Développement(s) personnel(s)

polyamour 102 – polycule et adaptations

Alors concrètement, le polyamour, ça se passe comment ?

Et bien, ça dépend.

(je sais)

Chaque relation est unique, et il n’y a pas une façon d’être polyamoureux, mais autant d’accords relationnels et de manières de vivre le polyamour que de relations. Il y a des solo-polys, des anarchistes relationnels, des triades, des relations primaires, secondaires, des « nesting » partners… et autant de définitions* que de personnes utilisant ces étiquettes.

Si les réflexions abordées dans mon premier article peuvent rejoindre beaucoup de monde, les déclencheurs à devenir polyamoureux sont multiples. Dans mon cas, il était évident depuis plusieurs années que je ne voulais plus être dans un mode relationnel exclusif. Cela fait partie d’un cheminement personnel et d’une réflexion sociale, qui m’ont amenés à emprunter un mode de vie alternatif à différents niveaux, dans lequel je me retrouve plus que le modèle conventionnel/normatif. J’ai des ami.e.s qui à l’inverse ont décidé d’ouvrir leur couple après 10, 15 ou 20 ans de relation exclusive (plus ou moins) conventionnelle, des enfants, un mariage, etc. Certain.e.s étaient libertins et ont simplement glissé vers le polyamour en ouvrant la possibilité d’engagement romantique. D’autres ont vécu des aventures et ont décidé de ne pas se séparer mais de repenser leur couple à partir de là. Et ce ne sont que quelques exemples…

Dans une même relation, avec les mêmes partenaires, cela peut aussi évoluer. De ce que j’observe, dans mon expérience ou celle de mon entourage, que le plus important pour une relation saine c’est de garder la communication ouverte, et de se donner la possibilité d’adapter constamment le cadre dans lequel la relation et les personnes impliquées évoluent. Ce qui est établi à un moment donné ne sera peut être plus valide 3 mois plus tard. Ce qui fonctionne avec un.e partenaire sera peut être inadapté pour une nouvelle relation. Enfin, si on veut que la relation perdure, grandisse, et reste satisfaisante, il est nécessaire que tout le monde se sente confortable et sécure.

Ainsi que je l’expliquais dans mon premier article sur le sujet, le polyamour est basé sur des valeurs de transparence, de consentement mutuel, de respect et de bienveillance, qui permettent – et je dirais même, sont garantes – de construire et entretenir la confiance nécessaire à ouvrir un couple, et d’apprendre à gérer le monstre qui fait peur à tout le monde en s’engageant sur ce chemin : j’ai nommé  la jalousie.

Plus concrètement, on s’assoit avec saon partenaire et on discute. On discute d’envies et de désirs, mais surtout de triggers (déclencheurs), de limites, de moyens d’être rassuré, de gestion de crise. On essaye d’être à l’écoute, de soi et de l’autre, et de définir un cadre dans lequel on est confortable d’évoluer pour explorer l’ouverture de la relation de la façon la plus sécurisante possible pour tou.te.s les partenaires.

Par la suite, on adapte alors que d’autres partenaires sont impliqué.e.s. Le groupe relationnel ainsi formé est appelé polycule, un ensemble comprenant tou.te.s les partenaires directs, métamours (partenaires de notre partenaire), et parfois même des personnes avec qui on est pas en relation amoureuse mais qu’on considère faire partie de nos proches. Un peu comme une famille recomposée.

Partant du fait que chaque relation – et chaque polycule – est unique, il m’est difficile de vous expliquer concrètement à quoi ressemble une relation poly tant il y existe de façons de procéder : les poly « kitchen table » (table de cuisine) aiment rencontrer les partenaires de leurs partenaires, parfois même le polycule devient un groupe d’amis, et se retrouve pour faire des activités ensemble (c’est un peu mon cas et celui de mes ami.e.s). La règle du « don’t ask don’t tell » (on demande si on veut savoir), pour laquelle les partenaires ont le droit de voir d’autres personnes, mais n’en parlent pas si le sujet n’est pas abordé. Il y a les « solos-polys« , qui ne souhaitent pas être « en couple », et vivent plusieurs relations parallèles non hiérarchisées. Il y a des relations à trois (triades) où chacun.e est engagé.e romantiquement et sexuellement avec les deux autres partenaires, peuvent vivre sous le même toit, parfois même ont des enfants ensemble. Ce modèle est souvent représenté dans les médias lorsqu’on parle de polyamour. On parle de « nesting partner » (partenaire de nidification) pour une relation qui intègre une notion d’engagement matériel/familial : élever des enfants, vivre ensemble, partager une responsabilité financière comme un emprunt immobilier. Ce type de relation se rapproche des modes conventionnels, mais n’empêche pas la possibilité d’autres relations parallèles. Les nesting partners peuvent même ne plus être dans un rapport romantique/amoureux et conserver leurs engagements.

