis polyamoureuse. C’est plus vraiment un secret aujourd’hui et j’en parle facilement, mais la vérité c’est que la plupart des personnes ne comprennent pas exactement ce que ça signifie. Pour être honnête, j’ai été la première à avoir des a priori sur ce qu’est le polyamour, et à ne pas me reconnaître immédiatement dans cette vision des relations.

À force d’en parler autour de moi, il m’a semblé que ce serait une bonne idée d’en parler plus ouvertement sur mon blogue, et pourquoi pas de faire une petite série d’articles sur le sujet, en fonction des questions et commentaires. Le terme est aussi de plus en plus utilisé, et autour de moi nombreu.ses.x sont les personnes à se questionner sur le modèle de couple hétéro-normatif exclusif/monogame.

**À noter** Je souhaite préciser que l’avis exprimé ici reste le mien : ma vision de ce qu’est le polyamour, comment je l’interprète, via mon expérience personnelle de cisfille bie à tendance hétéro. Il est évident que certain.e.s ne se reconnaîtront pas dans là-dedans, même si je souhaite définir et reconnaître un polyamour inclusif et fluide. Aussi je vais m’efforcer d’utiliser le plus possible l’écriture inclusive. 

Polyamour, donc.

La première chose que je souhaite mentionner, c’est qu’être polyamoureux, n’est pas une orientation sexuelle (homo-bie-asexuel etc), mais un choix. À mon sens, le polyamour est une vision des relations suivant plusieurs valeurs, à savoir : la liberté, l’honnêteté, la  bienveillance, le respect, et l’équité. Tout ceci concerne tou.te.s les partenaires impliqué.e.s, et se passe idéalement dans un cadre de communication authentique.  Je reviendrais plus tard sur ces valeurs et ce que ça signifie pour moi. Comme pour le féminisme*, une fois qu’on a ouvert son esprit à certaines (remises en) questions, on réalise à quel point notre vie amoureuse et nos relations en général sont impactées et contraintes par des constructions sociales, une éducation, un modèle imposé par la société. Être polyamoureux, c’est reconnaître et partager ces valeurs, et les appliquer au sein de sa/ses relations.

Être polyamoureux, ce n’est pas forcément avoir plusieurs relations, coucher avec plein de gens, ni être en amour avec tout le monde.

Être polyamoureux, ce n’est pas tromper saon partenaire.

Être polyamoureux, ce n’est pas être libertin, échangiste, polygame, … même si, en quelque sorte, ces modes relationnels peuvent être inclus dans le polyamour sous réserve de respecter certaines valeurs (c’est là que ma vision est assez large et risque de choquer certain.e.s poly)

Être polyamoureux, ce n’est pas forcément être en triade femme-homme-femme, malgré les nombreuses représentations de ce type d’arrangement relationnel.

Être polyamoureux, ce n’est pas « ne pas être jaloux ». La jalousie, comme de nombreux sentiments s’ils sont exprimés et gérés correctement, a sa place dans une relation polyamoureuse.

Enfin, être polyamoureux « actif » ce n’est pas pour tout le monde, mais je crois que n’importe qui pourrait trouver de merveilleux outils de gestion relationnelle et sujets de réflexion en se penchant un peu sur la question.

Fred Gingras

Alors, comment on devient polyamoureux ? 

 

Pour moi, le premier pas vers le polyamour serait de reconnaître et admettre quelques points concernant nos relations modernes, à savoir :

– Nous ne sommes pas exactement des animaux monogames (ou bien plutôt des monogames en série pour notre nouvelle génération) : l’Amour-passion exclusif à long terme dans le cadre du mariage est le fruit d’une construction sociale, mais aussi et surtout, qu’il est naturel, et pas malsain, d’avoir une attirance sexuelle (et pourquoi pas amoureuse) envers quelqu’un d’autre que notre partenaire principal.e. (Olala, les gros mots.)

– On ne possède pas une personne. Malgré ce que la culture populaire (sexiste, ajouterais-je) nous inculque, les désirs et actions de l’être aimé ne nous appartiennent pas, et ce quelle que soit la puissance des sentiments partagés.

– Il est difficile voire impossible de satisfaire tous ses besoins et désirs, qu’ils soient affectifs, sexuels ou autres, avec une seule personne.

De mon point de vue, la monogamie et les relations exclusives ne sont qu’une forme d’ententes relationnelles parmi d’autres. Je ne pose pas ici de jugement contre celleux qui choisissent ce type de relations, qui le respectent, et sont heureu.x.ses là-dedans. Il y en a, j’en ai fait partie, et j’ai beaucoup d’estime pour celleux qui s’y épanouissent. Il est certain qu’être en relation non exclusive amène son lot d’insécurités, de remises en question, de doutes, de problématiques diverses, et je respecte infiniment celleux qui reconnaissent ne pas pouvoir faire face à ces vagues là.

Je critique simplement l’illusion que nous donne notre éducation, de penser qu’il n’y a qu’un seul modèle viable et valide, et la construction sociale qui nous a appris que coucher avec un.e autre, ou même fantasmer sur un.e autre va amener un désastre et mérite un cruel châtiment.

Je crois alors que le polyamour est une façon de sortir de la boite, de voir plus large, de ré-envisager les relations, d’apprendre à gérer des émotions complexes telles que la jalousie, et surtout l’occasion d’amener des changements profonds dans nos relations aux autres et à nous-même.

Je m’arrête ici pour ce premier volet. Dans le prochain article, on entrera un peu plus dans le vif du sujet : comment ça marche, concrètement ?

Lire le post suivant : polyamour 102 – polycule & adaptations

 

En attendant, voici quelques liens pour approfondir le sujet :

Un super podcast très court sur le polyamour (France Culture) https://www.franceculture.fr/conferences/quest-ce-que-le-polyamour

Les Tedtalk d’Esther Perel sur le désir dans le couple moderne, qui ont grandement influencé mon cheminement vers le polyamour (on peut mettre les sous-titres en français)

*Je mentionne le féminisme, car je crois que le modèle normatif exclusif est très sexiste. En ce qui me concerne, être polyamoureuse est un choix politique et féministe (je reviendrais éventuellement sur ce point).