Il n’y a donc pas un modèle relationnel idéal. C’est à chacun de créer et trouver son équilibre, sa zone de confort, et faire évoluer sa relation au rythme qui conviendra à tout le monde.

Le polycule de Kimchi Cuddles

L’exemple de mon polycule : 

J’ai d’abord été en relation ouverte avec D. Dans ce contexte, nous avons rencontré J., et cette relation s’est transformée en triade. Une relation amoureuse à 3, qui a malheureusement subi de grosses contraintes car j’étais en plein burn-out, et que j’avais beaucoup de mal à gérer mes émotions. La triade n’a pas duré, et il est resté 2 relations : D. et moi, et J. et moi. Pour diverses raisons, D. et moi avons fini par nous séparer (ce n’était pas directement lié à l’ouverture de notre couple mais ça a mis en valeur certains stress et problématiques), puis J. et moi avons mis fin à notre relation de « couple » pour transitionner vers un autre type de relation.

J’ai ensuite commencé à fréquenter E. J. était déjà dans ma vie à ce moment, et E. a intégré et accepté cette relation préexistante.

Plus d’un an plus tard, je suis toujours en relation avec J. et E., que je considère tous les 2 comme des partenaires « principaux ».

E. est mon partenaire amoureux, notre relation ressemble globalement à n’importe quelle relation amoureuse classique. On ne vit pas encore ensemble, mais on a des projets de vie commune, voyager, acheter, faire des enfants. Il est mon nesting partner.

J. est mon « amiereuse », pour définir une amitié romantique. On a découvert ce terme qu’on trouve très pertinent pour notre relation. On vit ensemble (en colocation), c’est ma meilleure amie, ma confidente, mon meilleur soutien moral, et réciproquement. On se fait des câlins, on dort parfois ensemble, on a aussi une intimité sexuelle de temps en temps. On envisage de continuer à vivre ensemble, avec E., et de coparenter (élever nos enfants ensemble). C’est une relation qui a beaucoup moins de pression qu’un couple « classique », vu de l’extérieur on est comme des meilleures amies, mais avec quelque chose en plus – par exemple on se consulte pour les décisions importantes qui peuvent impacter l’une et l’autre, on communique sur nos insécurités liées à notre relation, on s’organise des dates, on se chicane, et on a parfois des crises relationnelles… En quelque sorte, J. est aussi une nesting partner, mais avec moins d’engagements. 

J. et E. sont amis et on fait régulièrement des activités ensemble tous les trois et avec notre groupe d’amis. 

Lorsque je rencontre et/ou souhaite fréquenter une nouvelle personne, j’en parle avec les deux. Avant les fêtes, j’ai rencontré quelqu’un d’autre, ce qui a amené à discuter des insécurités de E. et J. par rapport à cette nouvelle relation, et à adapter le temps et l’énergie dédiés à chacune des relations. ((edit de juin 2018 : cette relation est terminée mais j’ai d’autres partenaires occasionels ou réguliers)). Ces autres partenaires sont bien évidemment au courant de l’existence de E. et J. 

Depuis quelques mois aussi, J. est en couple avec D. Mon amiereuse sort avec mon ex, et ça se passe très bien. Ça nous a permis, à D. et moi, de se retrouver, comme amis. Cela a aussi amené des changements plus importants dans la dynamique relationnelle entre J. et moi, mais tout va bien. 

De plus, il arrive que nous ayons des partenaires occasionnels.

Mon polycule

Tout ça semble bien compliqué, mais les rapports sont en réalité assez fluides. Évidemment, cela requiert une certaine organisation : nous utilisons des agendas partagés pour savoir qui est dispo quand, et trouver des moments pour se voir. Chez certain.e.s polys, partager son agenda est un peu le symbole d’un engagement relationnel (aka : ça devient assez sérieux pour que tu saches ce que je fais de ma vie ^^).

Comme on peut aussi le lire ici, cela ne signifie pas que nous démultiplions les partenaires à l’infini « parce qu’on peut ». Le monde a beau être un terrain de jeu immense de potentielles futures relations, le principe reste de pouvoir « satisfaire » et respecter tout le monde – et avant tout, de se respecter et s’écouter soi-même. Lorsqu’un.e partenaire souhaite entamer une nouvelle relation, on en discute, on parle de nos peurs, des limites avec lesquelles on est à l’aise, des étapes. Si l’Amour est une denrée illimitée (oui oui), le temps et l’énergie de chacun ont des limites.

Gérer une seule relation demande du temps et de l’énergie, il est donc mieux de garantir une certaine stabilité émotionnelle et relationnelle avant de décider d’ouvrir son couple – car si une chose est sûre, c’est que le polyamour finit par déterrer tous les malaises, frustrations, insécurités, blocages, vulnérabilités… de chacun. Impossible de se voiler la face longtemps et espérer que ça tienne. Malgré son apparence de « solution miracle », le polyamour n’EST PAS une solution viable à tous les problèmes de couple, et être en relation poly demande d’énormes investissements personnels et émotionnels.

La bonne nouvelle, c’est que si on est ouvert.e, prêt.e à travailler sur soi, et qu’on a la chance d’avoir un.e partenaire bienveillant.e, c’est un chemin incroyablement enrichissant.

À lire :

*un petit glossaire du vocabulaire polyamoureux chez mon amie Hypatia : http://hypatiafromspace.com/glossaire-vocabulaire-polyamoureux/

LA référence en matière de polyamour : le site More The Two https://www.morethantwo.com , dont les auteurs ont aussi publié un livre

Les articles sur le thème communication chez Hypatia : http://hypatiafromspace.com/theme/communication

Une présentation de la communication authentique/non violente (sous titres en français dispos)

 

 

 

 

Développement(s) personnel(s)

polyamour 101

Alors voilà, je suis polyamoureuse. C’est plus vraiment un secret aujourd’hui et j’en parle facilement, mais la vérité c’est que la plupart des personnes ne comprennent pas exactement ce que ça signifie. Pour être honnête, j’ai été la première à avoir des a priori sur ce qu’est le polyamour, et à ne pas me reconnaître immédiatement dans cette vision des relations.

À force d’en parler autour de moi, il m’a semblé que ce serait une bonne idée d’en parler plus ouvertement sur mon blogue, et pourquoi pas de faire une petite série d’articles sur le sujet, en fonction des questions et commentaires. Le terme est aussi de plus en plus utilisé, et autour de moi nombreu.ses.x sont les personnes à se questionner sur le modèle de couple hétéro-normatif exclusif/monogame.

**À noter** Je souhaite préciser que l’avis exprimé ici reste le mien : ma vision de ce qu’est le polyamour, comment je l’interprète, via mon expérience personnelle de cisfille bie à tendance hétéro. Il est évident que certain.e.s ne se reconnaîtront pas dans là-dedans, même si je souhaite définir et reconnaître un polyamour inclusif et fluide. Aussi je vais m’efforcer d’utiliser le plus possible l’écriture inclusive. 

Polyamour, donc.

La première chose que je souhaite mentionner, c’est qu’être polyamoureux, n’est pas une orientation sexuelle (homo-bie-asexuel etc), mais un choix. À mon sens, le polyamour est une vision des relations suivant plusieurs valeurs, à savoir : la liberté, l’honnêteté, la  bienveillance, le respect, et l’équité. Tout ceci concerne tou.te.s les partenaires impliqué.e.s, et se passe idéalement dans un cadre de communication authentique.  Je reviendrais plus tard sur ces valeurs et ce que ça signifie pour moi. Comme pour le féminisme*, une fois qu’on a ouvert son esprit à certaines (remises en) questions, on réalise à quel point notre vie amoureuse et nos relations en général sont impactées et contraintes par des constructions sociales, une éducation, un modèle imposé par la société. Être polyamoureux, c’est reconnaître et partager ces valeurs, et les appliquer au sein de sa/ses relations.

Être polyamoureux, ce n’est pas forcément avoir plusieurs relations, coucher avec plein de gens, ni être en amour avec tout le monde.

Être polyamoureux, ce n’est pas tromper saon partenaire.

Être polyamoureux, ce n’est pas être libertin, échangiste, polygame, … même si, en quelque sorte, ces modes relationnels peuvent être inclus dans le polyamour sous réserve de respecter certaines valeurs (c’est là que ma vision est assez large et risque de choquer certain.e.s poly)

Être polyamoureux, ce n’est pas forcément être en triade femme-homme-femme, malgré les nombreuses représentations de ce type d’arrangement relationnel.

Être polyamoureux, ce n’est pas « ne pas être jaloux ». La jalousie, comme de nombreux sentiments s’ils sont exprimés et gérés correctement, a sa place dans une relation polyamoureuse.

Enfin, être polyamoureux « actif » ce n’est pas pour tout le monde, mais je crois que n’importe qui pourrait trouver de merveilleux outils de gestion relationnelle et sujets de réflexion en se penchant un peu sur la question.

Fred Gingras

Alors, comment on devient polyamoureux ? 

 

Pour moi, le premier pas vers le polyamour serait de reconnaître et admettre quelques points concernant nos relations modernes, à savoir :

– Nous ne sommes pas exactement des animaux monogames (ou bien plutôt des monogames en série pour notre nouvelle génération) : l’Amour-passion exclusif à long terme dans le cadre du mariage est le fruit d’une construction sociale, mais aussi et surtout, qu’il est naturel, et pas malsain, d’avoir une attirance sexuelle (et pourquoi pas amoureuse) envers quelqu’un d’autre que notre partenaire principal.e. (Olala, les gros mots.)

– On ne possède pas une personne. Malgré ce que la culture populaire (sexiste, ajouterais-je) nous inculque, les désirs et actions de l’être aimé ne nous appartiennent pas, et ce quelle que soit la puissance des sentiments partagés.

– Il est difficile voire impossible de satisfaire tous ses besoins et désirs, qu’ils soient affectifs, sexuels ou autres, avec une seule personne.

De mon point de vue, la monogamie et les relations exclusives ne sont qu’une forme d’ententes relationnelles parmi d’autres. Je ne pose pas ici de jugement contre celleux qui choisissent ce type de relations, qui le respectent, et sont heureu.x.ses là-dedans. Il y en a, j’en ai fait partie, et j’ai beaucoup d’estime pour celleux qui s’y épanouissent. Il est certain qu’être en relation non exclusive amène son lot d’insécurités, de remises en question, de doutes, de problématiques diverses, et je respecte infiniment celleux qui reconnaissent ne pas pouvoir faire face à ces vagues là.

Je critique simplement l’illusion que nous donne notre éducation, de penser qu’il n’y a qu’un seul modèle viable et valide, et la construction sociale qui nous a appris que coucher avec un.e autre, ou même fantasmer sur un.e autre va amener un désastre et mérite un cruel châtiment.

Je crois alors que le polyamour est une façon de sortir de la boite, de voir plus large, de ré-envisager les relations, d’apprendre à gérer des émotions complexes telles que la jalousie, et surtout l’occasion d’amener des changements profonds dans nos relations aux autres et à nous-même.

Je m’arrête ici pour ce premier volet. Dans le prochain article, on entrera un peu plus dans le vif du sujet : comment ça marche, concrètement ?

Lire le post suivant : polyamour 102 – polycule & adaptations

 

En attendant, voici quelques liens pour approfondir le sujet :

Un super podcast très court sur le polyamour (France Culture) https://www.franceculture.fr/conferences/quest-ce-que-le-polyamour

Les Tedtalk d’Esther Perel sur le désir dans le couple moderne, qui ont grandement influencé mon cheminement vers le polyamour (on peut mettre les sous-titres en français)

*Je mentionne le féminisme, car je crois que le modèle normatif exclusif est très sexiste. En ce qui me concerne, être polyamoureuse est un choix politique et féministe (je reviendrais éventuellement sur ce point).

Intime & Réflexions

la délicatesse

J’écris plus. Ici, j’écris un peu ailleurs, parfois. J’écris plus, je poste plus tant de photos sur IG, je partage moins ma vie sur les internettes, hormis peut être twitter.

J’écris plus, j’ai perdu la routine et l’entrainement pour trouver la musique originale des mots. Je suis occupée, souvent, je suis moins sur mon ordi surtout. Ma vie est un si beau tourbillon depuis des mois, si doux, si joli, si plein de ces personnes merveilleuses et du printemps sans fin, de l’été pas si chaud, de Montréal, de musique, de nuits blanches, de lacs, de forêts, d’avions, aussi.

J’écris plus parce que j’ai plus grand chose à dire, j’ai moins de mots qui circulent dans ma tête et demandent à sortir. Je les vis, les choses, dans mon corps et ma peau.

En fait si j’aurais tant et tant à raconter, mais ce serait si long, et si compliqué de trouver les mots justes, les mots qui disent « je suis heureuse, je suis centrée, je suis enfin« . Et aussi, je suis amoureuse, follement, je les aime plusieurs, et tou.te.s à la fois dans leurs beautés singulières, et je fais l’amour avec mon corps mes yeux mes mains mes mots et toute cette vie qui brûle en dedans. Je suis passionnée, si passionnée de ce métier qui me remplit et m’apporte tant. Je suis libre, surtout. Libre comme j’ai jamais été, libre d’être moi toute entière, libre d’aimer, de dormir, de vivre, de baiser, de dire non et stop, libre d’exister.

Au travers d’eux, de moi, de nous, au travers des mois qui s’écoulent et des changements d’heure, j’ai eu 31 ans. Je grandis encore chaque jour un peu plus. Je change, ou plutôt, je me découvre.

Dans ces nouveaux paysages, je me promène. J’expérimente des sensations inconnues, je développe des réflexions, je m’observe et j’apprends des autres, aussi, doucement, je me mets à croire pour vrai en mes rêves. Et puis il ya ce sentiment étrange. Plus j’avance, plus j’accumule de certitudes et d’évidences. Et pourtant, plus j’avance, et plus j’accède à l’immensité de tout ce que je ne sais plus.

Je plume. Couche par couche, des mues successives qui s’arrachent parfois dans les cris, la douleur et les respirations. Renaissances infinies, je me sens parfois si vulnérable, et si nue sans ma peau dure et mon armure de contrôle. J’acquiers l’équilibre tandis que le chaos achève de me (dé)construire. Et je me vois alors, enveloppée d’un litre d’huile chaude sous les mains d’une présence chaleureuse, je me vois, si fragile.

Je suis fragile. Je me répète, presque nue sur cette table. Je suis fragile, et si vulnérable, et sensible, et c’est là toute ma force et ma faiblesse à la fois. Je perçois l’autour avec tant de violence, je dois mettre mes limites – ces fameuses limites qu’il m’a fallu apprendre à concevoir, établir, puis à poser – mais comment se protéger dans un monde de grandes personnes et de responsabilités ? Comment faire savoir qu’on est multiple, force et fragile, sérénité et mouvement, transformation constante, éponge empathique, hyper intuition, déstabilisation facile ?

C’est peut être votre évidence. Pour moi, c’est encore un effort à chaque pas. Accepter cette vulnérabilité, m’ouvrir, apprendre à percevoir, à recevoir, pour mieux accompagner les autres à trouver les portes et leur propre cheminement sans trop m’impliquer, et surtout, ne pas me perdre, là-dedans. Me fabriquer ce cocon qui me permet d’exister au dehors. Reconstruire autour de moi la peau qui s’est parfois violemment arrachée sous la tempête, les coups et les émotions.

Le mot-clé c’est bienveillance, et authenticité, et on est quelques uns à en avoir fait notre philosophie. On est un petit tas qui se serrent les uns contres les autres, la nuit pour se tenir chaud. On est une bande de doux rêveurs et d’hypersensibles qui croyons qu’on peut créer pour vrai le monde utopique qu’on s’est inventé. On est cette bulle Bizarre au milieu du vrai monde.

C’est eux, mon fuel, mon île, mon espace sûr. C’est eux, mes amants, mes amours, mon polycule.

C’est parmi eux, multiples, que je me tiens désormais debout.

Mots par Fred Gingras

Intime & Réflexions

à l’origine

Alors voilà. Je suis polyamoureuse, et bisexuelle. Ou l’inverse, chronologiquement.

Ça fait beaucoup de gros mots d’un coup, pardon.

Faque. Je vais essayer d’expliquer.

Je simplifie à bisexuelle parce qu’honnêtement (pardon pardon pardon pour celleux qui l’utilisent) les termes de pansexuel et autres étiquettes à visée inclusive m’ennuient grandement. J’ai pas la prétention d’être sexuellement/émotionnellement attirée par tous les genres, j’aime les garçons qui ressemblent à des garçons et les filles qui ressemblent à des filles. J’aime les filles parce qu’elles ont des seins des fesses des cheveux et la peau douce. J’aime les garçons parce que c’est fort parfois et sensible dedans, parce qu’ils ont des poils et des barbes et des mains d’hommes qui attrapent mes fesses différemment.

Voilà, je suis pleine de sexisme dans mes attirances, et ce serait trop compliqué d’expliquer toutes les variances, tonalités, et le reste pour justifier en quoi c’est pas pour autant sexiste. Et tu sais quoi ? On s’en fout un peu pour la suite du propos.

Je suis attirée par les filles ET les garçons depuis que j’ai commencé à avoir un univers érotique, comme une évidence. S’il y a eu plus de garçons qui sont arrivés dans mon lit, il y a toujours eu des filles dans mes fantasmes. Je n’ai jamais eu trop de questionnements à ce sujet, et par chance on ne m’a jamais reproché cette double attirance – on entend parfois qu’être bi.e, c’est ne pas être capable de choisir, c’est une crise qui passera, c’est de l’immaturité. Il y a aussi les regards concupiscents, oh, tu es bie, ce serait teeeeellement l’fun d’avoir deux filles pour moi. Et ceux qui en ont eu peur, parce que c’est paniquant de se dire que je peux avoir du plaisir sans pénis, tu comprends. J’ai souvent été la copine avec qui les filles couchent « pour voir », pour une expérience, pour un plan à trois, pour.

J’étais jamais vraiment tombée amoureuse. Pas consciemment. Pas complètement. Mais je savais que c’était là. Et si je me voyais faire ma vie (la « vraie », avec famille et enfants) avec un homme, il me semblait que quelque chose clochait quelque part. Que je ne pourrais pas me satisfaire d’un seul corps. D’un seul sexe. D’une seule peau. Qu’il y avait beaucoup trop à explorer, à rencontrer, à expérimenter pour se contenter d’aimer et de chérir une seule personne. L’aspect définitif – jusqu’à ce que la mort nous sépare – m’angoissait.

Ça a été compliqué, je l’ai souvent dit. J’ai essayé, avec plus ou moins de conviction, de rentrer dans le moule. J’étais malheureuse, mais j’étais honnête, pourtant. Je n’ai pas « trompé », pas trahi l’exclusivité sexuelle implicite que requièrent les relations de notre 21e siècle. J’ai eu beaucoup d’histoires sans trop d’engagement, aussi, et c’était bizarrement celles dans lesquelles je m’épanouissais le plus, parce qu’il ne se posait pas de question de contrôle. Et puis on finissait parfois par essayer de rendre ça plus officiel, et ça s’effondrait lamentablement.

En bref. J’ai fini par penser que j’étais pas faite pour la vie à deux. Pour le Grand Amour (note : j’y crois pas plus aujourd’hui). La romantique qui tombait facilement amoureuse a rangé ses idéaux, construit des murs bien épais autour de son coeur, et oublié le Prince Charmant.

Et puis Montréal.

C’est long et c’est court à expliquer. Il y a eu la conscience féministe. La liberté de vivre, la tolérance d’exister, d’agir, de baiser comme et qui on veut ici. Les « fréquentations », ce concept merveilleux qui n’engage rien (même concept que le dating aux États-Unis : c’est pas parce qu’on s’embrasse/qu’on couche ensemble/qu’on se voit 3 fois par semaine qu’on est ensemble avec les règles que ça implique, tant qu’on n’a rien explicité). Il y a eu une, et deux relations. L’idée que c’était possible de s’aimer, de se faire confiance, tout en ne s’interdisant rien. La possibilité de fréquenter plusieurs personnes en même temps sans se faire traiter de fille facile. Une fille. Un gars. Des amitiés améliorées. De la tendresse. Du sexe. Parfois plus. Ces différents partenaires au courant de l’existence des autres. Il ne manquait plus qu’à trouver quelqu’un avec qui construire un futur, sans renier cette liberté.

Et puis Dany. Et puis Jess. Et puis.

 

 

(à suivre)

Intime & Réflexions

scalène

poly triangle
J’ai deux amours.

Mettons quatre, avec les chats.

J’ai deux amours, puis ça fait plus peur de le dire. L’eau et le métal, il parait. Le feu au milieu.

J’ai deux amours et c’est la chose la plus merveilleuse-extraordinaire-enrichissante qu’il m’ait été donné de vivre jusqu’à présent.

Ça fait longtemps que je crois plus aux histoires d’âmes soeurs, de moitié, de Prince Charmant. Gloire au sexisme hétéronormatif de notre société. J’ai pété des murs, pour en arriver là. J’ai perdu une amie, on s’est fait du mal, on a beaucoup douté, explosé, pleuré. Et c’est loin d’être terminé. Mais criss que ça en vaut la peine.

Triangle.

Je ne suis pas une je suis multiple. Et je suis une dans ma complexité. Je ne suis pas isocèle, ni rectangle, et surtout pas équilatérale. Ça n’existe pas, les triangles parfaits. Alors, puisqu’il faut bien mettre une étiquette, j’ai choisi les pointillés pour tout ce qu’il reste à dessiner.

Au quotidien

juillet

C’est toujours difficile de reprendre le clavier lorsqu’on n’a pas écrit depuis longtemps. Je trouve. Quoi dire, par où commencer. On peut jamais rendre à l’idéal les émotions vécues, les paysages traversés, la linéarité du temps qui passe toujours trop vite, ou trop lentement.

Il était bizarre ce mois de juillet. Je me disais, il y a un an, j’ai commencé à pleurer sans raison, juste parce que mon corps saturait de toutes ces émotions avalées-pas-digérées. Il y a un an je savais pas où je serais six mois plus tard, puis c’était le chaos dans ma vie. Un beau chaos destructeur qui a mené à tout reconstruire, ou presque.

J’ai eu trente ans le 17, cette année. C’est passé comme on s’en rend pas compte, comme si je savais déjà, trente ans après tout c’est qu’une année de plus, c’est peut être et surtout le début d’autre chose. On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. Et à trente, est-on un peu plus adulte ?

Il y a un an, je tombais à nouveau en amour. D’une fille.

Un an plus tard, on s’accompagne toujours dans les joies et les écueils de nos quotidiens.

Il était bizarre ce mois de juillet. Pas pire qu’un autre tu me diras, les mois de mon anniversaire amènent toujours de sales ascenseurs émotionnels, on dirait. On l’a terminé au milieu du bois, au bord d’un lac, noyés de fumée et de citronnelle pour éloigner les bibittes qui voulaient nous manger. C’était beau, si vous saviez, ce que je veux répondre à tous ceux qui me demandent « mais pourquoi t’es partie ? », je voudrais les emmener là sur ce lac miroir et sous ces ciels immenses, au milieu du vert infini. Je voudrais leur faire écouter le silence, et les cris des huards à l’aube. La douceur de l’eau qu’on pourrait presque boire. À mille miles de tous lieux habités.

Il y a quelque chose du Québec que je n’ai rencontré nulle part ailleurs. Quelque chose qu’on voudrait garder pour soi, mais qui ne nous appartiendra jamais. On est des invités, autorisés à pénétrer l’immensité des territoires sauvages à la faveur d’une météo douce et de 30 kilomètres de chemin de terre. Alors, on lâche les rames de la chaloupe, et on se tait, le temps d’une pause. Autour, la nature frémit.

Le ciel s’inverse alors.

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mastigouche-6(les photos suivantes sont de Virginie et Thomas, nos chouettes voisins-amis)

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(et celles ci de Pierre)

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